Intervention de Gérard Dériot

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Examen du rapport

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles :

Après un déficit continu entre 2009 et 2012 en raison de la crise, la branche AT-MP du régime général a renoué avec les excédents en 2013. Compte tenu de son mode de financement assurantiel, elle a en effet vocation à être structurellement équilibrée. Cependant la situation reste fragile. La branche a enregistré un excédent de 638 millions d'euros en 2013, mais le solde serait ramené à 216 millions dès cette année, puis à 195 millions l'année prochaine, à cause principalement de l'augmentation des charges. En outre, le retour à l'équilibre ne doit pas faire oublier l'existence d'une dette importante de 1,8 milliard d'euros fin 2013, qui reste à apurer.

Derrière la baisse tendancielle de la sinistralité, le bilan apparaît contrasté. Le nombre d'accidents du travail atteint un niveau historiquement bas. Environ 904 000 sinistres ont été recensés au régime général en 2013, après 943 000 en 2012. A court terme, cette évolution s'explique, en partie, par la dégradation de la conjoncture économique. A plus long terme, la baisse tendancielle des accidents du travail résulte à la fois d'un effet de structure -la réduction du poids du secteur industriel, le plus accidentogène dans l'économie française- et d'un accroissement de la prévention, qui a favorisé une diminution tant de la fréquence que de la gravité des accidents. En 2013, l'indice de fréquence des accidents du travail s'établit ainsi à 33,8 pour 1 000 salariés contre 42,8 en 2001, soit une baisse de 21 % sur la période.

Les accidents de trajet connaissent quant à eux une hausse significative, de l'ordre de 7 % entre 2007 et 2013. Leur nombre s'élève à près de 130 000 en 2013 contre 123 000 en 2012. Toutefois, aucune analyse détaillée et précise des causes de cette évolution n'a été réalisée.

Enfin, le nombre des maladies professionnelles a crû entre 2007 et 2013 de 3,6 % en moyenne annuelle, passant d'environ 55 000 à plus de 68 000 au régime général. La fréquence des maladies professionnelles ayant entraîné un arrêt de travail est relativement stable depuis 2009 mais elle a doublé depuis 2001. La majorité des maladies professionnelles se concentre sur un petit nombre de pathologies : les troubles musculo-squelettiques (TMS), les maladies liées à l'amiante et les affections du rachis lombaire.

Ainsi, la situation du monde du travail au regard des risques professionnels reste préoccupante et la plus grande vigilance est de mise sur la poursuite des efforts de prévention déjà engagés. Assurer une prévention des risques fondée sur le ciblage et l'évaluation constitue la première orientation de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche signée le 30 décembre dernier pour les années 2014 à 2017. Les actions seront concentrées sur trois risques prioritaires : les TMS, les risques de chute dans le secteur du BTP et l'exposition à certaines substances cancérogènes. Le choix a en outre été fait de cibler plus particulièrement les seniors, les jeunes et les nouveaux embauchés ainsi que les entreprises en contact avec l'amiante. A l'heure où la logique de simple réparation des dommages risque de faire d'occulter l'objectif de prévention, qui constitue pourtant la vocation historique de la branche, les perspectives ainsi ouvertes me paraissent bienvenues.

Chaque année, la branche AT-MP réalise un versement au profit de la branche maladie pour tenir compte des dépenses liées à des sinistres ou pathologies d'origine professionnelle mais non déclarés comme tels. Dans son rapport de juin dernier, la commission chargée d'évaluer tous les trois ans le coût réel de cette sous-déclaration a proposé une estimation située dans une fourchette comprise entre 695 millions et 1,3 milliard d'euros. Le PLFSS a retenu la somme d'un milliard d'euros. En hausse de 26,6 % par rapport à celui retenu entre 2012 et 2014, le montant de cette participation atteint un niveau historiquement haut - il s'élevait à environ 300 millions d'euros en 2002. Sa progression continuelle, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, ne peut conduire qu'à un certain scepticisme quant aux réels efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration et pour inciter à la prévention.

Il est indispensable d'accroître nos efforts pour limiter la sous-déclaration : amélioration de la formation continue des médecins sur la détection du caractère professionnel des maladies, renforcement de la pédagogie auprès des assurés mais aussi conservation dans la durée de tous les éléments d'information relatifs à l'exposition aux risques actuellement connus, quelle que soit la dénomination présente ou future de ces éléments, y compris pour les entreprises qui disparaissent. Comme l'a indiqué le président de la Commission d'évaluation de la sous-déclaration, il faut réfléchir aux moyens pour reconstituer les parcours individuels des salariés, en particulier des intérimaires, confrontés à toutes sortes de nuisances dont l'énumération a posteriori n'est pas aisée à établir.

Le Fiva fait face depuis 2013 à une croissance importante de ses dépenses, résultat d'une activité plus soutenue. L'établissement a proposé près de 20 400 offres en 2013, un niveau historiquement haut, en progression de 6 % par rapport à 2012. Pour la seconde fois après 2012, ce nombre est supérieur aux demandes, et le stock de dossiers se réduit. Les représentants de l'association nationale des victimes de l'amiante (Andeva) se réjouissent de cette évolution : les offres d'indemnisation du Fonds sont aujourd'hui plus rapides et plus nombreuses. Pour les victimes de pathologies graves, le délai moyen de décision s'établit à 7 mois et 2 semaines et a été réduit de 3 semaines entre 2012 et 2013, nous rapprochant progressivement du délai légal de 6 mois.

La branche AT-MP a consenti un effort important en faveur du Fiva pour l'exercice 2014. Pour 2015, le PLFSS fixe la dotation de la branche AT-MP au Fiva à 380 millions d'euros, soit une baisse de 12,6 % par rapport à 2014. La direction du Fonds a assuré que cette dotation lui paraissait suffisante pour couvrir ses dépenses prévisionnelles, d'autant plus que sa réserve prudentielle représente un peu plus de deux mois de dépenses. Les perspectives financières de l'établissement ne remettent donc pas en cause sa capacité à indemniser les victimes de l'amiante.

On ne peut cependant que regretter le net désengagement de l'Etat. Bien que le PLF pour 2015 prévoie une dotation complémentaire de l'Etat de 10 millions d'euros après deux exercices successifs où sa participation était nulle, cette contribution reste notoirement insuffisante. Elle ne correspond qu'à un cinquième environ du montant des participations assurées par l'Etat avant 2013. La mission sénatoriale sur l'amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l'Etat à hauteur d'un tiers du budget du Fiva, en raison tant de ses missions régaliennes que de son rôle en tant qu'employeur. Enfin, la dette du Fiva devrait atteindre 26 millions d'euros fin 2015.

La réduction tendancielle des dépenses du Fonds d'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) se poursuit en lien avec la baisse des effectifs d'allocataires. La question de l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès personnelle à l'Acaata reste cependant posée. Celle-ci serait fondée non plus seulement sur les pathologies déclarées ou le fait d'avoir été employé dans l'un des établissements définis par arrêté mais aussi sur les expositions subies, quel que soit le régime de protection sociale. Or le rapport prévu par la loi de financement pour 2013 n'a toujours pas vu le jour.

Dans la partie relative aux dépenses, l'article 16 clarifie et simplifie les règles applicables aux demandes de remboursement des cotisations AT-MP indûment versées. L'article 59 étend aux collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole ainsi qu'aux aides familiaux le bénéfice des indemnités journalières aujourd'hui réservés aux seuls chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole. Le coût de cette mesure est estimé à 4 millions d'euros. Ces deux articles introduisent des mesures de simplification et d'équité. Je vous propose d'émettre à leur égard un avis favorable, tout en restant réservés sur les orientations budgétaires définies pour 2015, en particulier les transferts assumés par la branche AT-MP.

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