Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 10 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, rapporteur pour le secteur médico-social :

Bien que ralentie, l’augmentation de l’OGD permettra malgré tout d’allouer 476 millions d’euros de crédits supplémentaires au secteur médico-social afin de permettre, outre le renforcement des moyens existants, l’achèvement du processus de médicalisation des EHPAD, la poursuite de l’ouverture du tarif global dans ces établissements et celle des plans de création ou de rénovation de places.

Je tiens cependant à faire part de mes inquiétudes quant à la méthode de construction de l’OGD. En 2015, comme en 2014, celui-ci sera alimenté par une partie des réserves de la CNSA. Or ces réserves sont en diminution constante depuis plusieurs années. Il est dès lors plus que probable que, à un horizon relativement proche, ce mécanisme d’abondement de l’OGD doive être abandonné.

En outre, la répartition du produit de la CSA au sein du budget de la CNSA, qui obéit à des règles bien complexes, avouons-le, ne doit pas conduire à désavantager certains acteurs au profit d’autres. C’est pour cette raison que la commission des affaires sociales a adopté, sur ma proposition, un amendement tendant à rétablir davantage d’équité dans l’utilisation de cette ressource : une moitié ira à la prise en charge des soins, via l’OGD, l’autre moitié à la compensation des dépenses engagées par les départements au titre de l’allocation personnalisée pour l’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH. Il s’agit là d’un équilibre raisonnable, qui devrait contribuer à limiter la baisse continue du taux de couverture par la CNSA des dépenses au titre de la prestation de compensation du handicap. Pour mémoire, celui-ci, qui était supérieur à 45 % en 2010, n’est plus que de 34, 5 % en 2014, ce qui devient insupportable pour les conseils généraux !

J’ai par ailleurs proposé à la commission des affaires sociales un autre amendement visant à supprimer les dispositions de l’article 53, qui tendaient à asseoir la contribution de la CNSA au financement de trois agences –l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, et l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH – sur le seul produit de la CSA, et non sur l’OGD dans son ensemble, comme le prévoyait initialement la loi.

L’année prochaine, l’ensemble du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, sera – enfin ! – affecté au budget de la CNSA. Le Gouvernement s’y est engagé : cette ressource dynamique, dont le produit devrait s’élever à 680 millions d’euros l’année prochaine, sera entièrement consacrée au financement de la mise en œuvre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, une fois que celle-ci aura été définitivement votée. Si le Sénat peut se satisfaire de cette nouvelle, il n’en reste pas moins attentif à la date d’inscription de l’examen de ce texte à son ordre du jour.

Nous avons également accueilli avec attention une autre annonce du Gouvernement, celle du financement d’un plan d’aide à l’investissement dans le secteur médico-social avec la part du produit de la CASA qui ne sera pas utilisée l’année prochaine pour le financement de la mise en œuvre de la loi. Ce plan a vocation à s’étendre sur la période allant de 2015 à 2017. L’effort est bienvenu, car les besoins sont criants et nombre de structures sont vieillissantes, notamment en ce qui concerne les hébergements pour personnes âgées.

Sur mon initiative, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à inscrire dans la loi cet engagement. Dans l’hypothèse où le projet de loi serait adopté à la fin du premier semestre de 2015, ce sont un peu plus de 100 millions d’euros par an qui pourraient être consacrés, sur trois années, au soutien à cet investissement nécessaire à nos personnes âgées ou handicapées, ainsi qu’à la relance d’une croissance qui nous fait cruellement défaut.

L’Assemblée nationale avait inséré deux articles additionnels tendant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement deux rapports, portant l’un sur la fiscalité des EHPAD, l’autre sur les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM. Nous savons tous quelle est la portée réelle de telles demandes de rapports, qui risquent fort de n’être qu’un moyen de retarder la prise de décision dans un secteur où celle-ci est déjà trop souvent longue et difficile. En conséquence, la commission des affaires sociales a fait le choix de proposer la suppression de ces deux articles.

Beaucoup des enjeux qui touchent au secteur médico-social sont largement connus et documentés. Il faut désormais donner la priorité à l’action, en ayant un objectif en tête : la simplification !

S’agissant des moyens alloués aux structures médico-sociales, il est essentiel, madame la ministre, de clarifier le partage des responsabilités entre financeurs, puis, à terme, d’envisager les transferts de charges nécessaires. Je pense en particulier aux foyers d’accueil médicalisé, les FAM, et aux maisons d’accueil spécialisées, les MAS, qui prennent en charge des publics aux caractéristiques souvent proches, mais font l’objet de financements bien distincts. Je pense également, pour les EHPAD, au partage des financements entre conseils généraux et assurance maladie pour la rémunération des aides-soignants et des aides médico-psychologiques.

Pour ce qui est des EHPAD, le Gouvernement s’était engagé à mettre en place à l’automne un groupe de travail chargé de réfléchir à une allocation plus simple et plus objective des moyens. Je souhaite que les débats qui vont s’engager sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale puissent être l’occasion de faire le point sur les contours, les objectifs et le calendrier de ces travaux. Nous attendons des éclaircissements de votre part sur ce point, madame la ministre.

Nous le savons bien, toute réforme ambitieuse de la tarification crée des gagnants et des perdants. Elle est donc difficile à mener dans des périodes où les enveloppes de financement progressent peu, pour ne pas dire trop peu ! Des solutions raisonnables, acceptables pour les gestionnaires et lisibles pour les usagers, peuvent, malgré tout, être trouvées.

Cela suppose en premier lieu que les études de coûts qui ont été engagées dans le secteur deviennent de véritables outils d’aide à la décision et qu’un effort renouvelé soit mené pour assurer la pluriannualité des financements. Cela nécessite également que soit trouvée une solution à la persistance de financements en « silos » qui, trop souvent, bloquent toute perspective de coopération entre structures médico-sociales, ainsi qu’entre ces dernières et le secteur sanitaire.

Or la coordination entre les intervenants, voire leur intégration, est essentielle pour éviter les ruptures de prise en charge et permettre la construction de parcours dans lesquels les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie puissent se sentir efficacement accompagnées. Au-delà des financements, c’est également la question de l’interopérabilité des systèmes d’information qui doit être traitée, afin d’assurer un partage fluide de l’information entre les professionnels.

À toutes ces questions, les expérimentations relatives aux parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, les PAERPA, lancées par le Gouvernement au début de l’année 2013, ont pour objet de répondre. Leur mise en œuvre a nécessité des travaux préparatoires longs et la mise en place de structures de pilotage dont la lourdeur inquiète les acteurs de terrain. Espérons malgré tout qu’elles permettront de tracer les voies vers un travail plus intégré des professionnels chargés d’accompagner ces publics. C’est en tout cas le message qu’ils m’ont transmis à travers les différentes auditions que j’ai pu réaliser dans le cadre de la préparation de ce rapport.

Le devoir de simplification et de clarification s’applique également à la gouvernance du secteur médico-social. Les Français doivent pouvoir être en mesure d’identifier plus clairement qui sont les autorités responsables en matière d’accompagnement du handicap et de perte d’autonomie.

Sur ces questions, les conseils généraux ont su de longue date affirmer leur expertise et leur savoir-faire. Mais ils vont disparaître…

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