Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 28 octobre 2014 : 1ère réunion
Simplification de la vie des entreprises — Examen du rapport pour avis

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteure pour avis :

Soumis à la procédure accélérée, le projet de loi portant simplification de la vie des entreprises a été déposé à l'Assemblée nationale le 25 juin dernier et adopté par les députés en première lecture le 22 juillet. Il compte désormais 48 articles.

Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat a choisi de renvoyer le projet à la commission des lois qui, suivant l'usage pour les textes de simplification, a délégué aux autres commissions permanentes la responsabilité des articles relevant de leur compétence.

Nul ne doute de la nécessité de simplifier la vie des entreprises. Mes travaux ont été animés du souci d'être constructive et de soutenir, voire d'amplifier ou d'accélérer, les mesures répondant aux besoins des entreprises et de notre économie. Mes amendements en attesteront. Je suis néanmoins déçue par le manque d'ambition de ce texte, sa pauvreté, même, malgré son titre séduisant, comme par le choix du gouvernement de légiférer par ordonnances. Si les articles que j'ai examinés contiennent des mesures utiles, aucune n'est véritablement de nature à simplifier la vie de nos entreprises. On ne trouve pas ici de proposition forte, ni de stratégie, mais des micro-mesures dont l'impact sur les entreprises sera malheureusement microscopique.

Une grande partie d'entre elles ne justifie pas le recours à des ordonnances. L'article 7, relatif aux procédures d'autorisation d'urbanisme et aux documents de planification urbanistique, propose ainsi quatre pistes de simplification qui ne réduisent que marginalement la complexité du droit de l'urbanisme : instauration de modalités de participation du public alternatives à l'enquête publique pour l'autorisation de certains projets de construction ou d'aménagement ; extension des possibilités de dérogation aux règles du PLU lorsqu'elles font obstacle à la densification du bâti dans certains cas bien identifiés, en particulier quand les règles de retrait par rapport aux limites séparatives restreignent inconsidérément l'occupation du terrain disponible ; limitation du nombre de places de stationnement imposées par les PLU pour certaines catégories de logement comme les résidences universitaires et les centres d'hébergement des personnes âgées ; recours, enfin, à la procédure de modification simplifiée du PLU afin de favoriser la densification du bâti dans les zones d'entrée de ville ou à dominante commerciale.

Quoique bien orientées, ces mesures demeurent extrêmement circonscrites. Ces sujets ont d'ailleurs déjà été abordés dans plusieurs textes du gouvernement depuis un an, comme la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, l'ordonnance du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement, ou encore de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR. Alors qu'il y a urgence à relancer la construction de logements, le gouvernement remet son ouvrage sur le métier tous les six mois en moyenne et fait se succéder des textes partiels qui nuisent à la visibilité d'ensemble des réformes et désorientent les acteurs de l'urbanisme et du logement.

Enfin, trois des quatre habilitations demandées ne se justifient pas, les dispositions visées pouvant être introduites directement. Je vous proposerai des amendements en ce sens. Quant à la quatrième demande, il conviendra de la réécrire de manière beaucoup plus précise.

L'article 7 ter habilite le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures modifiant certaines dispositions de la loi ALUR relatives au logement. Renforçant l'information des acquéreurs d'un bien en copropriété, ce texte avait prévu que leur soient remis un certain nombre de documents, comme le règlement de copropriété, le montant des charges ou les procès-verbaux des assemblées générales. Ces nouvelles dispositions ayant retardé la conclusion de ventes, la première ordonnance a pour objet de fluidifier les transactions en précisant le champ d'application et les modalités de l'information donnée à l'acquéreur - sans que l'on sache vraiment ce que cela recouvre. La loi ALUR disposait en outre que les promesses de vente mentionneraient la surface habitable en plus de la superficie de la partie privative (surface loi Carrez). Cette mesure de protection des propriétaires bailleurs risque de leur porter préjudice : en cas d'erreur dans la mesure de la surface habitable, le locataire pourrait se retourner contre le propriétaire, mais ce dernier ne le pourrait contre l'expert. Harmoniser ces mentions de superficie, comme le souhaite le gouvernement, peut se faire immédiatement en modifiant le droit en vigueur.

L'article 10 était destiné à simplifier le dispositif des certificats d'économie d'énergie. Ce mécanisme, institué par la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique dite loi POPE a, dans l'ensemble, bien fonctionné, puisque les objectifs chiffrés d'économie d'énergie ont été largement dépassés. La simplification envisagée par le gouvernement consistait à faciliter la vie de près de deux mille petits distributeurs de fioul domestique en transférant aux grossistes, soit à une cinquantaine d'entreprises, leur obligation de fournir les certificats d'économie d'énergie. Loin d'approuver cette simplification, les représentants des fioulistes indépendants ont indiqué aux députés qu'en les écartant de la fourniture des certificats, on mettait en péril les PME qui, en contact direct avec leurs clients, sont bien placées pour leur proposer des solutions d'économie d'énergie. L'Assemblée nationale a ainsi réintégré à la liste des obligés un groupement professionnel qui accomplira les formalités. Cette nouvelle rédaction a elle-même suscité de sévères critiques de la part des six fédérations professionnelles représentant les grossistes et les distributeurs, qui demandent, en vertu d'arguments opposés, le retour au texte initial.

Le doute subsiste, tant sur l'impact économique de la mesure proposée par le gouvernement que sur son caractère consensuel. Le texte transmis par l'Assemblée nationale soulève en outre des difficultés d'articulation avec l'article 8 du projet de loi relatif à la transition énergétique. À force de traiter les sujets connexes dans des projets de loi différents, on en vient à modifier les textes tous les mois, parfois même avant leur publication au J.O. Je vous proposerai la suppression de l'article 10 afin que le parlement puisse le réexaminer dans le volet ad hoc du projet de loi sur la transition énergétique.

L'article 11 bis A rétablit dans le code de l'énergie le mécanisme de soutien financier destiné à préserver la viabilité financière de certaines installations de cogénération, introduit par la loi du 16 juillet 2013, mais abrogé en juillet dernier par le Conseil constitutionnel saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité. Le texte proposé apporte les correctifs juridiques requis pour garantir sa conformité au principe d'égalité.

L'article 20 autorise les caisses de mutualité sociale agricole à communiquer directement aux services fiscaux les informations nécessaires au remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIC), de manière à faire l'économie des 200 000 attestations que doivent demander les agriculteurs avant de les transmettre aux services fiscaux.

L'article 28 habilite le gouvernement à créer, pour les écoles d'enseignement supérieur des chambres de commerce et d'industrie, un statut garantissant l'autonomie de leur gouvernance et facilitant la signature d'accords avec d'autres écoles ou universités, y compris étrangères. Si la nécessité, voire l'urgence de cette mesure sont unanimement reconnues, il n'est pas certain qu'il convienne de procéder par ordonnance. Quand cette question a été abordée lors de l'examen de deux projets de loi précédents, toutes les parties prenantes (gouvernement, CCI, dirigeants d'écoles consulaires, personnels) s'étaient exprimées. Les dispositions que devrait contenir la future ordonnance ont enfin fait l'objet de travaux approfondis et leur rédaction semble quasiment finalisée. C'est pourquoi je vous propose d'introduire directement la réforme dans le projet.

L'article 29 prévoit de fusionner par ordonnance deux établissements publics industriels et commerciaux : UBIFrance, qui soutient les exportateurs, et l'Agence française des investissements internationaux (AFFI) qui s'efforce d'attirer les investisseurs étrangers. Si cette mesure va dans le bon sens, elle demeure insuffisante : nos discussions en commission, de multiples rapports et surtout les témoignages des entreprises conduisent à exiger une action plus lisible et plus cohérente non seulement de ces deux intervenants, mais d'une multitude d'autres.

L'article 31 bis, enfin, introduit à l'Assemblée nationale par le gouvernement, habilite celui-ci à prendre diverses mesures de simplification dans le secteur du tourisme. Je vous propose de le réécrire substantiellement : si, comme l'ont montré les Assises du tourisme ainsi que les rapports d'information de nos collègues André Ferrand et Michel Bécot en 2011, puis Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre en 2013, le cadre normatif de ce secteur doit être simplifié, l'habilitation ouverte par cet article sur huit points rencontre plusieurs limites. Certains volets auraient leur place dans d'autres véhicules législatifs plus adaptés ; d'autres, de nature règlementaire, ne nécessitent pas d'habilitation ; d'autres encore, sans rapport avec la simplification de la vie des entreprises, doivent être écartés de ce texte. Je vous propose de ne retenir de cet article d'habilitation que les points qui ont ici leur place, ainsi que de réduire de neuf à six mois le délai prévu à l'article 36 pour prendre ces ordonnances.

Contrairement à ce que proclame son intitulé, cette loi, même si elle comporte des dispositions ponctuelles utiles, ne facilitera pas considérablement la vie des entreprises. C'est sans enthousiasme que je vous propose d'adopter les articles qui nous sont soumis au fond, sous réserve que les demandes d'habilitation injustifiées qu'ils contiennent soient remplacées par des modifications directes du droit, afin que soit accélérée leur entrée en vigueur et que soit respectée la compétence législative du parlement.

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