Intervention de Philippe Dallier

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 12 novembre 2014 : 1ère réunion
Présentation du rapport de mm. philippe dallier charles guené et jacques mézard sur « l'évolution des finances locales à l'horizon 2017 » et présentation de la méthodologie utilisée par le cabinet michel klopfer finances locales consultants

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur :

La dernière partie du rapport pourrait s'intituler « Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? » puisqu'il est effectivement démontré que, même au fil de l'eau, un certain nombre de collectivités territoriales se seraient retrouvées en difficulté. Mais, avec la baisse programmée de la DGF, la très grande majorité d'entre elles vont être confrontées à des difficultés. Puisqu'à la différence de l'Etat, nous devons équilibrer la section de fonctionnement, nous allons bien devoir réagir. La question est de savoir comment.

Pour revenir sur les propos de Charles Guené, il est vrai que l'on assiste régulièrement à un débat entre baisse de la DGF et augmentation de la péréquation. Dans cette discussion, l'Etat nous fait valoir que la baisse de la DGF sera compensée pour les communes les plus en difficulté par les mécanismes de péréquation que nous connaissons. Or, je voudrais juste attirer votre attention sur un point : certes, il n'y a pas de mécanisme de péréquation inversée sur la baisse de la DGF, mais on a tout de même proportionné celle-ci aux recettes réelles de fonctionnement des collectivités. Or il est bien évident que lorsque ces communes, par exemple celles de plus de 10 000 habitants, rendent des services payants à la population, elles augmentent ainsi leurs recettes alors même qu'elles se contentent de combler un déficit de fonctionnement. Malgré tout, plus vous avez de recettes de ce type, plus vous êtes impactés en proportion par la baisse de la DGF ! Il n'est pas donc tout à fait exact de dire qu'il n'y a pas de mécanisme de péréquation à la baisse. Quant aux dotations de péréquation elles-mêmes, force est de constater que l'on a fini par empiler des mécanismes pour aboutir à un ensemble complètement illisible, voire contradictoire. Je rappelle à l'envi qu'une commune comme la mienne peut percevoir de la DSU, être contributrice au FPIC et être neutre au fonds de solidarité de la région Ile-de-France. Au bout du compte, vous pouvez être prélevé pour quatre fois du montant que vous percevez en DSU ! Tout cela devra être réformé en même temps que la DGF, ce que l'on n'a jamais eu le courage politique de faire dans le passé. On a toujours créé une couche supplémentaire, pour soi-disant corriger les défauts de toutes les précédentes mais, au bout du compte, je crois que personne ne peut plus dire que le système est satisfaisant.

S'agissant de la troisième partie de notre rapport, un constat sur la situation des collectivités devrait, à mes yeux, faire l'objet d'un débat dépassionné dépassant le classique clivage droite-gauche. Mais force est de constater que lorsque le Gouvernement nous dit que les collectivités territoriales absorberont la baisse de la DGF en limitant l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement au niveau de l'inflation, ce n'est pas exact.

Pour faire notre démonstration, nous avons repris les prévisions d'inflation du Gouvernement inscrites dans le projet de programmation des finances publiques. Sur cette base, on constate effectivement qu'en ramenant la progression des dépenses de fonctionnement au niveau de l'inflation, ça ne passe pas.

Quand bien même cet objectif serait atteint, la situation des collectivités territoriales en 2018 serait moins bonne qu'aujourd'hui, essentiellement à cause de l'effet ciseau déjà évoqué. De toute façon, l'objectif d'un retour au rythme de l'inflation nous semble difficilement réalisable, dans la mesure où la plus grande partie des dépenses de fonctionnement concerne le personnel et que les mesures prises sur ce type de postes budgétaires ne peuvent avoir des effets immédiats. Que va-t-il se passer ? Comme nous sommes en début de mandat municipal, les élus pourront certainement corriger le tir en matière d'investissement. Tant pis pour ceux qui auront fait des promesses électorales trop larges ! Rappelons en effet qu'une dégradation de la section de fonctionnement d'un euro aboutit, du fait de l'effet de levier, à une baisse de l'investissement de 10 euros.

Dans l'une des simulations qui va vous être présentée, nous avons retenu l'hypothèse d'une réduction de l'investissement des collectivités de 30 %. Il en ressort que même avec cette baisse de 30 % complétée par un retour des dépenses de fonctionnement à l'inflation, on reviendrait à peine à la situation d'aujourd'hui.

Certes, il existe certainement des collectivités qui pourront s'endetter pour essayer de passer cette période difficile, mais elles seront sans doute peu nombreuses sans compter qu'un recours à l'emprunt serait assez antinomique avec l'objectif global de réduction de la dette publique. Nous pouvons donc en conclure, qu'outre la réduction de l'investissement, les collectivités territoriales vont devoir utiliser le levier fiscal dans des proportions plus ou moins importantes.

Telles sont nos principales conclusions, qui de surcroît s'inscrivent dans un environnement très incertain au plan législatif : la loi MAPAM (loi de modernisation de l'action publique et d'affectation des métropoles) a été adoptée et va être modifiée, tandis que la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) arrive en discussion. Tout cela ne va certainement pas aider les élus à prendre des décisions et peut-être les inciter à différer encore davantage leurs investissements, ce qui ne fera qu'accroître à mon avis le marasme économique. Telles sont donc les trois grandes conclusions de ce rapport, qui se poursuivra notamment par une étude sur le terrain ; nous irons demander aux élus comment ils envisagent concrètement de passer cette période difficile.

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