Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 octobre 2014 : 3ème réunion
Péage de transit poids lourds et infrastructures de transport — Audition de M. Alain Vidalies secrétaire d'etat chargé des transports de la mer et de la pêche auprès de la ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances :

L'écotaxe a été adoptée, et modifiée, par le Parlement, à une majorité très large, tant à droite qu'à gauche. Il s'agissait de créer une véritable taxe écologique, en application du Grenelle de l'environnement. La ministre de l'écologie, en annonçant autoritairement sa suspension sine die, fait preuve d'un profond mépris pour le Parlement. La suspension sine die, d'ailleurs, cela n'existe pas ! Pourquoi ne pas parler d'abandon ? La mission du Gouvernement est d'exécuter les décisions votées par le Parlement, ou de revenir vers celui-ci s'il estime qu'une autre politique doit être menée. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure. La ministre de l'écologie considère que l'on peut se passer du Parlement : ce n'est pas une bonne manière et ce n'est, en tout cas, pas notre conception de la démocratie.

La décision de supprimer l'écotaxe, prise à la hâte, est un désastre financier. Avez-vous suffisamment pris en compte l'existence du contrat qui lie l'État à la société Ecomouv' ? Que la perte de recettes soit compensée par la hausse des taxes sur le diesel, voilà une belle avancée ! C'est 1,2 milliard d'euros qui seront payés par des Français, quand quelques 30 % de l'écotaxe étaient supportés par les transporteurs étrangers. Ségolène Royal voulait taxer ceux-ci, avant de s'apercevoir qu'une directive européenne s'y oppose. Le résultat actuel est le pire possible : la facture sera acquittée par les véhicules légers ou les poids lourds français. Aberrant !

Pour recouvrer l'écotaxe, l'État a signé un contrat avec la société Ecomouv'. Celle-ci a rempli ses engagements : le système qu'elle a mis en place fonctionne. L'État l'a d'ailleurs reconnu cet été en signant un protocole additionnel. Il se trouve donc engagé à la fois par le contrat initial et par l'avenant de cet été. La suspension de l'écotaxe n'a pas de conséquence sur le contrat qui, lui, se poursuit. La commission d'enquête du Sénat, que j'ai présidée, a passé le contrat au crible, quand celle de l'Assemblée nationale se préoccupait surtout des solutions alternatives. Nous n'avons rien trouvé ! La société Ecomouv' était bien la moins chère. Si le contrat ne peut être exécuté du fait d'une décision unilatérale du Gouvernement, celui-ci devra indemniser son partenaire privé, tout en mettant à la casse un système technologique hautement performant. Beau résultat !

Dans le cadre d'une procédure à l'amiable, l'indemnité devrait atteindre 830 millions d'euros, si du moins la décision est prise avant le 31 octobre. Notre audition se situe donc à un moment clef. Après, le coût devrait augmenter d'au moins 100 millions d'euros. Le Gouvernement peut aussi emprunter la voie contentieuse. Dans ce cas, l'indemnité pourrait s'élever jusqu'à 1,5 milliard d'euros : Ecomouv' pourra, très légitimement, demander des dommages et intérêts. Le Gouvernement va-t-il faire le choix de la responsabilité budgétaire en procédant à la résiliation du contrat d'ici vendredi ?

Le budget des transports est-il sincère ? Vous nous avez brillamment montré comment le budget de l'AFITF sera maintenu aux alentours de 2 milliards d'euros. Mais quid de l'indemnisation d'Ecomouv' ? Celle-ci doit figurer dans les comptes de l'AFITF, et représente, au mieux, une somme d'environ 830 millions d'euros à verser en 2015.

Ma dernière question porte sur une information lue dans la presse. Avez-vous demandé à Corinne Lepage d'examiner la constitutionnalité du contrat ? S'agit-il d'une plaisanterie ? Sinon, combien coûte cette expertise ? Le choix de Corinne Lepage a-t-il résulté d'une mise en concurrence de plusieurs candidats ? Notre commission d'enquête a conclu que le contrat qui liait l'État à la société Ecomouv' est conforme à la Constitution. Y serait-il contraire, vous savez bien, pour avoir été avocat dans une vie antérieure, que nul - pas même l'État - ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! Il est faux de dire, comme vous l'avez fait, que l'État a confié le recouvrement d'une taxe à une entreprise privée. C'est, à tout le moins, un raccourci. Bref, cette décision aboutit à un véritable gâchis d'argent public et ce, à des fins purement politiciennes.

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