Intervention de Céline Bacharan

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 12 novembre 2014 : 1ère réunion
Présentation du rapport de mm. philippe dallier charles guené et jacques mézard sur « l'évolution des finances locales à l'horizon 2017 » et présentation de la méthodologie utilisée par le cabinet michel klopfer finances locales consultants

Céline Bacharan, consultante au cabinet Michel Klopfer :

En ce qui concerne les ressources, nous avons travaillé avec les comptes de gestion de 2013, c'est-à-dire les comptes des collectivités territoriales de 2013 et les budgets principaux. C'est un point important, car les budgets des collectivités territoriales recouvrent à la fois les budgets principaux, le financement des syndicats non dotés de fiscalité propre, et enfin les budgets annexes. Nous avons raisonné sur les seuls budgets impactés par la contribution « redressement ».

Nous avons tout d'abord étudié l'épargne brute des collectivités territoriales, qui est la différence entre les recettes réelles et les dépenses réelles de fonctionnement. Cette épargne brute constitue le nerf de la guerre. C'est elle qui permet de payer l'annuité en capital de la dette et d'investir. Le deuxième ratio examiné est la capacité de désendettement, c'est-à-dire l'analyse de la solvabilité et de la capacité de n'importe quel organisme, qu'il soit privé ou public, à rembourser sa dette. On la mesure en années en rapportant l'encours de la dette à l'épargne brute. Le solde d'insolvabilité se situe à 15 ans, ce qui est la durée de vie moyenne des investissements des collectivités et donc des emprunts souscrits pour les financer.

En ce qui concerne les résultats, nous nous sommes particulièrement intéressés à mesurer la proportion des collectivités qui sont dans une situation très dégradée. Il s'agit des collectivités dont l'épargne brute atteint un seuil égal ou inférieur à 7 % des recettes. Ce seuil de 7 % n'est en aucun cas un objectif de politique financière. En effet, si la collectivité se fixe comme objectif d'être à un seuil de 7 % à échéance de 5 ans, elle est alors incapable d'absorber le moindre aléa. C'est pourquoi nous recommandons de viser plutôt un taux de 10 %. Nous avons étudié la proportion des collectivités qui seraient dans une situation très dégradée, c'est-à-dire dont l'épargne brute ne représenteraient que 7 % des recettes, et qui seraient à plus de 15 ans de capacité de désendettement. Bien évidemment, les collectivités commenceront à réagir avant ces seuils, sinon les dégradations seront vertigineuses.

En ce qui concerne l'équilibre de la section de fonctionnement, l'épargne brute doit permettre de couvrir les amortissements des immobilisations. Dans le cas contraire, la collectivité est en déficit de fonctionnement. Par ailleurs, l'épargne brute majorée de ressources propres d'investissement, et notamment du fonds de compensation TVA, doit permettre le remboursement des annuités en capital de la dette. Les collectivités qui ne respectent pas ces deux conditions sont en situation de double déficit. Leurs budgets peuvent alors être déférés par le préfet à la chambre régionale des comptes, qui va proposer des mesures de redressement pour que le budget soit équilibré.

Nous avons reconstitué les comptes de 2013 des 38 222 collectivités territoriales et nous les avons répartis par catégorie pour obtenir des résultats lisibles : les communes de plus de 50 000 habitants, les communes de 10 000 à 50 000 habitants, les communes de 2 000 à 10 000 habitants, les communes de 500 à 2 000 habitants, les communes de moins de 500 habitants, les départements et les régions. Pour les communes, on note un très fort émiettement, car l'essentiel de la population est concentré dans les deux premières catégories de communes tandis que le nombre de collectivités territoriales est important dans les deux dernières. Nous avons également étudié les groupements à fiscalité propre en les regroupant en deux catégories : les groupements de moins de 50 000 habitants et les groupements de plus de 50 000 habitants.

Nous avons ensuite appliqué à ces 38 200 collectivités des hypothèses de prospective. Nous avons tout d'abord envisagé une hypothèse « au fil de l'eau ». Pour cela, nous avons appliqué les mêmes hypothèses d'évolution des recettes à toutes les collectivités, avec la même évolution des produits de fiscalité directe, à savoir l'inflation majorée de 1,5 %. Cette hypothèse de travail permet de faire apparaître la structure de recettes de chaque collectivité. Une collectivité dont le poids des dotations reçues est très important dans ses ressources aura une progression de celles-ci qui évoluera moins vite qu'une collectivité dont les ressources sont principalement constituées par de la fiscalité directe. Toutefois, cette méthode applique un traitement uniforme à l'ensemble des collectivités, et nous sommes bien conscients qu'il existe une forte diversité. Certains territoires se développent et accueillent des bases fiscales de manière plus accélérée que dans la moyenne obtenu par cette méthode. D'autres, au contraire, sont loin d'atteindre les résultats obtenus par nos hypothèses de travail.

Par ailleurs, nous avons travaillé sur un scénario sans recours au levier fiscal. Or, lorsque l'on regarde les comptes des collectivités territoriales par le passé, on observe qu'elles ont toujours maintenu des ratios de solvabilité acceptables, y compris depuis que l'augmentation des dotations de l'État a ralenti grâce à un recours au levier fiscal.

En ce qui concerne les dépenses de gestion, nous sommes partis de l'hypothèse qu'il n'y aurait pas d'efforts particuliers d'économie, ce qui représente une progression de ces dépenses à hauteur de l'inflation majorée de 1 %. Là aussi, certaines collectivités connaissent une évolution des dépenses de gestion plus rapide et d'autres plus lente.

À ce « fil de l'eau », nous avons ensuite appliqué la minoration des dotations. Ce scénario intègre en effet déjà 3 milliards de baisse de dotations de l'État prenant en compte ce qui a déjà été décidé au printemps 2014 : 1,5 milliard d'euros de moins en 2014 et 1,5 milliard de moins pour 2015. Or, entre le scénario au « fil de l'eau » et le scénario prévisionnel, on passe d'une ponction de 3 milliards à 12,5 milliards d'euros.

Une fois ces hypothèses établies, nous leur avons appliqué des mesures correctives. Ainsi, les dépenses de gestion ont été ramenées au niveau de l'inflation, et les investissements ont été réduits. Vous trouverez en annexe du rapport nos principales hypothèses et les conséquences pour les catégories de collectivités. Nous avons travaillé de façon simple, en reconstituant les prélèvements pour l'année 2013, et nous leur avons appliqué proportionnellement la hausse de ce prélèvement sur chacune des catégories de collectivités.

S'agissant des principales hypothèses de recettes, nous avons supposé que les bases des produits de fiscalité directe évoluaient de 1,5 % par an pour ce qui est des bases physiques, avec un coefficient forfaitaire calé sur l'inflation de l'année précédente. Nous avons considéré que la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) augmentait au même rythme que le PIB. Les dotations d'État sont, en revanche, considérées comme figées, à deux exceptions près : nous avons intégré une baisse de la dotation forfaitaire pour les communes un peu plus riches que les autres et nous avons majoré de 10 % la DSU de toutes les communes éligibles à la DSU cible. Dans nos hypothèses, les mécanismes de péréquation horizontale du bloc communal augmentent dans les mêmes proportions que l'enveloppe nationale.

Nous n'avons en revanche pas opéré le même ajustement en ce qui concerne les départements. La taxe intérieure sur les produits pétroliers reste figée tandis que nous avons intégré 1,8 milliard de recettes nouvelles au titre des nouveaux fonds dont ceux-ci ont disposé à partir de 2014 pour financer les allocations individuelles de solidarité.

Pour conclure, je voudrais indiquer que ces simples hypothèses confirment l'existence d'un effet de ciseau. La moyenne de progression des recettes est inférieure à celle de l'inflation moyenne. On constate bien chaque année un différentiel de croissance entre recettes et dépenses de fonctionnement. Lorsque l'on prend ensuite en compte la contribution de 12,5 milliards au redressement des finances publiques, ce différentiel est très fortement démultiplié. Au final, si en 2016-2017 les dépenses de fonctionnement continuent d'évoluer comme par le passé, l'épargne brute disparaîtra.

En ce qui concerne les investissements, nous sommes partis du chiffre de 55 milliards de dépenses en 2013. Nous avons diminué les montants correspondants de 15 % pour le bloc communal parce que 2013 est une année de pic. Mais nous avons maintenu la dépense 2013 des départements et des régions, qui sont sur une pente descendante depuis quelques exercices. Par ailleurs, nous avons supposé que la trésorerie de 31 milliards des collectivités territoriales serait utilisée avant le recours à l'emprunt.

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