Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les élus des collectivités territoriales de la ruralité, en particulier les maires, sont confrontés à des situations qui, souvent, ne rentrent pas ou ne rentrent plus dans le cadre prévu par le législateur. C’est à nous qu’il appartient d’y remédier, en cherchant à faciliter l’exercice de ces mandats. Voilà pourquoi je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Henri Tandonnet. Sa proposition de loi nous donne l’occasion de nous pencher sur la question de la prescription acquisitive, qui, comme il l’a parfaitement démontré dans son intervention, a une forte résonance sur nos territoires. J’ai moi-même en mémoire quelques exemples dans mon département de l’Ardèche…
Ce texte a d’abord le grand mérite de s’attaquer à une situation à laquelle de nombreux élus, notamment des maires de petites communes, se sont déjà retrouvés confrontés. Il aborde également un sujet d’avenir, car la question de la prescription acquisitive va se poser avec de plus en plus d’acuité dans les années à venir. En effet, nos chemins ruraux sont davantage empruntés, pour des activités liées à l’exploitation agricole et forestière, mais aussi, de plus en plus, comme des itinéraires de promenade.
Il est souvent difficile pour une municipalité rurale dont les moyens sont, par nature, limités d’avoir une connaissance exhaustive des centaines de kilomètres de chemins ruraux jalonnant son territoire. Il est parfois complexe de détenir une liste à jour de l’ensemble des biens immobiliers du domaine privé, entre telle parcelle, tel ancien moulin ou telle grange oubliée. D’ailleurs, il arrive que ce soit le jour où la commune prend l’initiative de mettre un de ces biens en valeur qu’elle découvre qu’un tiers est fondé à lui opposer la prescription acquisitive.
La philosophie de ce texte repose donc sur une volonté d’aider les collectivités et les élus qui les administrent dans leurs efforts de mise en valeur, d’investissement, voire tout simplement de sauvegarde de leur patrimoine historique ou de la physionomie de leur terroir. Pour autant, comme l’a indiqué notre rapporteur, à qui je veux ici rendre hommage pour la qualité de son analyse, verser dans le domaine public l’ensemble des biens immobiliers des collectivités aurait des conséquences juridiques considérables, créant sans doute des situations inextricables.
La réflexion que notre rapporteur a menée sur un sujet complexe en un minimum de temps me semble donc aller dans le bon sens. Nous ne pouvons aussi radicalement modifier la nature des biens immobiliers du domaine privé des collectivités et, je le rejoins aussi sur ce point, sans doute devons-nous concentrer cette réforme sur la nature des seuls chemins ruraux.
Là aussi, légiférer sans prendre le recul ni mener les études nécessaires risque de créer des situations inextricables. Trop de cas différents sont en cause : un chemin viticole acquis au terme de la durée de prescription n’a pas la même utilité publique qu’un sentier de randonnée. Je pense aussi à ces exploitants de bonne foi, qui ont bâti des activités économiques, notamment agricoles, ou poursuivi des activités préexistantes et qui se trouveraient du jour au lendemain dans une situation intenable.
L’adoption de ce texte dans sa rédaction actuelle poserait donc plus de problèmes que ses auteurs ne voudraient en résoudre, sans parler des contradictions qu’il ferait naître avec notre droit de la propriété. Les dispositions qu’il vise à instaurer auront un impact dont, me semble-t-il, nous n’imaginons pas la portée, avec, notamment, des conséquences sur des situations souvent ignorées par les protagonistes eux-mêmes.
Le groupe UMP souhaite donc exprimer des réserves, non pas sur l’ambition salutaire du texte, mais sur les réponses juridiques qu’il tend à apporter.
Je tiens également à souligner que, malgré ces divergences, le rejet pur et simple de la proposition de loi nous semblerait tout aussi dommageable, car il enterrerait toute idée de réforme. Ce serait là un terrible message de résignation et d’abandon à l’endroit des élus des collectivités territoriales, quand notre mission est de les soutenir et de chercher les moyens de faciliter l’exercice de leur mandat.
Les élus de nos collectivités sont les premiers à affronter des textes trop vite adoptés. Au premier chef d’entre eux, se trouvent les maires de communes rurales, dont les moyens limitent le soutien juridique sur lequel ils peuvent s’appuyer. Nous devons donc prendre le temps de nous pencher sereinement et en profondeur sur cette question. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra la motion tendant au renvoi à la commission, présentée par notre rapporteur, sur proposition du président de la commission.