Intervention de Laurent Fabius

Commission des affaires économiques — Réunion du 29 octobre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Audition de M. Laurent Fabius ministre des affaires étrangères et du développement international

Laurent Fabius, ministre :

Mon travail, je n'ai pas honte de le dire, s'apparente beaucoup à celui d'un VRP. Quand je vais en Algérie - un voyage est prévu la semaine prochaine - j'emmène avec moi des entrepreneurs, comme le patron d'Airbus Helicopter. Je parlerai commerce avec M. Bouteflika ou son premier ministre. C'est ainsi que tout le monde fait ! Cela ne suffit pas bien sûr, encore faut-il que les produits soient de qualité et compétitifs en prix. Mais cela surprendrait si nous ne soutenions pas nos entreprises. Le travail de nos ambassadeurs est également de vendre des hélicoptères, des trains ou des produits pharmaceutiques. C'est inscrit dans leur lettre de mission.

En revanche, lorsque deux grandes entreprises françaises sont en concurrence, pour un marché en Chine par exemple, aucune ne le remporte, car le gouvernement chinois pense que le gouvernement français n'en soutient aucune.

Nous avons beaucoup fait cette année en Chine, pour le cinquantième anniversaire de nos relations diplomatiques. Notre déficit commercial avec ce pays s'élève à 27 milliards d'euros -hors Hong-Kong, avec qui nous avons un excédent de 4 milliards d'euros - mais les Chinois nous ont attribué la conception de l'aéroport et du musée national de Pékin.

Le rattachement des organismes aux ministères, au lendemain des changements de périmètres, n'est pas encore totalement cartésien. Les dotations d'Atout France figurent déjà le budget de mon ministère. L'année prochaine, tout sera rattaché au budget du ministère des affaires étrangères. C'est une question d'intendance sans intérêt.

Il faudra faire converger les structures. Je sais qu'il y a encore certaines réticences à travailler ensemble chez Ubifrance, les CCI, et les autres. Vous le voyez bien dans vos régions et vos départements. Mais l'objectif doit être le guichet unique. À Shanghai, un bon exemple de cette coopération est donné par le French tech hub - dénomination un peu prétentieuse au demeurant. Les CCI participent à cette maison de la France. Créée à l'initiative de la région Rhône-Alpes, elle traite désormais d'oenologie, de culture, d'affaires économiques.... L'objectif est de faire en sorte que chaque entreprise sache à qui s'adresser. À nous de faire fonctionner le back-office. Les circuits ont été simplifiés, mais il reste des marges de progression.

Nous nous sommes tournés vers l'Asie et le Pacifique, dites-vous. Très insuffisamment ! Le ministère des affaires étrangères a sa part de responsabilité. Jusqu'à une date récente, nous n'avions pas plus d'agents en Chine qu'en Belgique hors Bruxelles... Il y a un rééquilibrage à faire. Notre spécialisation géographique et sectorielle, comme disent les spécialistes, n'est pas idéale. Nous devons être présents à la fois en Asie-Pacifique et en Afrique ; nous n'avons pas à choisir l'un ou l'autre. Les Chinois eux-mêmes sont très présents en Afrique. Il faut aller chercher la croissance là où elle se trouve. Nous nous y employons : regardez ce qui se fait dans un certain nombre de secteurs ; nous avons défini six familles de produits, et défendons notre production partout.

Il faut simultanément favoriser l'investissement étranger en France. Lorsque je dis à mes interlocuteurs que la France est la meilleure plateforme pour s'implanter ensuite en Afrique ou au Moyen-Orient, l'argument fait mouche. La Chine est active en Afrique, mais ce n'est pas son milieu naturel. Nous avons des liens privilégiés avec l'Afrique francophone, mais aussi avec l'Afrique anglophone, arabophone et lusophone. J'étais lundi au Nigéria : ce pays comptera à la fin du siècle, selon l'ONU, 950 millions d'habitants, ce qui en fera le troisième pays au monde derrière l'Inde et la Chine. Aujourd'hui c'est Boko Haram qui attire notre attention, mais le Nigéria est aussi un immense producteur de pétrole. Nous devons y être présents.

S'agissant du soutien à l'exportation, nous avons des progrès à faire. Les financements sont là, mais les mécanismes sont trop compliqués. Les chefs d'entreprise s'y perdent. Participer à un salon ou une foire ne suffit pas, il faut une présence durable sur place, pour tisser un réseau. Nos entrepreneurs ont peut-être aussi une part de responsabilité, lorsqu'ils estiment à tort le défi trop difficile à relever. C'est pourtant là qu'ils trouveront des marges. Les Allemands, les Italiens savent le faire mieux que nous. Les grands groupes se débrouilleront toujours ; pas les PME. C'est pourquoi Emmanuel Macron et moi-même travaillons à l'amélioration du crédit export.

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