Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h00
Débat sur le rôle et la stratégie pour l'union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce :

Nos partenaires allemands ont fait leurs propositions de manière peut-être un peu rapide et précipitée, du fait de l’émotion liée à la découverte des écoutes dont avait été notamment victime la Chancelière, mais il y a là des axes de coopération sur lesquels nous devons avancer.

Lorsque nous nous sommes rendus en Allemagne, nous avons entendu des points de vue parfois différents, voire contradictoires, mais ils traduisaient tous, en tout cas de la part de la Chancellerie, la volonté de trouver une base commune d’action, laquelle nous permettrait d’agir avec plus de force et d’impact.

J’achèverai ce rapide tour d’horizon de cette question, laquelle a été très largement défrichée et explicitée par les précédents intervenants, en insistant sur deux points.

Le premier n’est pas d’ordre seulement formel. Je veux en effet redire le plaisir qui a été le mien d’animer les travaux de la mission commune d’information, souligner la qualité des interventions que nous avons entendues et rappeler les opportunités qui nous ont été offertes, lors de nos déplacements, de rencontrer des acteurs importants de ce domaine afin de mieux en comprendre les enjeux. Nous en avons retiré la certitude, y compris aux États-Unis lors de nos rencontres avec des représentants de l’industrie américaine, que notre volonté de défendre des règles de protection de la vie privée est entendue par un certain nombre d’entreprises, lesquelles souhaitent que ces règles soient clairement fixées. Nous devons en effet avoir conscience que les intérêts d’Amazon et de Google ne sont pas ceux de l’ensemble de l’industrie et du secteur des services américains. Il est donc nécessaire que nous poursuivions cette discussion au sein de cet hémicycle, comme nous le faisons au travers de la proposition de résolution.

Il nous faudrait également créer, comme l’a dit Mme Garriaud-Maylam – je crois que le rapporteur partage également cette idée et qu’une proposition de résolution sera déposée en ce sens –, sinon une commission, du moins une délégation qui puisse travailler sur tous ces sujets, afin que nous en ayons une vision transversale, tant les questions de souveraineté, de protection des droits des personnes, ainsi que les enjeux industriels et technologiques sont mêlés. Cette vision globale nous évitera de commettre des erreurs ou de nous tromper de perspective lorsque nous serons amenés à débattre et à légiférer.

Le second point renvoie d’une certaine manière au débat que nous avons eu au Sénat, la semaine dernière, sur la lutte contre le terrorisme et l’intervention des juges en vue de contrôler les éventuels blocages d’accès à des sites internet.

Nous sommes en permanence perturbés lors de nos discussions par l’idée que nous nous faisons d’internet, laquelle correspond effectivement au message de ses fondateurs : un espace de liberté fondé sur le partage et la gratuité. Ce message serait censé perdurer, en théorie sans doute...

L’idée selon laquelle la Toile serait un espace permettant de promouvoir de telles valeurs, nous devons y rester attachés, même si elles ne sont plus vraiment d’actualité. Ceux qui ont repris la main dans ce domaine cherchent au contraire à exploiter nos données personnelles avec avidité, comme en témoignent les agissements de certaines entreprises. Cela doit nous inciter à écarter toute naïveté.

Nous ne sommes plus dans une situation où il suffirait de laisser aller les choses. Il convient au contraire que la volonté politique, s’appuyant sur des valeurs de démocratie, reprenne la main. Nous ne devons pas avoir d’état d’âme ou de doute sur la nécessité d’introduire dans le débat public ces sujets, qui étaient jusqu’à présent réservés à des initiés, pour ne pas dire à des « supporters ». Nous devons nous en saisir, mais pas avec le souci de transformer internet en un champ de bataille clos entre les États ou d’en revenir à un État qui imposerait des règles ou construirait des lignes Maginot.

Ces sujets mettent en jeu une certaine idée de la société et de l’homme. La société, au travers de ses représentants, doit donc pouvoir s’exprimer et, lorsque c’est nécessaire, fixer un cadre. C’est ce que nous demandons s’agissant de l’ICANN et ce que nous souhaitons voir se réaliser dans d’autres domaines. C’est ce que nous pourrons faire dans les prochaines années si la prise de conscience qui s’est amorcée prend toute sa dimension. Pour ma part, au vu de l’intérêt que suscitent ces débats, je suis optimiste.

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