Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 10 novembre 2014 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 dans un contexte économique contraint, avec une crise qui perdure et, s’agissant de notre protection sociale, des résultats de recettes qui se situent en deçà des prévisions affichées, en dépit d’un effort de maîtrise des dépenses.

Ce constat a été largement commenté par nombre d’intervenants précédents, et j’adhère particulièrement aux propos de notre collègue Yves Daudigny, votre prédécesseur, monsieur le rapporteur général.

Madame la ministre, dans cet environnement économique difficile, vous faites le choix clair de mesures devant garantir l’égalité d’accès aux soins de nos concitoyens.

Vous vous refusez à recourir aux déremboursements et à de nouvelles franchises : nous adhérons totalement à ces orientations. Dans le même temps, vous faites le choix de supprimer les franchises pour les personnes éligibles à la complémentaire santé, dispositif complémentaire de votre décision d’étendre le champ du tiers payant pour cette même catégorie de nos concitoyens. Nous ne pouvons que souscrire à ces dispositions, qui signent une politique « juste », telle que vous l’avez définie dans votre propos liminaire. Nous souhaitons connaître les dispositions techniques qui en permettront une application simple et, dès lors, efficace et convaincante.

Dans l’attente de la loi de santé publique – j’ai écouté avec intérêt les propositions du président de la commission, qui susciteront à n’en pas douter des débats passionnants et passionnés –, vous faites, madame la ministre, des choix qui irriguent progressivement, mais avec détermination, l’organisation de notre protection sociale et de notre système de santé.

Ainsi, vous prônez, pour les établissements de santé, plusieurs mesures inspirées des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, sur l’initiative de nos collègues Alain Milon et Jacky Le Menn.

Je pense notamment à la possibilité pour nos hôpitaux locaux d’être définis comme hôpitaux de proximité, avec la reconnaissance d’exercice de la médecine et, sur le plan financier, le bénéfice de mesures dérogatoires à la tarification à l’activité.

Vous soutenez les contrats d’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins grâce à un financement spécifique de valorisation pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique.

Afin de développer la chirurgie ambulatoire dans des conditions optimales, en accompagnant des patients dont l’état ne nécessite plus une hospitalisation classique, mais requiert un suivi de soins, vous expérimentez des hôtels hospitaliers. Il s'agit d’une proposition intéressante, qui ne doit pas être confondue avec le développement des maisons d’accueil hospitalières, qui accompagnent aussi les patients et leurs aidants à leur sortie d’hospitalisation.

Ces maisons d’accueil hospitalières sont à but non lucratif. Au regard des services qu’elles rendent, elles ne doivent pas être mises en danger, même si elles doivent répondre, bien évidemment, aux exigences de sécurité et de qualité prescrites par le ministère des affaires sociales et de la santé.

Je me félicite de ces dispositions concernant les établissements de santé. Aussi, sans vouloir faire preuve de corporatisme hospitalier excessif, je veux répondre à ceux qui dénoncent le coût excessif de fonctionnement de nos hôpitaux, qui sont certainement les structures ayant connu le nombre le plus important de réformes au cours de ces trente dernières années, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur le président de la commission. Et si je soutiens de nécessaires réformes, je veux souligner combien nos hôpitaux sont importants dans le contexte difficile d’organisation de notre système de santé.

Nous devons être fiers de ces établissements, qui servent trop souvent de recours ultime et permanent, et qui subissent les conséquences d’une démographie médicale inadaptée, aujourd’hui dans son implantation, demain sans doute dans son volume d’offre.

Les difficultés de fonctionnement des urgences, en particulier leur surcharge d’activité, due souvent à un recours inapproprié à leurs services, sont la loupe des difficultés d’organisation de notre système de santé, notamment en matière de permanence des soins.

De simples mesures concernant leur organisation sont insuffisantes. Et après les propositions en matière de stratégie de santé, nous sommes dans l’attente de l’examen du projet de loi de santé publique, dont nous nous réjouissons, madame la ministre.

À propos de la démographie médicale, que je viens d’évoquer, je veux souligner l’intérêt du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, après celui de praticien territorial de médecine, dont le bilan est positif.

Il est proposé d’étendre le dispositif à l’ensemble des médecins généralistes ou spécialistes, contre une modération de leurs dépassements d’honoraires. Sont également associées à cette proposition des mesures concernant la médecine ambulatoire en montagne.

Contrairement à l’appréciation de M. le rapporteur général, ce sont non pas des mesurettes, mais des propositions fortes, avancées en concertation avec les professionnels de santé. Elles apportent des réponses structurées au difficile sujet de la démographie médicale et permettent de sortir du débat binaire « incitation versus concertation ».

Dans le domaine du médicament, le PLFSS pour 2015 prévoit des mesures complémentaires concernant la prescription de génériques que nous nous devons d’accompagner.

Au regard des réticences qui existent encore concernant ces prescriptions, il me semble souhaitable qu’un rapport, parlementaire ou non, puisse objectiver les atouts des génériques et dresser la liste des améliorations possibles, en particulier au sujet de leur fabrication en France.

L’arrivée de nouveaux médicaments très efficaces, mais très coûteux, dans le traitement de l’hépatite C nous oblige à réfléchir à des mesures de régulation des prix et au problème de l’autorisation temporaire d’utilisation. Le PLFSS prévoit un dispositif de régulation des prix que notre groupe politique soutient. M. le rapporteur général nous proposera un amendement sur ce sujet, ce qui sera l’occasion de débats intéressants.

Toujours dans le domaine des médicaments, madame la ministre, vous proposez une mesure de sensibilisation à la prescription de produits de la « liste en sus », c'est-à-dire à la prescription de médicaments innovants prescrits à l’hôpital pour un usage ambulatoire dans le cadre de pathologies lourdes.

Cette mesure se fonde sur le constat que la prescription de ces spécialités donne lieu à des pratiques très hétérogènes. Par ailleurs, ces spécialités sont parfois prescrites en dehors de leur indication de mise sur le marché.

Dès lors, la mesure proposée consiste à valoriser financièrement la rationalisation de la prescription dans la « liste en sus ». J’adhère bien évidemment à cette proposition, et ne pense pas la remettre en cause quand, avec mon groupe politique, je souhaite qu’elle se décline sur un mode expérimental, assorti d’une évaluation.

En effet, nous sommes dans un domaine de prescriptions où il faut nécessairement prendre en compte l’innovation : je pense notamment aux thérapies géniques ou à la personnalisation de plus en plus fréquente des traitements. Aussi, il me semble important d’évaluer cette mesure.

Le dernier point que je souhaite évoquer est lié à l’article 51, qui vise la prescription et la tarification des plasmas thérapeutiques. C’est une question technique, mais fondamentale.

Nous connaissons tous le contexte législatif et la nécessité de nous mettre en conformité avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État. Actuellement, dans la législation française, l’ensemble des plasmas transfusionnels, quels que soient leurs types, sont classés en tant que produits sanguins labiles, et non en tant que médicaments du sang. Or, désormais, ces plasmas sont des médicaments. Et cette nouvelle définition change tout !

L’article 51, en l’état, acte qu’une partie des plasmas actuels devienne des médicaments, avec obligation d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, ou AMM. Ils seront dès lors soumis à la concurrence du marché des médicaments, avec des incidences majeures.

D’une part, l’établissement français du sang verra son activité subir une perte importante dans l’attente de l’obtention de cette AMM, quand il faudra aussi avoir recours à des plasmas médicaments non présents sur le marché français.

D’autre part, cela pose un problème éthique, quand la très grande majorité des pays européens rémunèrent le don du sang, contrairement à la France, où le don est bénévole.

Aussi, madame la ministre, nous souhaitons que vous puissiez nous éclairer sur ces différents points. Nous souhaitons en particulier connaître les mesures qui permettront de pallier la baisse d’activité de l’établissement français du sang et, en conséquence, de ses revenus. Nous souhaitons aussi connaître les démarches que vous avez entreprises au niveau européen pour que la valeur de « don éthique » soit une valeur partagée.

En conclusion, madame la ministre, je souhaite que l’examen de ce PLFSS donne lieu à un débat constructif – je suis d’ailleurs certaine qu’il en sera ainsi –, pour le bien de nos concitoyens.

Au-delà des questions que je vous ai posées, je vous exprime très simplement mon soutien le plus sincère pour ce PLFSS pour 2015.

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