Intervention de André Gattolin

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h00
Débat sur le rôle et la stratégie pour l'union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préalable à mon propos, je souhaite saluer ici l’impressionnant travail mené par cette mission commune d’information et tout particulièrement par son président, Gaëtan Gorce, et sa très impliquée rapporteur, Catherine Morin-Desailly. En matière de réflexion et d’engagement parlementaire sur les nouvelles technologies de l’information, ils sont d’ailleurs, l’un et l’autre, loin d’en être à leur coup d’essai.

Membre de cette mission au titre du groupe écologiste du Sénat, j’ai eu la chance d’assister, sinon à la totalité des très nombreuses auditions conduites de décembre 2013 à juin 2014, du moins à un grand nombre d’entre elles.

Cela a été, je dois le dire, l’un des chantiers les plus passionnants de mes trois premières années passées dans cette assemblée. Et le résultat final est là : un rapport de près de 400 pages, riche de soixante-deux propositions, sans compter les plus de 400 autres pages d’annexes transcrivant une grande partie des entretiens conduits au cours des six mois de travaux !

Je reviendrai très vite sur quelques-unes des conclusions de cette mission, en me focalisant principalement, par manque de temps, sur la dimension industrielle d’internet, même s’il y aurait bien sûr énormément à dire aussi sur des questions comme celles des libertés numériques ou de la protection des données personnelles. D’autres collègues, je pense, s’en chargeront.

Mais avant d’évoquer la question de l’indispensable développement d’un « internet européen », je voudrais d’abord, et de manière plus impressionniste, témoigner de deux des nombreux moments forts qui ont jalonné nos travaux et qui, je crois, illustrent bien l’importance des enjeux soulevés par cette mission.

En premier lieu, j’évoquerai l’audition extrêmement stimulante et particulièrement éclairante du philosophe Michel Serres, une des toutes premières personnalités entendues par la mission, le 14 janvier dernier.

Michel Serres s’attacha alors à replacer le numérique dans l’histoire des échanges humains, qui ont structuré et continuent de faire évoluer notre civilisation commune : communication orale, puis écrite, puis imprimée, avant d’être à nouveau dématérialisée, avec chaque fois, à la clé, une transformation radicale de l’organisation politique et sociale, rendue possible par les nouveaux rapports entretenus par les individus avec l’information et le savoir.

La question posée par internet et par sa gouvernance dépasse de loin son apparente nature technique et technologique ! Elle englobe tous les champs et tous les acteurs de notre société, désormais très largement globalisée et planétarisée.

Nous sommes aujourd’hui au cœur d’un cycle de transformation, venu par la connaissance et qui bouleverse l’ensemble de nos connaissances.

Le second moment fort de cette mission, que je voudrais ici mettre en relief, se rapporte au déplacement que nous avons conduit à Berlin les 12 et 13 mars dernier.

Je n’évoquerai ici qu’un seul de ces échanges, notre rencontre avec Hans-Christian Ströbele, député écologiste allemand, avocat et membre de l’organe parlementaire en charge du contrôle des services de renseignement allemands. C’est l’une des rares personnes ayant pu, à ce jour, rencontrer longuement Edward Snowden depuis ses fameuses révélations sur les agissements de la National Security Agency, la NSA.

Nous étions alors peu de temps après les révélations concernant les interceptions dont Angela Merkel avait été la cible, et les déclarations que le scandale avait inspirées à la chancelière allemande.

En entrant dans la salle de réunion du Bundestag où Ströbele nous accueillait, nous lui avons, sans doute un peu naïvement, demandé si nous devions éteindre nos portables pour garantir la confidentialité des échanges qui allaient suivre.

La réponse de l’intéressé fut négative : « Cela ne servirait à rien. Les services de renseignement américains sont vraisemblablement informés de cette rencontre et n’ont nul besoin de passer par le réseau pour capter nos échanges. L’ambassade des États-Unis est située à moins de cinq cents mètres du Bundestag et du bureau de la Chancelière. Leurs équipements de surveillance sont braqués sur ces deux bâtiments. Comment croyez-vous sinon qu’ils auraient pu capter la quasi-totalité des conversations de la Chancelière au cours de ces derniers mois ? »

Le constat est pour le moins édifiant !

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