Intervention de Caroline Cayeux

Réunion du 10 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Caroline CayeuxCaroline Cayeux, rapporteur pour la famille :

La remise en cause de l’universalité des allocations familiales, qui fait sans contestation possible partie des principes fondateurs de notre modèle social et qu’il devrait incomber à l’État de défendre, fait donc peser une menace réelle sur la pérennité de notre modèle de sécurité sociale fondé sur la solidarité.

Il est dans notre République des principes forts et des acquis sociaux dont la valeur n’a pas de prix, des valeurs qui ont été à l’origine du progrès social et qui doivent impérativement être préservées et protégées par l’État. L’universalité fait incontestablement partie de celles-ci.

Je présenterai donc un amendement visant à supprimer l’article 61 A. Par cohérence, l’article 62 fixant l’objectif de dépenses de la branche pour 2015 devra également être amendé.

La nouvelle réforme du congé parental est elle aussi inquiétante. Présentée dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, elle vise à inciter les pères à prendre une part du congé parental, afin de réduire l’éloignement des femmes du marché du travail.

Toutefois, en prévoyant finalement de porter la durée réservée au second parent à douze mois, au lieu de six, le Gouvernement détourne ce texte de son objectif, pour en faire une nouvelle mesure d’économie, en pariant sur le fait que les pères ne prendront pas le congé qui leur est réservé.

Nous partageons tous, chers collègues, la volonté de voir s’améliorer la situation des femmes sur le marché du travail. Cependant, imposer aux familles un partage du congé parental, alors que l’égalité salariale au sein du couple est encore rare, revient à nier les contraintes économiques réelles qui conduisent, dans plus de 95 % des cas, à ce que le congé parental soit pris uniquement par la mère. La liberté de choix des familles en matière d’éducation est un principe qui doit rester intangible.

Concrètement, la grande majorité des familles qui ne pourront se permettre de sacrifier le salaire le plus élevé du couple pendant un an perdront une année de congé parental. C’est d’ailleurs là l’objectif à peine déguisé du Gouvernement, la logique comptable primant sur l’intérêt des familles et de leurs enfants.

La mesure proposée pose en outre la question de l’accueil du jeune enfant et du rôle des communes, qui seront ici mises à contribution. Les solutions individuelles ou collectives sont en effet plus coûteuses, à la fois pour les familles et pour les finances publiques.

Cette réforme pénalisera donc lourdement les ménages et pèsera sur les budgets locaux, même si vous annoncez, madame la ministre, un plan ambitieux pour la garde des enfants. C’est pourquoi nous avons, avec Fabienne Keller et mes collègues, déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement fournisse une réelle étude de l’impact économique, social et financier de cette mesure.

Mes chers collègues, vous le constatez, le volet relatif à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 témoigne très nettement d’une absence de vision globale, et sacrifie une fois de plus les familles sur l’autel du redressement des comptes.

Pour conclure, permettez-moi de soumettre à votre réflexion – une fois n’est pas coutume ! – une déclaration de Mme Martine Aubry : « Il faut arrêter d’entrer dans tous les dossiers par l’argent, même si c’est important. Pourquoi est-ce qu’on ne présente pas une grande politique familiale du XXIe siècle, plutôt que de parler tout de suite des milliards qu’on va pouvoir récupérer ? »

Elle a raison ! La vraie question qui se pose est de savoir quelle politique familiale nous voulons pour notre pays.

Au lieu de relever d’une grande cause nationale, les familles sont réduites dans ce projet de loi au rôle de variable d’ajustement comptable. Sommes-nous prêts, mes chers collègues, à sacrifier les principes fondamentaux de notre politique familiale ? En avons-nous le droit ? Prenons-nous la responsabilité de voter un texte qui va contre l’intérêt des familles, pour atteindre des objectifs strictement budgétaires ?

Les familles sont la vitalité de la France, ne l’oublions pas trop vite, ni trop facilement ! §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion