Intervention de François Rebsamen

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Audition de M. François Rebsamen ministre du travail de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social

François Rebsamen, ministre :

Mon constat concernait tous les gouvernements. L'échec est collectif. En 40 ans, notre PIB a été multiplié par deux, le taux de chômage par trois. Il est de 9,7 % en France métropolitaine, et non de 11 % comme le prétend M. Gattaz, si l'on prend la même base de référence que les autres pays. Il a connu un pic à 10,7 % sous le gouvernement d'Alain Juppé, pourtant très populaire. On compte 3,4 millions de chômeurs de catégorie A ; ils étaient 680 000 en 1975. J'observe au passage que nous sommes un des seuls pays à comptabiliser comme chômeur quelqu'un qui a travaillé 78 heures dans le mois. A l'exception de la période 1997-2001, le chômage n'a cessé de monter. Il avait un petit peu baissé avant 2008, mais depuis lors, avec la crise, sa hausse est continue. Tel était le sens de mon constat. Nous avons fait le choix du chômage de masse pour préserver les insiders au détriment des chômeurs. Tout le monde y participe, tout le monde le sait, mais on ne le dit pas.

Le déficit de l'Unedic est la conséquence de cette situation. Son budget est très sensible aux variations du chômage. Si celui-ci augmente, les prestations augmentent mais les cotisations diminuent. C'est soit la double peine, soit la double gratification. Une légère amélioration de l'emploi se traduit immédiatement par une nette amélioration des comptes de l'Unedic. Si l'Union européenne investissait davantage, le déficit se résorberait...

Notre système est très protecteur ; l'indemnisation peut durer deux ou trois ans. Le taux de pauvreté des chômeurs français est resté stable à 38 %. En Allemagne, qui a créé 7,5 millions de mini-jobs, le taux est passé de 38 % à 63 %. Les taux de cotisation, en contrepartie, sont relativement élevés : 2,4 % du salaire brut pour les salariés, 4 % pour les employeurs.

Les partenaires sociaux, à la demande du Gouvernement, ont consenti des efforts. Le déficit était de 4,1 milliards en 2013 ; il sera de 3,7 milliards environ en 2014, ce qui représente une économie totale de 800 millions d'économie par rapport au système antérieur.

Le contrat de génération, c'est vrai, n'a pas donné les résultats escomptés. Avant la fin de l'année, 35 000 demandes auront été enregistrées. Si cela reste loin des objectifs initiaux, 70 000 personnes sont concernées : la moitié sont des jeunes embauchés, l'autre moitié des seniors maintenus en emploi. On prévoit 40 000 nouvelles demandes d'aide en 2015. Le dispositif a été élargi car nombre d'entreprises n'ont plus de senior dans leurs rangs. Nous avons doublé la prime de 4 000 euros dans le cas d'une embauche conjointe d'un jeune et d'un senior. En outre, nombre de branches ont signé des accords pour mettre en oeuvre le contrat de génération.

Je ne partage pas votre point de vue sur les emplois d'avenir. Les commentaires qui sont parus récemment dans un journal ne correspondent pas aux conclusions d'une étude de la Dares. Celle-ci a montré que les contrats d'avenir constituaient un bon outil pour favoriser l'insertion des jeunes : en 2013, 82 % des jeunes signataires n'ont pas le baccalauréat ; 40 % n'ont aucun diplôme ; 36 % sont issus des zones urbaines sensibles, des zones de revitalisation rurale ou de l'outre-mer ; 66 % des emplois d'avenir dans le secteur marchand sont des CDI, 56 % de l'ensemble des contrats ont une durée de plus de trois ans. Le taux de rupture est très faible, 9 % après 6 mois, ce qui témoigne de la qualité de l'accompagnement. Chaque convention prévoit une formation ; 43 % des jeunes ont suivi une formation un an après avoir signé leur contrat, cela paraît décevant mais la durée des contrats est souvent de trois ans. Finalement, le taux de chômage des jeunes a baissé de 1,2 % en un an.

Les contrats aidés représentent 3 milliards de crédits de paiement, contre 3,2 milliards l'an passé. Au total, 445 000 contrats sont prévus, 15 000 de plus que cette année, mais nous sommes encore loin du pic des 555 000 contrats aidés atteint à la fin des années 1990.

Le nombre des contrats marchands prévus augmente de 40 000 à 80 000 - comme vous je considère qu'il s'agit d'une excellente piste. Les contrats non marchands seront 300 000, contre 340 000 en 2014. Notre préoccupation constante est d'améliorer la qualité des contrats aidés. C'était d'ailleurs déjà l'une de mes préoccupations lors du Grenelle de l'insertion en 2008. La durée des CAE est un élément essentiel de prévention contre le retour dans la précarité. Je la surveille avec attention. En 2012, elle était de 6 mois ; en 2014, elle est de 11,3 mois. Nous ciblons les publics les plus fragiles, et proposons des formations en accompagnement, parfois qualifiantes.

Vous avez raison, l'apprentissage doit être une cause nationale. Il participe à la lutte contre le chômage et constitue aussi un outil pour préparer l'avenir, notamment pour les artisans qui souhaitent préparer leur succession. Un pilotage national serait souhaitable mais les compétences relèvent des régions. Je compte sur vous pour suivre l'utilisation des crédits. Certains métiers supposent une transversalité nationale. Les enveloppes de 175 millions pour les contrats aidés et de 60 millions pour la nouvelle prime d'apprentissage seront financées par la solidarité ministérielle, non par des taxes supplémentaires.

Ce sont les partenaires sociaux qui, dans le cadre de la nouvelle convention sur l'assurance chômage, ont modifié les annexes 8 et 10 relatives aux intermittents du spectacle. Suite aux difficultés suscitées par les nouvelles règles du différé, une mission de réflexion sur l'intermittence du spectacle a été confiée par le Gouvernement à Jean-Patrick Gille, Hortense Archambaud et Jean-Denis Combrexelle, qui fera des propositions avant la fin de l'année. En outre, le Gouvernement a décidé que les règles du différé pour les intermittents sont celles antérieures à la nouvelle convention. Je crains que ce soit mon budget qui assure la prise en charge du manque à gagner pour l'Unédic.

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