Nous refusons la méthode retenue pour la branche famille, qui témoigne d’une absence de vision sur la politique familiale : d’effets d’annonce en démentis, la mesure proposée de modulation des allocations familiales nous semble aussi improvisée que complexe, sans parler des questions d’équité. En effet, pour notre part, nous ne distinguons pas entre les enfants selon qu’ils naissent dans une famille aisée ou dans une famille modeste. Si vous souhaitez prendre des mesures de solidarité, il faut en passer par l’impôt. Vous l’avez d’ailleurs fait par deux fois en abaissant le quotient familial.
En ce qui concerne les retraites, nous souhaitons tout d’abord appeler l’attention sur la situation du Fonds de solidarité vieillesse, laquelle est emblématique du financement de prestations non contributives à crédit : le déficit prévu du FSV en 2015, près de 3 milliards d’euros, est identique à celui de 2011.
Nous savons aussi, collectivement, que la loi de janvier 2014 ne garantit ni l’avenir ni la justice du système de retraites, et que cette réforme ne sera pas la dernière. Dès la fin de la période de programmation, en 2018, la question des retraites se posera de nouveau.
Sur ces points, la commission des affaires sociales a tracé des orientations et des pistes d’action. Nous tenons à souligner que le dérapage des comptes sociaux est non pas une fatalité, mais bien une anomalie. Le redressement, si l’on compare avec le budget de l’État, n’est pas hors de portée. Certains de nos voisins sont parvenus à l’obtenir sans que l’état sanitaire de leur population soit plus préoccupant que celui des Français. Nous devons donc nous y employer résolument, dans un esprit de responsabilité, avec un objectif partagé : garantir la performance, l’efficacité et la pérennité de notre système de protection sociale.
J’en viens aux dispositions relatives à l’assurance maladie.
Les mesures relatives à la branche maladie prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont, pour l’essentiel, de nature technique. Depuis 2004, nous attendons l’ouverture d’un débat de fond sur la politique de santé de notre pays permettant de déterminer les contours des actions financées par l’assurance maladie. Ce débat devrait enfin avoir lieu à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à la santé qui a été présenté en conseil des ministres le 15 octobre dernier. Nous ne pouvons que nous en réjouir, car la jurisprudence constitutionnelle nous empêche bien souvent d’aborder ces questions essentielles dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous nous en rendons compte aujourd’hui encore !
Cependant, nous attendons tout au moins du projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il définisse le périmètre de la solidarité nationale en matière de santé et qu’il garantisse son équilibre financier. De ce point de vue, le texte du Gouvernement nous paraît incomplet.
Incontestablement, le contexte de crise limite les recettes en même temps qu’il rend nos concitoyens les plus fragiles davantage sensibles aux variations des prises en charge. Cela ne suffit pourtant pas à justifier la faiblesse des réformes structurelles qui nous sont proposées. En effet, à condition d’être soutenues par une véritable volonté, plusieurs mesures pourraient permettre d’engager la nécessaire réduction des dépenses de santé, sans pour autant porter atteinte à la qualité de la prise en charge médicale des Français.
Je pense d’abord au renforcement de la pertinence des actes. Je me suis, comme d’autres au sein de notre commission, exprimé à de nombreuses reprises sur le sujet au cours des dernières années. La Fédération hospitalière de France, la FHF, la Haute Autorité de santé, l’Académie nationale de médecine et la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat estiment que près de 30 % des actes pris en charge ne seraient pas pertinents, ce qui se traduirait par un surcoût injustifié de près de 30 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Devant ce gaspillage, le Gouvernement ne nous propose qu’une mesure législative qui devrait permettre d’économiser 50 millions d’euros, ainsi que des mesures réglementaires non détaillées, pour une économie estimée à 1, 2 milliard d’euros. La commission des affaires sociales estime que ces propositions ne sont pas à la hauteur de l’enjeu et proposera donc de les compléter.
La Cour des comptes nous a également indiqué plusieurs pistes d’économies substantielles autant que consensuelles, notamment le désengorgement des urgences hospitalières, le développement du recours aux médicaments génériques ou encore la maîtrise des dépenses de personnel des hôpitaux.
Sur ce dernier point, il convient d’éviter les approximations. L’hôpital est le réceptacle de nombreux dysfonctionnements de notre système de soins et les difficultés auxquelles sont soumis ses personnels, voire la souffrance qu’ils endurent, doivent être prises en compte.