Il s’agit notamment des mesures relatives à la branche famille – 600 millions d'euros –, des économies sur les retraites de base – 1, 5 milliard d'euros –, avec principalement le décalage de la date de revalorisation des retraites d’avril à octobre, qui n’a pas produit d’économies en 2014 mais en produira en 2015. Enfin, les régimes gérés par les partenaires sociaux sont associés à l’effort : en particulier, les régimes de retraite complémentaires et l’UNEDIC y contribuent respectivement pour 850 millions et pour 1 milliard d'euros, à travers notamment la nouvelle convention d’assurance chômage.
Les mesures nouvelles représentent 5, 6 milliards d'euros d’économies. Une partie de ces mesures sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tandis que les autres débordent du champ de ce dernier, qui, rappelons-le, ne concerne que les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
Les mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été détaillées lors de la commission des comptes. En particulier, près de 3, 2 milliards d’euros d’économies sont réalisés sur les dépenses d’assurance maladie ; c’est un tiers de plus que l’année dernière. Marisol Touraine vous en a longuement parlé, en détaillant les grands axes de la stratégie nationale de santé.
À ces 3, 2 milliards d'euros s’ajoutent environ 200 millions d'euros au titre de la réforme du capital décès et quelque 700 millions d’euros d’économies réalisées dans le cadre de la réforme des prestations familiales en 2015. Marisol Touraine a longuement exposé la modulation des allocations familiales en fonction des ressources. Cette mesure, issue des discussions entre les députés et le Gouvernement, permettra à terme de réaliser environ 800 millions d'euros d’économies sur les dépenses de la branche famille, qui, je le rappelle, est déficitaire de plus de 2, 9 milliards d’euros cette année.
Je tiens en parallèle à souligner l’importance de l’effort financier qui continue à être réalisé en faveur des familles, notamment en matière d’aides à la garde des jeunes enfants, lesquelles représentent aujourd’hui plus de 9 milliards d’euros, soit un investissement considérable.
En outre, les organismes de protection sociale, notamment ceux du régime général, se sont fixé des objectifs ambitieux en matière d’efficacité et de productivité : près de 500 millions d’euros seront économisés au travers de la diminution des coûts de gestion, grâce en particulier aux évolutions prévues par les conventions d’objectifs et de gestion, qui viennent d’être renégociées.
Outre ces mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des économies seront réalisées dans les autres secteurs de la protection sociale. Ainsi, les coûts de gestion de l’UNEDIC seront réduits d’un montant de 200 millions d'euros. Il faut également tenir compte des effets, en 2015, du calendrier législatif d’adoption de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Par ailleurs, les prévisions de consommation des crédits d’intervention des fonds d’action sanitaire et sociale des caisses de sécurité sociale, cohérentes avec la consommation observée en 2014, conduisent à prévoir de moindres dépenses.
Enfin, d’autres mesures de moindre importance contribuent aux économies ; je pense par exemple à la lutte contre la fraude, ou encore à certaines mesures relatives aux aides au logement.
Comme vous le savez, ces économies s’accompagnent de la mise en œuvre d’engagements forts du Gouvernement et du Président de la République : poursuite des revalorisations exceptionnelles de prestations sociales dans le cadre du plan pauvreté, mesures de justice dans le domaine des retraites pour les femmes, les jeunes, les carrières longues et les carrières heurtées, absence de déremboursement ou de transfert de prise en charge aux complémentaires en matière de santé.
La commission des affaires sociales du Sénat s’est demandé si les montants d’économies anticipés par le Gouvernement pour les régimes paritaires de retraite et d’assurance chômage constituaient une feuille de route fixée aux partenaires sociaux. En réalité, les partenaires sociaux se sont eux-mêmes fixé une feuille de route, contenant des montants d’économies précis, et, malgré les difficultés qu’ils rencontrent pour les réaliser, ils n’ont pas revu leurs objectifs à la baisse. Ils savent en effet, comme le Gouvernement, la nécessité de rétablir les comptes des régimes.
Au-delà de ces économies, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 permet de préserver le financement de la sécurité sociale par la compensation du pacte de responsabilité et de solidarité, sans mesure de recette supplémentaire pesant sur les ménages et les entreprises.
Le Gouvernement avait pris des engagements très clairs à l’occasion des débats sur le pacte de responsabilité et de solidarité, qui a été voté cet été. Ces engagements sont respectés.
Tout d’abord, les allégements de cotisations seront bien mis en œuvre au 1er janvier 2015. Les décrets relatifs à la mise en place du dispositif « zéro charge au SMIC » seront bientôt publiés, dans le délai prévu.
Ensuite, les allégements en faveur des indépendants seront pris en compte dans les appels de cotisations de 2015. La réduction de cotisations, d’un montant de 1 milliard d’euros, sera donc appliquée dès le début de 2015. S’y ajoute 1 milliard d’euros de baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, ciblée d’abord sur les petites et moyennes entreprises, puisque les deux tiers des redevables seront totalement exonérés de cette contribution dès 2015. Les conséquences de cette baisse des recettes de C3S sur les affectataires – dont le régime social des indépendants, le RSI – sont neutralisées par des ressources équivalentes. Comme cela avait été clairement dit lors des débats, l’opération n’affecte en rien l’indépendance de ce régime ; Marisol Touraine et moi-même l’avons officiellement confirmé à ses responsables.
Enfin, comme le Gouvernement s’y était engagé et comme la loi de financement rectificative en avait instauré le principe, les lois financières prévoient les modalités de la compensation intégrale des pertes de recettes induites par le pacte de responsabilité et de solidarité.
Cette compensation s’inscrit dans une logique de rationalisation. Certaines recettes communes sont confiées intégralement à la sécurité sociale, tandis que des dépenses partagées seront désormais prises en charge intégralement par l’État. Une partie de la compensation se fera ainsi sous forme de reprise de certaines dépenses de la sécurité sociale par l’État.
En pratique, la fraction des aides personnalisées au logement, les APL, aujourd’hui financée par la branche famille sera désormais supportée par le budget de l’État, qui en finançait d’ores et déjà près de 40 %. Cette opération de transfert de dépenses n’a pas de conséquence pour les bénéficiaires. Les règles d’attribution, de calcul et de gestion par les caisses d’allocations familiales ne sont en aucune façon modifiées.
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 transfère à la sécurité sociale l’intégralité du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, dont le taux cumulé s’élève à 15, 5 %. L’affectation de l’intégralité de cette ressource à la sécurité sociale représente un transfert de 2, 5 milliards d’euros. Cela assure une forme d’unité et de cohérence. Les fonds qui bénéficiaient antérieurement d’une partie de ces prélèvements feront l’objet de dotations de l’État.
La compensation s’appuie également, pour l’année 2015, sur un apport exceptionnel issu de la réforme du recouvrement des cotisations dues par les caisses de congés payés existant dans certains secteurs. Je tiens à apporter trois précisions sur cette mesure.
Tout d’abord, il n’y a là aucune remise en cause du rôle et des missions de ces caisses. Elles continueront d’assurer la gestion des congés de manière mutualisée, comme auparavant.
Ensuite, cette mesure n’a de conséquence ni pour les salariés, bien entendu, ni pour les employeurs. En effet, les cotisations ainsi prélevées de manière anticipée à partir de 2015 ont déjà été acquittées par ces derniers auprès des caisses de congés. Ce n’est pas à l’employeur que l’on demande de verser plus tôt, mais aux caisses qui détiennent déjà les fonds. Pour l’employeur, cela ne change donc rien au plan financier.
Enfin, la mise en place d’un prélèvement à la source intégral à l’horizon 2018 n’est pas non plus une charge supplémentaire pour les employeurs. Certaines contributions dues au titre des indemnités de congés sont déjà prélevées à la source, et la mise en place du système permettra de simplifier les relations entre les caisses de congés et les employeurs. Nous nous donnerons tout le temps nécessaire afin que cette transition se fasse de manière favorable pour tout le monde, et nous sommes prêts à débattre du calendrier et des modalités avec l’ensemble des acteurs.
La commission des affaires sociales du Sénat signale que la compensation n’est que temporaire. Cela est vrai, mais elle atténue tout de même durablement la charge de la dette. Chacun pourra convenir, je pense, qu’il serait irresponsable de chercher à réduire nos déficits par des mesures d’économie tout en refusant une disposition sans incidence pour les salariés ni pour les entreprises.
Parallèlement à ces mesures, le projet de loi de finances pour 2015 assure, comme le prévoyait la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le transfert au Fonds de solidarité vieillesse des produits générés par la fiscalisation, à compter de 2014, des majorations de pension, soit 1, 2 milliard d’euros de recettes supplémentaires.
Enfin, le Gouvernement met en œuvre des mesures d’équité et de rationalisation et de simplification des prélèvements sociaux, mais à rendement global constant.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comprend aucune mesure d’accroissement des prélèvements sur les entreprises ou les ménages.
Les mesures de rationalisation et de simplification dans le domaine des prélèvements obligatoires sont une priorité. Il s’agit tout d’abord de mesures d’équité et de justice, dont la première concerne les ménages. Elle vise à modifier le critère en fonction duquel on détermine si un retraité ou un chômeur doit payer la CSG au taux réduit de 3, 8 % ou au taux normal, fixé à 6, 2 % pour les chômeurs et à 6, 6 % pour les salariés. En effet, le critère actuel dépend du montant d’impôt dû, mais pas du niveau du revenu lui-même. Cela signifie qu’un retraité qui touche une pension faible mais ne bénéficie pas de réductions d’impôts peut être soumis au taux normal, alors qu’un autre qui touche une pension plus élevée mais bénéficie de réductions d’impôts importantes peut relever du taux réduit. Cela n’est ni juste ni compréhensible, comme l’ont démontré de nombreux travaux parlementaires. Ces travaux proposent de retenir un critère de revenu fiscal de référence, sans modification des taux en vigueur. Il s’agit d’une réforme à rendement global nul. Pour les personnes qui ont peu de réductions d’impôts ou pas du tout, le nouveau seuil fixé sera plus favorable que le seuil actuel. J’insiste sur ce point : il ne s’agit en aucune manière d’une hausse de la CSG des retraités, dont les taux ne bougent pas, mais bien d’une mesure de justice, d'ailleurs conforme à ce qui a été fait depuis plusieurs années en matière d’imposition locale.
S'agissant toujours des ménages, l’Assemblée nationale a adopté, à la suite des débats qui ont eu lieu cet été, une mesure ciblée en faveur de l’emploi à domicile. Il s’agit d’un doublement de l’exonération de 75 centimes pour les services de garde d’enfants. Le Gouvernement a proposé cette mesure de compromis, parce qu’il n’est pas possible de mettre en œuvre une mesure généralisée représentant un coût de 200 millions d'euros pour la sécurité sociale quand on cherche partout ailleurs des économies. En outre, comme vous le savez, la Cour des comptes critique les aides au secteur des services à la personne, qui sont déjà considérables et trop peu ciblées. Cette position de compromis cible les besoins prioritaires ; je pense que nous aurons l’occasion d’approfondir la réflexion sur ce sujet dans la suite du débat.