Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 août dernier, Christian Bourquin nous quittait – trop tôt, beaucoup trop tôt –, après avoir mené, en toute discrétion, un dernier combat. Malgré l’affaiblissement, il a assumé avec un courage qui force l’admiration – tel était l’homme ! – ses fonctions de sénateur des Pyrénées-Orientales et de président du conseil régional de Languedoc-Roussillon.
Depuis, nous le ressentons tous, Christian Bourquin manque terriblement. À sa famille et à ses proches, vers lesquels vont nos pensées. Il manque à la Haute Assemblée. Il manque à la République.
C’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole une nouvelle fois pour lui rendre hommage – cette fois devant vous, qui furent ses collègues. En effet, Christian Bourquin et moi-même nous connaissions depuis de très longues années. Il avait ce que l’on appelle l’amitié sincère : celle qui fait que l’on se dit les choses franchement, sans fioritures, parfois même sans mâcher ses mots. C’est le tempérament du rugbyman qui parlait : énergique, parfois emporté, mais toujours respectueux de l’autre.
Dans cet hémicycle, me reviennent avec force les images du dernier hommage que nous lui avons rendu, au tournant de l’été, dans sa petite ville de Millas, une ville aux allures si catalanes et pour laquelle il avait une affection sans limite, cette affection que vous connaissez bien : celle que peut avoir un maire pour sa commune. Là, sous les platanes, nous étions plusieurs milliers formant une foule immense, rassemblée au-delà des appartenances politiques. Dans ce matin baigné de soleil, nous nous étions donné rendez-vous pour de tristes retrouvailles. Tristes et solidaires à la fois. Ensemble, nous avons pu dire tout le respect, toute la sympathie, toute la considération que nous éprouvions pour l’élu, bien sûr, mais d’abord pour l’homme.
Christian Bourquin avait l’engagement chevillé au corps, comme vous venez de le rappeler, monsieur le président du Sénat ; son entrée en politique – jeune –, sa détermination – infaillible – et son parcours – exemplaire – l’attestent.
Dès l’âge de vingt-trois ans, il travaille à la mairie de Montpellier aux côtés de Georges Frêche, ami et mentor des premières heures ; l’ingénieur se met au service de la collectivité, sans jamais ménager son énergie.
Puis, au fil des années, l’envie de servir plus encore la collectivité se fait sentir. Il décide alors de se consacrer entièrement à la vie publique.
Sa carrière fut à son image : talentueuse, brillante, passionnée, avec toujours un attachement inné au terrain, à cette prise directe avec ses administrés, qu’il chérissait par-dessus tout. Et ils le lui rendaient bien !
Christian Bourquin aimait profondément aller à la rencontre des habitants. Il aimait intensément parcourir son département des Pyrénées-Orientales. Cet attachement charnel à la terre lui venait de ses origines paysannes. Malgré les honneurs, il est toujours resté ce fils d’agriculteurs de Saint-Féliu-d’Amont.
De son département, il connaissait les moindres routes, les moindres paysages. En randonneur averti, il avait beaucoup de joie et de plaisir à gravir les pentes du Canigou, à se sentir au cœur des éléments, face à la beauté et à l’immensité apaisante de la nature.
Grand marcheur, tenace, opiniâtre même, Christian Bourquin était un homme de convictions, et donc un homme de batailles.
D’abord de batailles verbales : j’en ai eues quelques-unes avec lui, et je ne suis pas le seul ici... Nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, et je garde le souvenir d’un contradicteur redoutable, car animé de convictions sincères.
Ses batailles furent aussi électorales. Comme d’autres, il connut les soirs de défaites – les soirs de victoires aussi. D’abord conseiller général du canton de Millas, il devient le maire de cette commune en 1995. Trois ans plus tard, il prend la présidence du conseil général des Pyrénées-Orientales. Élu conseiller régional de Languedoc-Roussillon en 2004, il accède alors à la première vice-présidence. En 2010, après le décès de Georges Frêche, il assume les responsabilités de président.
Son engagement local, Christian Bourquin le complète par un engagement national, comme député en 1997, puis sénateur en 2011. Les contraintes parlementaires ne l’ont jamais éloigné de cette terre du Sud où il se sentait si bien. Il considérait qu’appartenir à la représentation nationale, c’était aussi prendre soin des territoires, notamment ceux qui se sentent oubliés. Christian Bourquin s’acquittait de cette responsabilité avec intransigeance et panache, avec une constance qui l’honorait.
Dans sa vie politique, comme dans sa vie personnelle – si tant est qu’il y ait une différence –, Christian Bourquin portait en lui la République et la Catalogne.
La République, d’abord. Humaniste, Christian Bourquin cultivait les vertus cardinales de lucidité, de sensibilité, de mérite, de détermination au service de ses concitoyens. Il était intransigeant sur ce qui rassemble les républicains, c'est-à-dire la laïcité.
La Catalogne, toujours. Il fut un fervent défenseur de sa terre catalane, de son identité, mais toujours dans le respect des principes républicains.
À la tête de la région Languedoc-Roussillon, il fit vivre les valeurs de solidarité et de laïcité qui étaient les siennes. Homme de progrès et de projets, il avait bien compris ce que le développement économique et social de sa région pouvait retenir de son ouverture vers la Méditerranée.
Catalan de cœur, républicain dans l’âme, tel était Christian Bourquin, entier et attachant.
Au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, j’adresse à sa compagne, à sa famille, à ses amis, à ses proches, à ses collaborateurs, à ses collègues sénateurs, notamment à ceux du groupe du RDSE auquel il appartenait – c'était la marque de son indépendance – et aussi au groupe socialiste, qui restait sa famille, tout mon soutien.
L’écho de la voix de Christian Bourquin, de ce bel accent de la République, a quitté ces murs, mais le souvenir, l’affection ne nous quitteront jamais.