La maladie à laquelle il faisait face avec courage n’a jamais réussi à altérer l’enthousiasme et le dynamisme de Christian Bourquin, qui ont jusqu’au bout suscité l’admiration et qui ont marqué son action tout au long de sa vie ; j’ai le souvenir personnel de son intervention, le 2 juillet dernier, dans notre hémicycle.
Les obsèques de Christian Bourquin ont été célébrées le 29 août dans sa commune de Millas, dont il avait été le premier magistrat, en présence de vous-même, monsieur le Premier ministre, du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, et de plusieurs de nos collègues.
Cet adieu en cette terre catalane, une terre à laquelle il était si viscéralement attaché, devait trouver cet après-midi son écho dans notre hémicycle du Sénat, en présence de sa famille rassemblée dans nos tribunes. Au nom de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République, je souhaite à mon tour rendre solennellement hommage au parlementaire, à l’élu local passionné et à l’homme chaleureux, l’homme de convictions, qui nous a quittés après avoir consacré sa vie à l’intérêt général et au service des autres.
Quatrième enfant d’une famille d’agriculteurs catalans, Christian Bourquin est né le 7 octobre 1954 dans la maison familiale de Saint-Féliu-d’Amont. Après des études primaires et secondaires dans les Pyrénées-Orientales, au collège d’Ille-sur-Têt, puis au lycée de Prades, il a été admis en 1973 à l’École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg, d’où il est sorti, quatre ans plus tard, ingénieur en topographie.
C’est à ce titre qu’il entra, dès l’âge de vingt-trois ans, à la mairie de Montpellier, comme ingénieur territorial. Rapidement remarqué par le nouveau maire de la ville, il participa, durant près de treize années, à la spectaculaire transformation de Montpellier aux côtés de Georges Frêche.
Adepte des randonnées pédestres, qui le menaient souvent au sommet du Canigou, il décide néanmoins, en décembre 1989, de revenir dans son cher département des Pyrénées-Orientales pour diriger le bureau local de l’office public d’aménagement et de construction, en lien, d’ailleurs, avec la ville de Montpellier. Dans ses nouvelles fonctions, il continue de manifester son enthousiasme et son efficacité, au service de la revalorisation du logement social et de la transformation de son image par de nouveaux concepts. En moins de quatre années, il accompagne la construction de plusieurs centaines de logements en pays catalan.
Professionnel chevronné, Christian Bourquin était aussi, nous le savons, un militant passionné, aux fortes convictions politiques.
Après avoir adhéré en 1975 au parti socialiste, il prend, en 1992, la direction de la fédération socialiste des Pyrénées-Orientales. Dès l’année suivante, il parvient au second tour des élections législatives dans la troisième circonscription de ce département. Il entame alors un riche parcours politique, qui le conduira à occuper successivement presque tous les mandats, aux niveaux municipal, départemental, régional et national.
Élu en 1994 conseiller général du canton de Millas, il devient l’année suivante maire de la ville. Deux ans plus tard, il est élu député des Pyrénées-Orientales. En moins de cinq ans, Christian Bourquin est ainsi devenu conseiller général, maire et député.
En mars 1998, il accède à la présidence du conseil général, qu’il dirigera jusqu’en novembre 2010, après avoir été réélu et reconduit dans ses fonctions en 2001, en 2004, puis en 2008. Il se bat inlassablement pour l’emploi, le développement durable et la défense de l’agriculture, mais aussi pour permettre à son département de progresser dans des domaines aussi variés que les nouvelles technologies, la solidarité ou la culture.
Malgré son attachement aux Pyrénées-Orientales, ou peut-être à cause de celui-ci, il a été conduit, pour mener de nouveaux projets, à élargir son horizon à la région Languedoc-Roussillon. Devenu en 2004 premier vice-président du conseil régional, en charge des finances, il est en mesure de donner une nouvelle dimension au pays catalan si cher à son cœur.
C’est le 10 novembre 2010, après le décès de Georges Frêche, que Christian Bourquin lui succède à la présidence de la région Languedoc-Roussillon. Il s’y consacrera durant quatre années, avec la passion et l’engagement total qui étaient sa caractéristique.
En tant que président de région, Christian Bourquin a défendu de nombreux projets : le TER à un euro, la gratuité des ordinateurs pour les lycéens et la création d’un « Parlement de la mer », sans oublier le vaste projet de développement du port de Port-la-Nouvelle, ni son combat en faveur de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan. Il a aussi défendu avec détermination la création du mémorial de Rivesaltes, pour rendre hommage aux réfugiés républicains espagnols et aux juifs qui y furent tour à tour internés, mais aussi aux harkis qui y furent regroupés dans les conditions que nous savons ; ce mémorial verra le jour et sera inauguré l’an prochain.
Notre collègue aimait profondément ses concitoyens ; il aimait parcourir le territoire de sa région pour y rencontrer aussi bien les professionnels que les habitants dans leur simplicité. Il déclarait il y a quelques mois : « c’est dans le contact avec les gens que je me régale et que j’apprends », « être élu, être au service du peuple, c’est ma seule activité. Je donne ma vie à la politique, j’y passe quinze heures par jour et je m’y sens à l’aise ».
En 2011, Christian Bourquin a été élu, dès le premier tour, sénateur des Pyrénées-Orientales. Durant trois ans, il a été un sénateur dynamique et respecté. Membre du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, il a participé activement aux travaux de la commission des finances et de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, tout en assurant la présidence du groupe interparlementaire d’amitié France-Portugal.
Il apporta une contribution majeure à l’élaboration du rapport d’information sur « l’agroalimentaire français face au défi de l’exportation », rédigé en 2013 avec notre collègue Yannick Botrel et nos anciens collègues Joël Bourdin et André Ferrand. Après avoir rencontré de très nombreux entrepreneurs et opérateurs de ce secteur, Christian Bourquin et nos collègues ont formulé de nombreuses recommandations destinées à permettre à l’agriculture française et à la filière agroalimentaire de se tourner davantage vers l’exportation et de retrouver la première place en Europe.
Bien sûr, Christian Bourquin a aussi pris une part active à nos débats sur l’organisation territoriale, faisant valoir ses convictions à propos du cumul des mandats, du mode de scrutin pour les élections départementales et, tout au long de ces derniers mois, de la nouvelle carte des régions.
Alors que, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement va remettre en perspective la réforme territoriale cet après-midi même devant le Sénat, je ne puis que faire résonner, à travers ma propre voix, celle de Christian Bourquin lui-même, qui s’exprimait ainsi le 2 juillet dernier : « Je vous affirme [...] que nous devons prendre le temps de la réflexion si nous voulons aujourd’hui engager une réforme qui vienne en aide à nos territoires. N’avez-vous donc aucune crainte que cette réforme des territoires, imposée d’en haut, ne vienne renforcer le sentiment d’incompréhension et d’abandon de nombre de nos concitoyens ? »
En vérité, mes chers collègues, la personnalité exceptionnelle de Christian Bourquin et l’action qu’il a conduite durant sa vie publique justifient que nous nous rassemblions cet après-midi pour lui rendre hommage. Tout au long de son parcours de militant, d’élu local et régional et de parlementaire, il a consacré son énergie et l’essentiel de son existence au service de ses concitoyens. Personnalité attachante, il était une figure locale un peu hors du commun – on peut le dire ; il était aussi un collègue chaleureux.
À ses collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, éprouvé par la disparition de l’un de ses membres, en particulier à Mme Hermeline Malherbe qui a la lourde charge de lui succéder, j’adresse les très sincères et amicales condoléances de notre assemblée réunie.
Aux membres de la commission des finances, qui perdent l’un des leurs, j’exprime notre sympathie.
À tous les membres de la famille de Christian Bourquin, à ses enfants, Jordi et Sophie, ainsi qu’à tous ses proches, je renouvelle les condoléances de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs et j’exprime la part personnelle que je prends à leur peine.
La parole est à M. le Premier ministre.