Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 23 octobre 2014 à 9h00
Prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

L’imprescriptibilité du domaine privé des personnes publiques, que vise à établir la proposition de loi de notre collègue Henri Tandonnet, est intéressante, mais ne nous paraît pas un dispositif adapté à la difficulté, pourtant réelle, que pose la situation des chemins ruraux.

Il faut revenir aux sources de ce principe. Les propriétés des personnes publiques bénéficient d’une protection forte, justifiée par le fait qu’elles sont affectées à l’usage de tous. Le principe d’inaliénabilité du domaine public signifie que les biens appartenant à ce domaine sont insusceptibles d’une appropriation privative. Il s’agissait, à l’époque de l’Édit de Moulins, au XVIe siècle, de « préserver l’intégrité du patrimoine royal » et d’éviter que le roi ou ses conseillers ne dilapident le domaine de la couronne. L’inaliénabilité, corollaire de l’imprescriptibilité, signifie que les biens de ce domaine ne peuvent être cédés d’aucune manière, de façon volontaire ou contrainte, à titre onéreux ou à titre gratuit.

Ainsi, le domaine public est constitué et reconnu en raison de l’intérêt public auquel il est destiné, tandis que le domaine privé, même s’il correspond toujours à un intérêt public, présente plutôt un intérêt patrimonial.

Prenant acte de « l’hypertrophie pathologique du domaine public », les auteurs du code général de la propriété des personnes publiques de 2006 ont retenu une définition qui reprend les deux conditions posées par la jurisprudence antérieure, à savoir l’appartenance à une personne publique et l’affectation à certaines destinations, s’attachant, par là même, à réduire l’étendue du domaine public. La rigueur des règles relatives au domaine public, notamment l’imprescriptibilité et l’inaliénabilité, apparaît en effet souvent en décalage avec la gestion et la valorisation nécessaires des propriétés publiques. C’est dire si la solution proposée par la présente proposition de loi va à l’encontre de la modernisation de la gestion des propriétés publiques…

De nombreuses réflexions, émanant du Conseil constitutionnel, des auteurs de la doctrine, en passant par les gestionnaires que sont les élus locaux, ont souligné l’intérêt d’une « échelle de la domanialité ». À cet égard, le groupe du RDSE ne peut que recommander que l’on travaille sur la base de cette notion clé, afin d’adapter et de moderniser les normes de l’administration, de manière à faciliter la gestion locale.

Concernant la problématique particulière des chemins ruraux, il faut noter que ces derniers faisaient autrefois partie du domaine public de la commune, en tant que propriétés des communes ouvertes à la circulation générale. Le législateur considéra que le régime de domanialité publique était une protection trop lourde, et l’ordonnance du 7 janvier 1959 procéda à leur transfert vers le domaine privé. Le régime du domaine public était en effet inadapté à des biens dont l’importance économique n’était pas considérable et pour lesquels les conséquences de la domanialité publique devenaient une gêne, dans le contexte d’une agriculture en pleine transformation du fait des restructurations et remembrements, lesquels rendaient inutiles, et même gênants, certains chemins ruraux.

Il faut ajouter que les chemins ruraux ont une vocation avant tout agricole : ils permettent aux exploitants d’accéder aux diverses parcelles composant leur exploitation. Depuis que la randonnée pédestre s’est développée, ils en facilitent également la pratique dans nos campagnes. Ce n’est pas peu appréciable ! Trois petits tours dans les bois, et ces chemins partent au hasard, pour le plus grand bonheur des flâneurs, en particulier à l’époque des cèpes et des champignons…

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