Intervention de André Gattolin

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h00
Débat sur le rôle et la stratégie pour l'union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je vous l’accorde, mon cher collègue.

Dire que la gouvernance actuelle de l’internet n’est pas satisfaisante est une évidence indiscutable. Sous prétexte d’une gouvernance prétendument dégagée des influences étatiques, c’est bien une prédominance états-unienne sur la quasi-totalité du secteur que nous pouvons constater.

Si, dans les premiers temps, le réseau mondial a effectivement fait émerger un mode de co-élaboration et de neutralité alimenté par la richesse, la diversité et la vigilance de ses usagers, force est aujourd’hui de constater que les États-Unis, en tant qu’État et aussi au travers de la puissance de leurs industries du numérique, ont su s’assurer une part excessive du contrôle direct et indirect du réseau.

Le seul exemple de l’ICANN, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, dont le processus de décision est assez discutable et dont le board est largement dominé par les grandes entreprises américaines du numérique, permet de le souligner !

Depuis peu, d’ailleurs, face à la contestation croissante de leur prédominance dans les instances de gestion et de régulation du net, et devant les risques croissants d’une balkanisation de l’internet, les États-Unis commencent enfin à mettre un tout petit peu d’eau dans leur vin. Mais il ne s’agit là pour l’heure que d’une goutte d’eau dans l’océan !

Disons-le clairement, il ne s’agit pas pour moi ici de vouer aux gémonies notre partenaire et allié américain, même si de très sérieuses critiques peuvent lui être faites.

Mais avouons que les Français, les Européens, et plus généralement l’ensemble des utilisateurs du net n’ont aucun intérêt à la balkanisation de ce dernier.

Et il me semble que personne parmi nous n’a envie de vivre dans un internet à la chinoise.

Il s’agit donc de faire entendre et comprendre que l’Europe n’est pas, et ne doit plus être, une colonie d’un monde numérique dont les instruments de contrôle et de régulation, ainsi que les richesses, seraient accaparés avec plus ou moins de finesse par une ou plusieurs puissances anciennes ou émergentes de ce monde.

C’est peu de dire qu’en la matière nos institutions européennes, et tout particulièrement la Commission, auront été d’une passivité coupable au cours des vingt dernières années ! Et même si celle-ci semble commencer à se réveiller, nous restons encore loin du compte si nous voulons faire de l’Europe l’acteur qu’elle devrait être au sein d’une gouvernance renouvelée d’internet. D’où l’intérêt, notamment, des propositions n° 27 et 28 formulées par la mission, qui rebondissent sur les déclarations d’Angela Merkel en faveur d’un internet européen : l’une veut faire émerger, sur l’initiative de la France et de l’Allemagne, une véritable politique européenne de l’industrie numérique ; l’autre veut articuler et faire évoluer les règles européennes de la concurrence, aujourd’hui approchées de manière terriblement dogmatique, afin de favoriser la naissance de grands acteurs européens dans les principaux secteurs concernés par le développement d’internet.

À notre sens, l’Europe et ses citoyens ne pourront pleinement tirer parti de la révolution numérique que nous vivons ni faire vivre le meilleur de leurs valeurs dans la régulation d’internet sans se doter de semblables objectifs et des moyens concrets permettant de les atteindre. §

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