Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après un déficit continu entre 2009 et 2012 dans un contexte de crise, la branche AT-MP – accidents du travail et maladies professionnelles – a renoué avec les excédents en 2013.
Compte tenu de son mode de financement assurantiel, cette évolution doit s’interpréter comme un retour à la normale. Toutefois, la situation reste fragile. Le solde serait ramené de 638 millions d'euros en 2013 à 216 millions d'euros cette année, puis à 195 millions d'euros l’année prochaine.
En outre, le retour à l’équilibre ne doit pas faire oublier l’existence d’une dette importante, qui s’élevait à 1, 8 milliard d’euros à la fin de l’année 2013, sans qu’aucune stratégie de remboursement ait été définie. Peut-être aurez-vous l’occasion, madame la ministre, de nous éclairer sur les conditions dans lesquelles seront apurés ces déficits cumulés ? Elles restent pour l’heure particulièrement floues.
Nous devons bien sûr nous féliciter de la baisse tendancielle du nombre des sinistres. Cependant, comme je l’ai souligné en commission, il faut garder à l’esprit les évolutions contrastées que recouvre cette tendance générale.
Tout d’abord, le nombre d’accidents du travail s’établit à un niveau historiquement bas. Il est d’environ 904 000 pour le régime général en 2013, contre 943 000 en 2012. À l’inverse, les accidents de trajet connaissent une hausse significative, de l’ordre de 7 %, entre 2007 et 2013. Par rapport aux accidents de la route en général, l’existence probable d’une causalité au moins en partie spécifique aux accidents de trajet n’a toutefois pas fait l’objet d’analyses approfondies. Le nombre des maladies professionnelles a crû, quant à lui, de 3, 6 % par an en moyenne entre 2007 et 2013. La fréquence des maladies ayant entraîné un arrêt de travail a doublé depuis 2001.
Au total, la situation du monde du travail au regard des risques professionnels reste préoccupante. La commission des affaires sociales considère que la plus grande vigilance est de mise sur la poursuite des efforts de prévention déjà engagés.
Nous devrons en particulier être attentifs à la mise en œuvre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la branche pour 2014 à 2017. Sa première orientation consiste à assurer une prévention des risques fondée sur le ciblage et l’évaluation. Les actions doivent notamment se concentrer sur trois risques prioritaires : les troubles musculo-squelettiques, les TMS, les risques de chute dans le secteur du BTP et l’exposition à certaines substances cancérogènes. À l’heure où la logique de simple réparation des dommages risque de faire de l’ombre à l’objectif de prévention, qui constitue pourtant la vocation historique de la branche, les perspectives ainsi définies constituent donc un motif de satisfaction.
En ce qui concerne les dépenses de la branche, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur deux points particuliers, relatifs aux charges de transfert, qui appellent davantage de réserves.
Il s’agit tout d’abord du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Madame la ministre, le Gouvernement a fixé le montant de ce versement à 1 milliard d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, soit une hausse de 26, 6 % par rapport au montant retenu ces trois dernières années.
Aussi le montant de cette participation atteint-il aujourd’hui un niveau historiquement haut. Sa progression continuelle, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, ne peut conduire qu’à un certain scepticisme quant à la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration et inciter à la prévention. Il nous paraît indispensable de les relancer et de les accentuer.
En particulier, comme l’a indiqué le président de la commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, une réflexion d’ensemble sur la possibilité de reconstituer les parcours individuels des salariés est nécessaire, notamment pour les intérimaires, qui sont confrontés à toutes sortes de nuisances dont l’énumération a posteriori n’est pas aisée. Le montant de 1 milliard d'euros retenu par le Gouvernement, en hausse de 26, 6 %, pour un plafond fixé par la commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles à 1, 3 milliard d'euros, fait craindre que cette participation ne soit devenue une véritable variable d’ajustement pour l’équilibre de la branche maladie, ce qui serait tout de même difficile à accepter pour ceux qui financent cette branche, c'est-à-dire les employeurs et les entreprises.
Par ailleurs, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, fait face depuis 2013 à une croissance importante de ses dépenses, résultant d’une activité plus soutenue. À l’instar des représentants de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, que nous avons entendus, nous devons bien sûr nous réjouir de cette évolution : les offres d’indemnisation du fonds sont aujourd’hui plus rapides et plus nombreuses.
Après l’effort important consenti par la branche AT-MP du régime général en faveur du FIVA en 2014, la dotation prévue pour 2015 s’élève à 380 millions d’euros, soit une baisse de 12, 6 % par rapport à 2014. La direction de l’établissement a assuré que cette dotation lui paraissait suffisante pour couvrir ses dépenses prévisionnelles, d’autant que sa réserve prudentielle représente un peu plus de deux mois de dépenses.
Nous déplorons cependant – c’est malheureusement devenu une triste habitude – le net désengagement de l’État du financement du FIVA. Après deux années de participation nulle, le niveau de la dotation complémentaire de l’État, fixé à 10 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, reste selon nous bien trop faible.
Je rappelle que la mission commune d’information sénatoriale sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, présidée par l’actuel rapporteur général de la commission des affaires sociales et dont Jean-Pierre Godefroy et moi-même étions les rapporteurs, avait jugé légitime de prévoir un engagement de l’État à hauteur d’un tiers du budget du FIVA, au regard tant de ses missions régaliennes que de son rôle en tant qu’employeur. J’ajoute que la dette du FIVA devrait atteindre 26 millions d’euros à la fin de l’année 2015.
Si la situation budgétaire du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, n’appelle pas de remarques particulières, la question de l’ouverture d’une nouvelle voie d’accès individuelle à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, reste posée. Pour l’heure, le rapport qui devait être remis au Parlement sur cette question en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n’a toujours pas vu le jour. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer ce qu’envisage le Gouvernement au vu des premiers éléments d’analyse dont il dispose ?
Pour finir, je rappelle que, au-delà des dispositions relatives aux dépenses, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 comporte deux articles importants qui concernent directement la branche AT-MP : les articles 16 et 59 introduisent des mesures de simplification et d’équité, en particulier pour les non-salariés agricoles. La commission des affaires sociales y est bien sûr favorable.
Toutefois, nous restons, vous l’aurez compris, très réservés sur les orientations budgétaires définies pour 2015, s’agissant en particulier des dépenses de transfert assumées par la branche AT-MP.