Intervention de Philippe Marini

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h00
Débat sur le rôle et la stratégie pour l'union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les technologies du numérique font exploser beaucoup de choses, si j’ose ainsi m’exprimer. Elles remettent en cause des habitudes intellectuelles, des concepts, mais c’est leur véritable vocation. Elles remettent également en cause les conditions habituelles dans lesquelles sont bâties les fiscalités des États, plus spécialement pour ce qui concerne le rattachement des résultats d’une entreprise aux différents territoires sur lesquels elle peut être amenée à travailler.

Ces technologies du numérique posent des problèmes multiformes qui relèvent de différents champs de réflexion. Je voudrais insister sur la très grande difficulté de ce sujet et sur le caractère tout à fait vital des analyses réalisées et des propositions formulées dans ce domaine, car il appartient aux États et à l’Union européenne de reprendre l’initiative. De quoi s’agit-il, sur quel plan devons-nous nous situer et que faudrait-il faire ?

À mon sens, les nations ne sont pas totalement hors du jeu, parce que c’est dans le cadre des nations que s’expriment les opinions publiques. Nos collègues qui m’ont précédé à cette tribune le disaient : le G20 progresse dans la lutte contre l’optimisation fiscale des grandes sociétés mondiales de l’internet. Pourquoi progresse-t-il ? Parce que les opinions publiques, sur le plan national, se sont emparées de ce sujet.

C’est notamment le cas au Royaume-Uni, que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État, de même que notre collègue sénateur représentant les Français établis hors de France qui s’est exprimé pour la première fois à cette tribune. Quand les Britanniques ont manifesté devant les établissements de l’enseigne Starbucks, c’est parce qu’ils avaient le sentiment d’une très grande injustice face à la différence de traitement fiscal réservé au pub du coin, qui paie l’impôt sur ses résultats au taux de droit commun, et à cette enseigne, qui peut, grâce à des montages, minimiser singulièrement sa charge fiscale.

Se posent aussi – et c’est essentiel d’un point de vue communautaire – des questions de droit de la concurrence. Vous le savez, madame la secrétaire d’État, dans ce domaine, la Commission sortante a été assez hésitante. J’avais eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur ces sujets, tant vis-à-vis de Mme Pellerin que de Mme Filippetti. Nous partagions au demeurant la même approche en matière de droit de la concurrence : il faut que la jurisprudence s’exprime !

Les consultations auprès des acteurs de marché réalisées à plusieurs reprises par le commissaire à la concurrence sortant, M. Joaquín Almunia, ont montré, de la part des prestataires de l’internet, une aspiration à l’équité et à la justice que l’on ne peut mettre de côté, et les propositions de la Commission européenne ont été, à ma connaissance, très largement repoussées par les milieux professionnels. Or l’Union européenne est bâtie, dans une très large mesure, sur un droit communautaire de la concurrence. Les positions dominantes qui sont assumées par les multinationales américaines minent nos certitudes et posent un singulier problème à la machine communautaire, problème qui ne pourra être traité un jour que par la Cour de justice de l’Union européenne.

J’en viens enfin à un sujet auquel notre commission de la culture sera certainement encore plus sensible, je veux parler de la protection des contenus

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion