Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos contributions, même si je ne répondrai pas à chacun d’entre vous. Le débat ne fait que commencer ; il s’agissait cet après-midi d’éclairer le Sénat sur les intentions du Gouvernement, d’apporter des clarifications et du sens.
Pourquoi en sommes-nous là ? Je reprends les termes qui ont été utilisés : illisibilité, millefeuille, crise démocratique. Cette dernière est sans doute due à des raisons plus graves, qui touchent aussi la démocratie locale. Il n’est qu’à voir les taux de participation aux élections, y compris locales, notamment aux dernières élections municipales. J’ai également entendu parler de crise économique, crise sociale, crise de confiance, crise identitaire. Mais nous connaissons déjà ces phénomènes depuis plus d’une dizaine d’années.
Des avancées incontestables en matière de décentralisation – ce terme, que personne ne remet véritablement en cause, a été, comme je l’ai rappelé, inscrit dans la Constitution – sont intervenues mais, progressivement l’empilement des compétences, l’absence de clarté en la matière, le rôle que les collectivités se sont arrogé elles-mêmes, au-delà des compétences qui leur étaient assignées, ont créé une illisibilité. Si nous sommes tous des spécialistes de ces questions, nos concitoyens, eux, s’y perdent, comme d’ailleurs la plupart des acteurs économiques et sociaux.
L’idée développée depuis un certain temps est moins de décentraliser – j’y reviendrai, c’est un mouvement qu’il faut le poursuivre – que de clarifier, ce qui n’a pas été fait depuis plusieurs années.
Par ailleurs, il y a une crise des finances publiques. Je veux bien que soient mises en cause les intentions budgétaires pour les collectivités du Gouvernement auquel sont demandées des explications, mais à la lecture des projets et des programmes des uns et des autres pour réduire la dépense publique, la clarification me paraît également nécessaire. §Réaliser 100 milliards ou 150 milliards d’euros d’économies budgétaires ? Certes, mais cela concerne l’État, qu’il faut préserver, l’assurance maladie, indispensable à notre pacte républicain, et les collectivités, qui sont le cœur de notre démocratie. Il faut faire des choix ; nous les faisons, et ce n’est pas facile.
Parce qu’il y a crise des finances publiques, chacun s’interroge depuis quelques années sur la manière dont les collectivités territoriales, par leur organisation, peuvent contribuer à apporter une réponse à ce problème.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à maintes reprises, et je souhaite le répéter clairement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quand François Hollande a été élu Président de la République en 2012, la situation était celle que vous connaissez : nous gouvernions, et gouvernons toujours, la plupart des régions, deux tiers des départements, de grandes métropoles. La gauche, qui avait tous ces pouvoirs, n’a pas su, au cours des campagnes présidentielle et législative, présenter un nouveau projet de décentralisation.
Nous avons tâtonné, nous avons commencé, comme je l’ai dit tout à l'heure, par les métropoles. Personne aujourd’hui ne conteste ce choix, le vrai sujet étant la manière dont on fait vivre les solidarités avec les autres territoires. Mais l’absence de lisibilité relevée au début, malgré le travail qui a été accompli au Sénat, les contradictions qui existent entre les associations d’élus – soyons les uns et les autres modestes –, entre les régions, les départements, les villes sont réelles.
Je me rends actuellement à tous les congrès. J’y consacre beaucoup de temps. J’écoute les élus, comme c’est mon rôle. Or, permettez-moi de vous le dire, quand j’écoute les élus, de quelque tendance politique qu’ils soient, la majorité sénatoriale, l’opposition nationale sur ces questions, je constate que les contradictions sont nombreuses. Et je pourrais vous citer un florilège de contradictions quant à la suppression des départements, par exemple. Notre rôle – il me paraît extrêmement important si nous voulons être utiles à notre pays – est d’essayer de dépasser ces contradictions.
Cela étant, il y a aussi des débats que je qualifierai pour ma part de « faux débats ».
Le premier d’entre eux porte sur la centralisation et la décentralisation. Mais la recentralisation n’est pas possible non seulement pour des questions budgétaires et d’efficacité, mais tout simplement parce que ce n’est pas le sens du mouvement actuel. La gauche a porté la décentralisation depuis des années. Reprocher aujourd'hui au Gouvernement de vouloir centraliser, c’est lui faire un faux procès !
Un autre débat concerne le rôle des régions, mais il ne s’agit pas de recentralisation ; le sujet est autre. Ce à quoi le Gouvernement s’est engagé – je l’ai fait comme ministre de l’intérieur et Bernard Cazeneuve poursuit et amplifie ce mouvement –, c’est précisément donner à l’État et au préfet départemental un rôle accru, notamment en matière d’interministérialité. Qui a donné plus de pouvoirs au préfet de région, l’éloignant parfois du terrain, sinon la droite ?