Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 10 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pardonnez-moi, une fois n’est pas coutume, de commencer mon intervention en vous livrant quelques chiffres, mais ils sont édifiants et viendront compléter les propos des précédents orateurs.

Le déficit cumulé de trésorerie de l’ACOSS en 2014 était de 33 milliards d’euros. En outre, le bilan provisoire au cours de cette année fait état d’une évolution de la masse salariale de 1, 6 % alors que les prévisions étaient de 2, 2 %, et des encaissements en recul de 2, 9 milliards d’euros.

Le déficit global de la sécurité sociale en 2014 sera de 15, 4 milliards d’euros, alors que le chiffre annoncé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 était de 10 milliards d’euros. Pour 2015, les prévisions sont de 13, 4 milliards d’euros, avec un retour à l’équilibre en 2019, deux ans après l’échéance de l’actuel mandat présidentiel. Chacun appréciera…

La croissance prévue pour 2014 était de 0, 8 % : elle sera de 0, 4 %. Pour 2015, la croissance annoncée est de 1 %, chiffre jugé largement irréaliste par le Haut Conseil des finances publiques.

L’ONDAM affichera un taux de progression de 2, 1 %, sans véritable réforme de fond – j’y reviendrai – ; par conséquent, ce chiffre sera probablement dépassé.

J’ajoute, et je ne partage pas du tout l’optimisme du Gouvernement, que la généralisation programmée du tiers payant entraînera nécessairement le développement de ce qu’il convient malheureusement de qualifier d’assistanat, avec un effet direct sur les dépenses de la sécurité sociale.

Comme l’a justement souligné M. le rapporteur général dans son propos, que se passera-t-il si les taux d’intérêt, particulièrement bas en ce moment, remontent significativement ? Récemment, cela n’a échappé à personne, la Réserve fédérale américaine, la FED, a décidé de stopper ses perfusions financières dans l’économie des États-Unis, tout simplement parce que la croissance est revenue – elle est de 3 % ! Dans ces conditions, on peut prévoir une augmentation des taux américains au cours du premier semestre de 2015, ce qui, mécaniquement, conduira probablement à une remontée des taux européens. Je crains alors que notre système n’explose !

Notons-le au passage, comme l’a indiqué le directeur de l’ACOSS dans son rapport annuel, l’Agence finance son déficit à un taux extrêmement bas de 0, 1 %, alors qu’en 2008, au plus fort de la crise, elle empruntait à 4, 50 %, ce qui engendrait 800 millions d’euros d’intérêts annuels. La charge annuelle n’est donc plus que de 25 millions d’euros.

Ces chiffres devraient nous permettre de relativiser ce que nous entendons depuis quelques années sur l’héritage : l’année 2008 a été exceptionnelle, car elle a marqué le début de la crise économique mondiale qui a laissé des traces. La plupart des pays européens se sont redressés, mais pas le nôtre.

Je tiens également à signaler que les dépenses publiques de notre pays représentent actuellement 57 % du PIB, classant la France au deuxième rang des pays industrialisés en Europe, le premier étant, me semble-t-il, la Finlande.

Si ce scénario catastrophe devait se produire, malheureusement, M. Daudigny y a fait référence tout à l’heure, je ne vois pas comment nous pourrions échapper à un nouveau transfert de la dette sociale vers la CADES, avec les problèmes que cela poserait. Espérons que les taux demeurent bas, mais j’avoue ne pas trop y croire…

Devant un tel constat pour le moins inquiétant, le Gouvernement fait des efforts dans la bonne direction, mais sans réelle vision d’avenir.

Nous n’avons trouvé aucune mesure volontariste, aucune réforme structurelle dans ce projet, mais uniquement ce que je qualifierai d’« ajustement », un peu comme un boutiquier, un petit commerçant en fin de carrière – pardonnez-moi cette comparaison un peu prosaïque – cherchant à vendre son fonds de commerce, procédant à du colmatage et vivant d’expédients jusqu’à son départ, en laissant le soin à son successeur d’effectuer les réformes de fond !

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