Je suis à 150 % d'accord avec votre analyse. Bien que nouveau dans ce domaine, je sens les choses comme vous. Nous avons des atouts, mais nous ne sommes pas les seuls. L'Espagne attire 25 % de touristes en moins, mais engrange 20 % de revenus de plus...
Je dirais que notre avantage comparatif réside dans la diversité de ce que nous avons à offrir. Si tous les touristes se concentraient à Paris pour voir la Joconde, la malheureuse n'y résisterait pas, et nous nous priverions de toutes les beautés que compte le reste de la France. Récemment, je me suis rendu à Marseille pour la première fois depuis un long moment : c'est un lieu sublime ! Je parcours 40 000 kilomètre par mois, et je peux vous assurer que peu de sites dans le monde sont aussi beaux. Marseille - pour ne prendre que cet exemple, mais je pourrais en trouver dans tous les départements que vous représentez - devrait accueillir bien plus de touristes qu'elle ne le fait actuellement. Jouons la carte de la diversité.
La diversité, cela s'organise. L'accueil est décisif, surtout dans les gares et les aéroports. C'est le premier et le dernier contact avec le pays visité. Lorsqu'aucun panneau ne souhaite aux visiteurs la bienvenue dans leur langue, que les couloirs d'aéroport qu'ils empruntent sont tristes, qu'il leur faut patienter interminablement aux douanes, que l'autoroute est embouteillée et les rues d'une saleté repoussante, alors il faut s'émerveiller que 83 millions de touristes internationaux nous rendent visite ! On nous dit les meilleurs au monde : nous ne le sommes pas. Faisons en sorte que la bonne image de la France à l'étranger devienne réalité.
Les clientèles ont changé, c'est vrai. J'ai échangé récemment avec Jack Ma, fondateur d'Alibaba, site chinois de e-commerce qui reçoit chaque jour 100 millions de connexions. Il vient d'être introduit à la bourse de New York, faisant de son président l'homme le plus riche de Chine. Il a lancé il y a deux semaines à peine Alitrip, nouveau site de e-tourisme, signe que les Chinois ne se déplacent plus en groupe, et sont désormais demandeurs de prestations individualisées. Nous devrons être capables de répondre à leurs attentes.
L'obsolescence des équipements est un vrai problème. Nous regardons les choses avec la Caisse des dépôts et consignations pour y remédier. Certaines stations de ski, en particulier, construites dans les années soixante-dix, ont vieilli. Il faut se mettre au niveau de ce que les clients attendent.
Le budget d'Atout France n'est pas négligeable. Certes, dans la situation où sont les finances publiques, on ne fait pas de miracles. Nous essaierons de l'aider.
Nous avons tous désormais le réflexe de naviguer sur les sites de Booking ou d'Expedia pour réserver un hôtel. Auparavant, ces sites prélevaient 5 % de commission ; désormais celle-ci atteint plutôt 20 % ou 25 %, parfois jusqu'à 50 %. Il faudrait qu'un gros industriel français se lance sur ce marché, sans trop amputer les ressources des professionnels du secteur. Cela demande des fonds. Accor a son propre système ; la SNCF a essayé, sans succès. Je vois dans le rachat de Lafourchette par Tripadvisor une forme de confiscation de valeur ; nous devons réagir.
Oui, il convient de mettre l'accent sur les destinations phares. Des placards publicitaires défraîchis vantant, à New York, des localités françaises dont nous-mêmes n'avons jamais entendu parler, cela ne peut pas marcher. Churchill disait pendant la guerre : « nous ne nous battons pas seulement pour la France, nous nous battons également pour le champagne ! » ; il faut faire de nos destinations des marques reconnues. Nous avons besoin de vaisseaux amiraux - pas de bulldozers. La diplomatie est essentielle. Nous avons fait le choix de confier le « chef de filât » du tourisme à la région, mais elle travaillera en liaison avec les comités locaux. Nous avons déjà reçu un certain nombre de propositions de contrats de destination. Atout France fera le choix ; une première liste sera publiée le 4 novembre.