Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 10 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Au total, malgré l’augmentation des prélèvements, le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse ne s’est réduit que de 3, 1 milliards d’euros, pour s’établir à 16 milliards d’euros en 2013.

L’année 2014 témoigne des limites de cette politique, car les recettes ne rentrent pas. Elles devaient progresser de 10 milliards d’euros, dont la moitié au titre de recettes nouvelles ; or elles ont été rectifiées deux fois à la baisse, dans la loi de financement rectificative puis dans le présent projet de loi. Le déficit prévisionnel est de 15, 4 milliards d’euros, soit 2, 2 milliards d’euros de plus que prévu.

Pour 2015, un changement de politique est affiché : pas ou peu de recettes nouvelles, mais des compensations de la réduction des prélèvements, des économies par rapport à une trajectoire tendancielle et, au final, un objectif assez modeste de réduction des déficits de 2 milliards d’euros environ par rapport au déficit de 2014, lui-même quasiment équivalent à celui de 2013, comme l’a rappelé Mme la ministre.

Je dirai un mot sur les économies. Le Gouvernement avait annoncé, dans le programme de stabilité d’avril dernier, 21 milliards d’euros d’économies dans le champ des administrations de sécurité sociale, dont 9, 6 milliards d’euros dès 2015, reposant en partie sur une absence de revalorisation de certaines prestations. Quelques mois plus tard, après une révision à la baisse des hypothèses d’inflation qui a mis à mal les économies liées à la non-revalorisation, cet objectif de 9, 6 milliards d’euros d’économies est pourtant maintenu.

Le Gouvernement a défini les grandes masses, mais le détail reste méconnu ; les ministres nous en diront certainement plus au cours du débat. Pour l’essentiel, ces économies dépendent de mesures à prendre dans la future loi de santé ou de la contribution des régimes à gestion paritaire, sur lesquels le Gouvernement a peu de prise.

In fine, le ralentissement de la trajectoire de dépenses pourrait être moins sensible que prévu, ce qui aurait une incidence directe sur le solde des administrations de sécurité sociale.

Pour le moment, la compensation pérenne du pacte de responsabilité et de solidarité n’est pas totalement assurée.

Pour 2015, elle repose en partie sur la mesure relative aux caisses de congés payés, qui procure un gain de trésorerie non reconductible. La question sera beaucoup plus difficile à régler en 2016, avec la poursuite des allégements de cotisations et une nouvelle étape de la suppression programmée de la C3S.

Une autre inquiétude subsiste quant aux hypothèses macroéconomiques.

Ces deux dernières années, nous aurons connu une croissance de 0, 4 % par an, et la fin de l’année 2014 ne laisse entrevoir aucun signe de reprise. Si cette situation perdure, l’objectif de 1 % de croissance pourrait ne pas être atteint, ce qui se traduirait par des recettes moindres en fin d’année.

La prévision de solde déficitaire établie à 13, 2 milliards d’euros est donc soumise à de forts aléas. La réduction du déficit, déjà amoindrie en 2013, puis en 2014, pourrait donc être inférieure aux 2, 2 milliards d’euros programmés.

La dette sociale dépasse les 160 milliards d’euros. C’est une anomalie dont nous nous accommodons collectivement, les gouvernements successifs s’étant refusés à augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.

La dette sociale présente en principe une particularité, celle de faire l’objet d’un amortissement en vue de sa disparition progressive. Aujourd’hui, une part importante, plus de 17 %, est portée en trésorerie à l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Par conséquent, non seulement elle n’est pas amortie, mais elle est très exposée à la volatilité des taux à court terme. Il y a là un pari collectif qui fait peser un risque supplémentaire sur les équilibres généraux de la sécurité sociale.

Voilà pour le constat. Il a semblé à la commission des affaires sociales que, au regard des défis actuels tenant à l’état des finances sociales, le compte n’y était pas, entre des prévisions que l’on ne saurait qualifier d’optimistes, mais que l’état de notre économie pourrait malheureusement démentir, et des économies au calibrage incertain, puisqu’il manque selon nous 1, 8 milliard d’euros pour le périmètre du PLFSS.

Nous le reconnaissons bien volontiers, la tâche n’est pas aisée. L’économie de notre pays ne donne aucun signe de redémarrage et les marges de manœuvre sur les prélèvements sont largement épuisées. Il nous semble toutefois que le Gouvernement fixe des bornes étroites à son action.

Vous l’avez rappelé devant la commission des affaires sociales et encore tout à l’heure, madame la ministre, votre feuille de route est claire : pas de transferts de charges vers les patients, pas de réduction de l’accès aux soins, pas de réduction des effectifs hospitaliers.

Quand les dépenses sociales sont financées par des déficits, le transfert de charges est pourtant réel vers les contribuables, vers les générations à venir, alors qu’elles devront faire face à la fragilité financière des régimes de retraite.

Ce constat, à nos yeux, appelle des réformes, et des réformes justes, comme vous l’avez souligné.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut aller plus loin dans la maîtrise des dépenses. La réduction du déficit structurel, qui serait de la moitié du déficit total, reste devant nous.

Nous consacrons 27 % de la richesse nationale aux dépenses sociales, soit plus de 53 % du montant des prélèvements obligatoires : qui peut sérieusement plaider l’insuffisance de recettes ?

Avec une inflation très faible, la progression des dépenses reste trop rapide : en 2015, les dépenses d’assurance maladie devraient augmenter de près de 5 milliards d’euros pour le seul régime général. Cette tendance, vous en conviendrez, n’est pas soutenable.

Devant ce constat, nous n’avons pas souhaité rejeter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni même le rebâtir totalement, exercice dont nous mesurons d’ailleurs parfaitement les limites.

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