Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h00
Débat sur le rôle et la stratégie pour l'union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

L’ICANN a ouvert un agenda de réformes, ce qui est heureux : il existe une réelle volonté de se moderniser et d’obéir à des standards juridiques internationaux plus conformes à nos exigences de droit. Seulement, il ne faut pas que les États européens et les autres zones géographiques qui les rejoignent – l’Afrique, l’Asie, les grands pays émergents – se laissent enfermer dans un débat sur une réforme se limitant à celle de l’ICANN par l’ICANN ! C’est la raison pour laquelle la France demande qu’une conférence sur internet soit organisée l’année prochaine, notamment dans le cadre des dix ans du Sommet mondial sur la société de l’information, lesquels seront célébrés à l’ONU à la fin de 2015.

Vous l’aurez compris, sur ce sujet, les choses avancent vite et plutôt bien. Il y a six mois, la suspension de la délégation « .vin » n’était pas possible et nos viticulteurs se préparaient à se heurter directement à des pratiques qui leur auraient beaucoup nui. Aujourd'hui, de facto, la délégation a été suspendue puisque les fédérations viticoles non seulement françaises, mais aussi américaines, car nous avons été rejoints par plus de 2 000 viticulteurs américains partout aux États-Unis, négocient avec la société délégataire une liste d’indications géographiques qui pourra être annexée au contrat de délégation et obligera toutes les compagnies traitantes à respecter ces indications.

Madame Morin-Desailly, vous avez regretté l’absence de diplomatie numérique du Gouvernement. Sur ce point, je ne partage pas votre analyse. La diplomatie, notamment d’influence, par le biais des outils numériques est une priorité du gouvernement français. Nos diplomates sont désormais très présents sur les réseaux sociaux, car ils ont mesuré l’importance d’établir un dialogue direct entre l’État français et la société civile, y compris l’opinion publique internationale. De plus, nous avons lancé un projet appelé « Diplomatie », qui intègre en open source, c'est-à-dire avec des logiciels libres, une gestion électronique des documents.

Cette année, notamment à ma demande, la France a rejoint l’OGP, l’Open Government Partnership, une organisation internationale informelle qui promeut des qualités comme la transparence, l’open data, l’utilisation des données publiques par les gouvernements et la lutte contre la corruption. C’est une enceinte dans laquelle il est possible de défendre les valeurs françaises, et nous jouons complètement le jeu de la diplomatie d’influence.

Enfin, j’exprime le souhait que les principes élaborés au NETmundial, qui ont été partagés par l’ensemble des acteurs présents, non seulement par les gouvernements, mais aussi par les représentants de la société civile et du monde des affaires, soient un jour inscrits dans un traité international. C’est la raison pour laquelle la France plaide pour que la déclaration du NETmundial soit intégrée dans un document européen, pour commencer. Je rappelle quelques-uns de ces principes : la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté d’information, le droit au respect de la vie privée, l’accessibilité, l’architecture ouverte d’internet, une gouvernance qui soit multipartite, ouverte, transparente, redevable, un système qui soit inclusif, équitable et qui promeuve des standards ouverts.

Vous avez raison de vous référer à des philosophes, car c’est effectivement un débat d’ordre philosophique et éthique qui se joue ici. Je constate d’ailleurs qu’aux États-Unis des intérêts capitalistes rejoignent paradoxalement une vision qui se veut souvent libertarienne et transhumaniste. Ces positionnements se retrouvent donc dans la défense d’intérêts économiques. La France doit promouvoir ses valeurs dans ce débat. Je dis d’ailleurs aux Anglo-Saxons pour mieux me faire comprendre que nous sommes une Digital Republic. Nous sommes une République numérique et nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité doivent être réaffirmés sous forme numérique. C’est en ce sens que je m’exprimerai la semaine prochaine lors des journées du Wall Street Journal puisqu’il m’a été demandé de traiter de la question de l’impérialisme américain en matière d’internet.

Je terminerai par l’enjeu qui est sans doute le plus fondamental, à savoir celui de nos enfants, de l’école et de la formation. Pour que les natifs d’internet – nous n’en sommes que les migrants – soient autonomes et indépendants dans l’environnement numérique d’aujourd'hui, qui le sera plus encore demain, il est important de les former aux outils numériques et de leur apprendre à s’y retrouver. C’est l’ambition que promeut au plus haut sommet de l’État le Président de la République. Nous travaillons à l’élaboration d’un grand plan numérique pour l’école française. Là aussi, le Gouvernement sera en avance et fera office de pilote pour préparer nos enfants à la révolution numérique.

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