Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 10 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Nous sommes conscients que la maîtrise de l’ONDAM hospitalier représente un effort considérable pour les établissements de soins, dont les coûts progressent spontanément plutôt de quelque 2, 47 %. Il est indispensable de permettre à ces établissements d’assurer leur mission de service public dans des conditions acceptables. Dans un contexte financier contraint et pour éviter toute explosion des coûts hospitaliers, cela passe notamment par une meilleure gestion du temps de travail. Celle-ci peut être mise en œuvre au bénéfice tant des établissements que des personnels, car je pense qu’il y a moins de stress au travail quand le temps pour accomplir les missions correspond vraiment à l’ampleur des tâches à assumer. Il faut faire confiance aux acteurs de terrain et à leur sens des responsabilités pour agir au mieux dans l’intérêt collectif, mais je note que la FHF dénonce le peu de soutien dont bénéficient les directeurs dans leurs négociations avec les personnels.

Enfin, il faut permettre à notre système d’assurance maladie obligatoire de continuer à prendre en charge et à soutenir l’innovation. L’exemple du Sovaldi ne nous donne qu’un avant-goût des difficultés que nous allons rencontrer avec le retour – dont il faut par ailleurs se réjouir – de l’innovation dans le champ du médicament.

Le Gouvernement, devant une situation dont il n’avait pas encore mesuré l’ampleur au moment du vote de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, nous propose –donc quelque peu en urgence – un dispositif visant spécifiquement à contenir les dépenses liées au traitement de l’hépatite C. Il nous semble que ce dispositif doit au moins être clarifié et réduit dans le temps. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 contient également une réforme du mécanisme général de régulation des dépenses de médicament.

La commission des affaires sociales vous soumet trois amendements visant à renforcer l’évaluation des médicaments soumis à remboursement. Le premier tend à mettre en place au 1er janvier 2016 une réforme, élaborée depuis plusieurs années par la Haute Autorité de santé, pour remplacer les critères actuels de service médical rendu et d’amélioration du service médical rendu, dont les périmètres sont mal définis, par un critère unique permettant de mesurer l’intérêt thérapeutique relatif, ou ITR, d’un médicament. Cette évolution nous paraît plus que jamais nécessaire, alors que le classement des médicaments selon leur degré d’amélioration du service médical rendu va être bouleversé par l’arrivée de nouvelles molécules apportant une innovation importante. Si nous ne nous dotons pas d’un instrument efficace pour comparer les produits de santé entre eux, le principe même de l’évaluation en vue du remboursement perdra tout son sens.

Toute évolution réglementaire d’ampleur doit s’accompagner d’un dialogue avec les entreprises du secteur. Nous prévoyons donc l’application de l’ITR dans un an et par décret, pour que le dialogue s’engage avec un objectif clair : permettre d’adapter l’évaluation des produits de santé aux enjeux de demain.

De même, la commission des affaires sociales considère que l’évaluation médico-économique doit être prise en compte au moment où se pose la question du remboursement. Je tiens à souligner qu’une évaluation médico-économique cherche à établir l’adéquation entre le coût d’un produit et son objectif en matière de santé publique. Il ne s’agit pas d’une évaluation médico-budgétaire qui soumettrait l’objectif de santé aux contraintes des finances publiques. C’est donc bien par une nouvelle perspective sanitaire que nous souhaitons compléter l’évaluation, ce qui paraît particulièrement important eu égard au coût des nouveaux traitements : 14 000 euros par mois et par patient pour le Sovaldi.

Enfin, nous estimons que, lorsqu’une firme prétend obtenir un prix élevé pour un produit présenté comme innovant, elle doit soumettre des évaluations qui garantissent le plus haut niveau de preuve scientifique. Comme le montre la revue Prescrire, de nombreuses affirmations sur les qualités du Sovaldi sont insuffisamment évaluées. Cela n’est pas acceptable, alors que la France a défini l’indication la plus large d’Europe pour la prise en charge de ce médicament. L’obligation pour la firme de fournir des études comparatives, lorsque le comparateur existe, est inscrite dans la loi sur la sécurité du médicament, mais soumise à un décret qui n’est jamais paru : nous la rendons donc d’application directe.

S’agissant du contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales a approuvé les mesures concernant les hôpitaux qui rejoignent les préconisations du rapport présenté par nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale sur la tarification à l’activité. Elles concernent le statut des hôpitaux de proximité, la prise en charge des actes innovants, les contrats d’amélioration des pratiques, ainsi que le contrôle de la pertinence des soins. Sur ce dernier point, la commission propose de compléter le dispositif, dont le champ se limite aux hôpitaux, afin de l’étendre aux soins de ville et aux relations ville-hôpital.

Pour renforcer l’accès aux soins, le Gouvernement propose de simplifier le régime du paiement des soins aux détenus, ce qui constitue une mesure de bonne gestion. Il renforce les mécanismes incitatifs pour l’installation des praticiens en zones sous-denses, persévérant ainsi dans l’empilement de mesures ponctuelles. Il aligne le régime de prise en charge par l’assurance maladie des vaccins effectués dans les centres de vaccination sur celui des vaccins réalisés en ville ou dans le cadre de la protection maternelle et infantile. La commission présentera un amendement visant à faire baisser le coût d’achat des vaccins par les structures publiques de vaccination.

Le PLFSS étend le mécanisme du tiers payant, qui existe déjà pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’Assemblée nationale a également décidé que, comme ceux de la CMU-C, les bénéficiaires de l’ACS seraient dispensés de franchise et de participation forfaitaire.

La commission des affaires sociales du Sénat, comme la quasi-totalité des syndicats de médecins et des organismes complémentaires, est favorable à l’extension du tiers payant aux titulaires de l’ACS, car il s’agit d’une mesure qui favorise l’accès aux soins des publics fragiles.

La dispense de franchise et la participation forfaitaire nous paraissent en revanche soulever davantage de questions, madame la ministre. Tout d’abord, nous nous interrogeons sur la responsabilisation réellement induite par le paiement de ces sommes minimes, qui ne sont versées que pour 39 % des actes auxquelles elles pourraient s’appliquer, les 61 % restants en étant exonérés. Ensuite, nous doutons de la possibilité pratique de récupérer ces montants dans le cadre du tiers payant. C’est pourquoi la commission présentera un amendement tendant à supprimer la participation forfaitaire des bénéficiaires de l’ACS pour les actes médicaux, tout en maintenant le principe du paiement des franchises.

D’autres dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 correspondent à des mesures de rationalisation. L’une d’elles est attendue depuis longtemps par les associations de lutte contre le VIH.

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