Intervention de Stéphane Le Foll

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 5 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Audition de M. Stéphane Le foll ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt porte-parole du gouvernement

Stéphane Le Foll, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. - Le plan stratégique pour l'enseignement agricole n'était en effet pas dans la loi, mais j'avais souhaité qu'il soit préparé par l'ensemble des enseignants et des syndicats en même temps que la loi. Ce plan stratégique a mis en avant onze priorités, afin que les enseignants de l'enseignement agricole soient à l'unisson du choix de la représentation nationale : le premier était la poursuite d'ouvertures de classes dans les lycées agricoles. C'est un enjeu par rapport au nombre d'élèves, en particulier s'agissant des classes de brevet de technicien supérieur (BTS). Un autre objectif fixé, conformément à la loi, concerne l'enseignement à produire autrement avec des adaptations de référentiels qui sont engagées, notamment pour les brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) ACSE (Analyse et conduite de systèmes d'exploitation) qui forment les futurs chefs d'exploitation. Le référentiel a changé - j'ai pu le constater dans une MFR que j'ai visitée. Le cours auquel j'ai assisté intégrait les nouveaux éléments en termes de gestion des modèles de production, qui vont s'étendre maintenant aux brevet de technicien agricole (BTA) et brevet d'études professionnelles agricole (BEPA) pour que tout l'enseignement agricole bascule dans un enseignement qui intègre ces objectifs.

A été également retenue l'ouverture des classes européennes d'enseignement agricole et internationales.

Le plan stratégique comprenait la mise en place d'un site de formation pour les enseignants, à l'instar de ce qui a été décidé pour l'éducation nationale. Ceci a été intégré dans les choix du plan stratégique négociés avec l'ensemble des syndicats. Ce site, situé à l'école nationale supérieure agronomique (ENSA) de Toulouse, commencera à former les enseignants à la rentrée 2015.

Les onze priorités du plan stratégique sont :

- renforcer la promotion sociale et la réussite scolaire ;

 - favoriser l'accès à l'enseignement agricole supérieur ;

- conforter les filières de l'apprentissage et de la formation professionnelle tout au long de la vie ; - poursuivre la rénovation des diplômes ;

- relancer la pédagogie et les innovations - développer l'utilisation du numérique éducatif ;

 - enseigner à « produire autrement » ;

 - renforcer la place des exploitations agricoles des établissements ;

- poursuivre l'ancrage territorial des établissements et les liens avec leurs partenaires ;

- renforcer l'ouverture internationale ;

- développer les actions éducatives, l'apprentissage du vivre ensemble et l'éducation à la citoyenneté ; - développer la formation initiale et continue de la communauté éducative ;

 - appuyer les établissements d'enseignement dans leurs projets ;

- mettre en oeuvre ces priorités à travers un dialogue social renforcé. Ce plan stratégique a été annexé et débattu en même temps que la loi et ses priorités reprennent celle de la loi.

En ce qui concerne l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA), j'avais proposé qu'il soit intégré dans la loi d'avenir. Cette disposition a été rejetée par le Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, ce sera par arrêté ministériel que seront confortés la place et le rôle de l'ONEA ainsi que ses missions précisées. L'ONEA, qui devient l'Observatoire de l'enseignement technique agricole, concentrera ses évaluations au regard de l'efficacité de notre enseignement agricole, des besoins, de la qualification ainsi que de l'accompagnement général sur les grands choix qui ont été faits. Nous insérerons dans cette instance la parité. Je proposerai à M. Nallet, qui était déjà son président, de continuer le travail engagé. Cet observatoire est donc conforté et il sera mis en place rapidement.

Vous avez évoqué la question du compte d'affectation spéciale (CAS) pensions, liée à une situation ancienne où l'État prenait une partie des pensions dans les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) des agents qui étaient payés par les établissements. Le budget a baissé dans ce domaine, passant de 6 à 3 millions d'euros. Les établissements devront désormais prendre à leur charge la partie des pensions de retraite précédemment financée par l'État. J'ai conscience que les établissements auront peut-être des difficultés mais fixer des priorités, se donner les moyens de développer l'enseignement agricole en situation de contrainte budgétaire, nécessite des arbitrages que j'assume.

Vous avez évoqué la concertation relative à l'enseignement agricole, elle va se poursuivre dans la mise en application du plan stratégique et dans les instances dévouées à cet objectif. Je suis prêt à vous donner l'état des discussions et des conclusions qui peuvent être tirées.

Un décret est effectivement paru sur les stages dans le cadre de l'apprentissage, mais les MFR sont exclues de son champ d'application et n'ont rien à craindre. Le décret les concernant est en cours de finalisation. Seule la rémunération des stagiaires a été augmentée.

S'agissant des effectifs, à la rentrée, une baisse a été constatée en particulier dans l'enseignement privé, qui serait en grande partie liée au passage de quatre ans à trois ans pour les bacs professionnels. Une réflexion est engagée sur ce sujet afin de connaître l'impact, en termes de réussite scolaire, de ce passage de quatre à trois ans pour en tirer des conclusions et corriger, si nécessaire, les causes éventuelles d'un échec supplémentaire ou d'une mauvaise réussite au diplôme. Nous avons décidé d'établir un rapport, conduit par la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) et un inspecteur général, afin de prendre du recul et d'apporter des éléments de correction à ce qui pourrait être un handicap supplémentaire à la réussite des élèves.

Si les exploitations de l'enseignement agricole ont bien sûr une vocation pédagogique, elles ont également une dimension territoriale. Elles sont financées par les collectivités territoriales, en particulier par les conseils régionaux. Je l'ai dit : pédagogie et économie sont liées, puisqu'il participe de la pédagogie de l'enseignement agricole de mettre les élèves en situation de gérer une exploitation. Aujourd'hui, 74 % des exploitations ont déjà, parmi leurs activités, au moins un projet concernant une orientation agroécologique en cours de réalisation. 55 % ont au moins une production en agriculture biologique et elles sont 11 % à exploiter l'intégralité de leur surface en agriculture biologique. 56 % des exploitations sont concernées par le plan Écophyto - qui vise à réduire l'emploi des phytosanitaires - et 152 parmi elles sont inscrites dans des projets ou actions visant à promouvoir des innovations techniques et des pratiques culturales ou d'élevage respectueuses de l'environnement. Il s'agit désormais de fixer des objectifs aux exploitations de l'enseignement agricole en matière d'agroécologie, sans se limiter à la seule agriculture biologique. Ce processus doit intégrer l'ensemble des dispositions du projet d'agroécologie, et en particulier la question des phytosanitaires, qui va constituer le débat central des mois à venir. En ce qui concerne les phytosanitaires, je souhaite que nous soyons en capacité de sortir de la logique normative pour entrer dans une démarche partenariale nous permettant d'en réduire l'utilisation. Ainsi, nous avons mis en place des mesures agroécologiques (MAE), qui permettent de verser des aides de l'État supplémentaires en contrepartie de l'engagement des exploitations à restreindre l'emploi des phytosanitaires. Ce débat n'est pas facile. Mais si nous ne nous impliquons pas ensemble dans cette démarche, les exploitations se verront un jour imposer des normes strictes en la matière. Nous l'avons vu lors de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, il y a un équilibre à trouver entre le maintien de la production agricole et les enjeux de santé publique.

Ainsi, le 15 janvier prochain, un bilan d'étape sera organisé avec le comité national d'orientation et de suivi du plan Écophyto, qui intégrera les conclusions du rapport de Dominique Potier sur les produits phytosanitaires. Nous aurons ainsi un premier aperçu de l'agroécologie en France. Je rappelle que notre objectif est de parvenir à ce que 50 % des exploitations s'engagent dans une démarche agroécologique. Bien sûr, les régions assurent une part importante dans le financement de ce plan. En ce qui concerne l'agriculture biologique, sa mise en oeuvre relève des choix effectués par les régions comme par les exploitations. Mais partout, les chiffres le montrent, l'innovation et l'expérimentation sont en marche.

Quant à la règlementation des travaux dangereux, nous avons engagé, avec les autres ministères concernés, un travail pour simplifier et adapter la règlementation applicable aux stagiaires et aux apprentis. Tout en demeurant vigilant sur la question de la sécurité, il s'agit de ne pas pénaliser leur insertion professionnelle. Ce processus est bien engagé, un décret devant être publié au début de l'année 2015. Avec François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, nous travaillons sur le compte pénibilité, que le Sénat a d'ailleurs supprimé cet après-midi, afin de trouver les adaptations nécessaires aux petites exploitations, qui n'ont pas les mêmes moyens que les grandes entreprises.

Pour ce qui est de l'ouverture internationale de l'enseignement agricole, nous avons mis en place des bourses à la mobilité, qui sont prises en charge par l'État. Cependant, le financement des actions concrètes est en grande partie de la responsabilité des collectivités territoriales, essentiellement des régions. Il s'agit d'un point important car il existe à l'international des débouchés importants, pour l'enseignement agricole comme pour ses élèves. Malheureusement, le budget n'est pas extensible et il nous faut ainsi faire des choix dans un contexte difficile. Les échanges internationaux demeurent un enjeu de premier plan, puisqu'ils donnent à des jeunes les moyens d'aller se former à l'étranger et permettent la transmission de nos savoir-faire dans les autres pays.

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