Je vous remercie de votre invitation. C'est toujours avec bonheur que je reviens au Sénat, où j'ai eu naguère l'honneur de travailler. J'ai toujours plaidé, lorsque j'étais député, en faveur d'un Parlement fort, et le même souci continue de m'animer depuis que je suis au Gouvernement.
Après avoir fait le point sur l'état des négociations commerciales internationales, je m'attacherai à vous résumer la situation de notre commerce extérieur et les priorités du Gouvernement en la matière, sans oublier d'évoquer le tourisme. Enfin, même si j'ai conscience que le troisième volet de mon portefeuille, qui concerne les Français de l'étranger, n'est pas au coeur de notre rencontre d'aujourd'hui, je suis tout prêt à répondre à vos questions sur ce point, sachant combien leur rôle est important, y compris pour notre commerce extérieur.
Alors que les négociations commerciales internationales menées dans un cadre multilatéral, en particulier sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), s'essoufflent, un transfert s'est opéré, ces dernières années, vers un cadre bilatéral de négociations, conduites, pour ce qui nous concerne, par l'Union européenne, et qui viennent se juxtaposer les unes aux autres.
S'agissant, en premier lieu, de l'accord entre l'Union européenne et le Canada, la fin des négociations a été officiellement proclamée lors du dernier sommet, et nous entrons dans une phase de toilettage juridique et de traduction de l'accord dans toutes les langues de l'Union européenne, à la suite de quoi viendra le temps de la ratification, selon les procédures spécifiques à chaque État membre.
Quelle est l'appréciation de la France sur le résultat des négociations ? En mettant de côté la question du mécanisme de l'arbitrage, nous estimons que sur le fond, il s'agit d'un bon accord, qui fait significativement progresser nos intérêts offensifs. Je pense à l'ouverture des marchés publics canadiens, à tous les niveaux - national, provincial, local -, qui profitera aux quelques 10 000 entreprises françaises qui exportent vers ce pays, parmi lesquelles 80 % de PME. Le deuxième motif de satisfaction concerne la protection de nos indications géographiques. Je sais que vous y êtes très attentifs, parce que nos produits de terroir sont concernés. Ce ne sont pas moins de 42 indications géographiques qui, au-delà de celles sur les vins et spiritueux déjà reconnues en 2004, sont entrées dans le champ de l'accord.
Reste la question complexe du mécanisme d'arbitrage entre les investisseurs et les États. Vous connaissez les principaux termes du débat : il porte sur le caractère de ces juridictions, sur le respect des principes fondamentaux tels que l'indépendance et l'impartialité de la justice, ainsi que sur le droit des États à édicter des normes, à les faire appliquer, et à faire respecter les choix collectifs qui sont les siens. La France a émis des réserves sur le mécanisme envisagé et une consultation européenne est en cours : elle a donné lieu à 150 000 contributions, dont 10 000 émanant de notre pays.
Enfin, selon notre analyse, partagée par l'ensemble des États membres, il s'agit d'un accord mixte, qui suppose à la fois une ratification européenne et nationale. Ce sont donc les parlements nationaux qui auront le dernier mot.
En ce qui concerne, en second lieu, l'accord en cours de négociation avec les États-Unis, l'année 2014 - marquée par la fin de mandat de la Commission européenne et les élections de mi-mandat aux États-Unis - n'aura pas permis d'avancée significative, même si les rencontres se sont poursuivies. La France se réjouit de la transparence enfin obtenue sur le mandat de négociation, et sa publication, en octobre, doit beaucoup à l'action successive de Nicole Bricq et de Fleur Pellerin, que j'ai à mon tour relayée. J'estime que les citoyens ont le droit d'être informés et suis donc très attaché à la transparence sur ces négociations commerciales. C'est là un sujet neuf, sur lequel tout reste à construire, et c'est pourquoi nous nous attelons à élaborer un agenda de la transparence. Vous faites partie, monsieur le Président, du Comité de suivi stratégique, qui s'est réuni il y a quelques semaines. Ce comité, auquel participent à la fois les parlementaires et, ainsi que je l'ai souhaité, des représentants de la société civile, doit être un lieu de débat où tous les sujets sont mis sur la table.
Je précise que là encore - et c'est là encore une analyse convergente des États membres - nous sommes en présence d'un accord mixte, ce qui signifie que les parlementaires auront le dernier mot, une fois qu'il aura été finalisé - et nous en sommes encore loin, l'horizon se situant, à mon sens, au-delà de l'année 2015.
J'en viens aux difficultés que connaît, depuis une décennie, notre commerce extérieur et aux priorités qu'elles appellent. Nous soulignons la nécessité d'une approche extrêmement volontariste, et en tout premier lieu dans l'ordre des politiques économiques internes. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé un grand chantier de réformes structurelles en faveur de la compétitivité et de l'attractivité de notre pays. C'est la condition absolue pour améliorer les performances de notre commerce extérieur. Voyez l'Allemagne : si elle est performante à l'export, c'est avant tout parce que son tissu économique est robuste, innovant, et pugnace dans la conquête de nouveaux marchés.
Viennent ensuite les actions qui relèvent spécifiquement du secrétariat d'État au Commerce extérieur, désormais placé auprès du ministre des Affaires étrangères et du développement international. Notre premier objectif est de rationnaliser un dispositif devenu peu lisible, en particulier pour nos PME, parce que trop d'acteurs interviennent. Nous finalisons la réforme d'UbiFrance et de l'Agence française des investissements internationaux (AFII), engagée par mes prédécesseurs. La fusion des deux entités en une nouvelle agence, dont le nouveau nom sera bientôt choisi, sera effective au 1er janvier 2015. Cette fusion doit nous faire gagner en efficience. J'ajoute que d'autres opérateurs ont vocation à rejoindre le dispositif. Je pense à la Sopexa, dont j'ai récemment rencontré les responsables. Une mission de l'Inspection générale des finances est en cours pour rechercher les voies et moyens de la simplification dans les domaines agricole et agro-alimentaire. D'autres acteurs pourraient également s'associer au dispositif. Je pense aux chambres de commerce et d'industrie, dont je rencontre régulièrement les responsables. Il s'agit, en somme, d'aider nos petites et moyennes entreprises à se consacrer pleinement à leurs projets au lieu de perdre leur temps à rechercher le bon interlocuteur.
J'ajoute que les régions, pilotes en matière de développement économique, ont, dans ce dispositif, un rôle fondamental à jouer au bénéfice de notre politique à l'export. Coordonner les intervenants, voilà ce qui importe. Je pense aussi aux conseillers au commerce extérieur de la France, très impliqués sur le terrain, et également au volontariat international en entreprise (VIE). Il s'agit d'un dispositif très innovant, et qui fonctionne bien - plus de 50 000 jeunes sont passés par là, et leurs taux d'insertion dans l'emploi à la sortie font rêver...
Deuxième axe de notre action : faire de nos PME une priorité. Nous souffrons, en ce domaine, d'une faiblesse structurelle. La France compte deux fois moins de PME exportatrices que l'Italie, quatre fois moins que l'Allemagne, et nos PME peinent à exporter dans la durée. J'ajoute que notre dispositif à l'export est extrêmement concentré : 1% des exportateurs réalisent 70 % des exportations. Il faut agir, et c'est là un constat que l'on peut me semble-t-il partager, quelles que soient nos sensibilités politiques. La force de l'Allemagne vient de son fameux Mittelstand, de ses PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) exportatrices, innovantes, conquérantes sur tous les marchés, et en particulier en Asie. Je me suis rendu en Chine il y a quelques semaines, aux côtés du président Raffarin, qui a monté un forum PME à Chengdu. Nous y conduisions une délégation de quelque 350 PME, qui ont pu prendre plus de 5 000 contacts directs avec des entreprises chinoises. De telles initiatives, qui aident nos entreprises à s'ouvrir des portes, méritent d'être encouragées. N'oublions pas que nos PME créent des emplois non délocalisables. Pour qu'elles puissent le faire partout en France, il faut qu'elles conquièrent de nouveaux marchés. Ce n'est pas simple, mais j'ai la conviction qu'en s'appuyant sur l'ensemble des acteurs, sur les régions, sur les opérateurs à l'export, on peut bâtir des dispositifs robustes, concrets, simples, et qui fonctionnent dans la durée.
Il faudra adapter notre outil diplomatique à ces priorités. Laurent Fabius prend très à coeur cet enjeu de la diplomatie économique. La réunification de l'action économique extérieure de la France autour du ministère des affaires étrangères et de nos ambassadeurs suppose des redéploiements et une adaptation de notre réseau diplomatique aux priorités stratégiques, sectorielles, géographiques de la France, afin que notre réseau - le deuxième au monde - suive les évolutions et de nos communautés françaises à l'étranger, et des intérêts stratégiques de notre pays. C'est là une action d'intérêt général, que pilote Laurent Fabius, et qui suppose une réorganisation administrative et budgétaire, déjà engagée, afin que la présentation du budget soit en cohérence avec la manière nouvelle dont s'organise l'action de l'État.
J'en arrive au tourisme qui constitue une priorité fondamentale pour ce Gouvernement. Les recettes du tourisme mondial l'an dernier, d'après les chiffres de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), ont été de 873 milliards d'euros, en progression de 5 % par rapport à 2012. Alors que l'on recensait un milliard de touristes en 2012, ce flux devrait presque doubler d'ici à vingt ans. La France a accueilli l'an dernier, 84,7 millions de touristes, soit une augmentation de 2 % par rapport à 2012. C'est dire combien ce secteur économique est important pour notre pays. Plus de 2 millions d'emplois y sont directement ou indirectement liés. Le tourisme représente 7 % dans notre PIB et contribue de façon significative à notre balance commerciale, devant l'agro-alimentaire, les vins et spiritueux, les industries pharmaceutique et cosmétique.
Au cours des Assises du tourisme, qui se sont tenues le 19 juin dernier, des priorités ont été définies, avec l'ensemble des acteurs, autour de cinq axes, déclinés en 30 mesures. Il s'agit, tout d'abord, de hiérarchiser notre démarche de promotion internationale autour de quelques marques fortes, visibles, regroupées autour de cinq pôles d'excellence. Nous avons, avec Laurent Fabius, inauguré le premier de ces pôles il y a quelques jours, au Mont-Saint-Michel, autour des « savoir-faire », l'idée étant de réunir autour d'une même table les acteurs traditionnels du tourisme qui opèrent sur ce site extraordinaire et des entreprises qui veulent faire connaître des métiers, en organisant des visites de leur site - en l'occurrence Saint-James, fabricant de pulls marins, dont le PDG, M. Lesénécal, a été nommé fédérateur du pôle d'excellence, afin de diffuser ailleurs ces bonnes pratiques. La France recèle des savoir-faire extraordinaires, qu'il convient de valoriser.
Nous voulons également stimuler la politique d'hospitalité en travaillant sur les maillons du parcours touristique, pour supprimer tout ce qui peut ternir, dans l'accueil ou la qualité du service, l'expérience des voyageurs. Il nous faut aussi être davantage présents sur la scène numérique, et bâtir des sites internet unifiés, des applications accessibles depuis des téléphones mobiles, afin que la marque France soit lisible depuis l'étranger.
Enfin, le Gouvernement souhaite développer le tourisme au bénéfice des Français et ouvrir l'accès aux vacances au plus grand nombre, et nous appuyons, à cette fin, l'action que mène Carole Delga.
Le ministre est très impliqué sur ce vaste dossier. Il reste beaucoup à faire pour que notre pays s'insère mieux dans les flux touristiques mondiaux. Nous devons travailler sur des sujets très concrets, comme les dessertes aériennes, car bien des pays dont proviennent de nombreux touristes, comme la Chine, sont mal reliés à la France.
Il va de soi, enfin, que les Français de l'étranger ont un rôle déterminant à jouer, tant pour notre commerce extérieur qu'au bénéfice du tourisme. Formant une communauté de 2,5 millions de personnes, bien insérée dans la vie économique, sociale, éducative de leur pays de résidence, ils sont nos premiers ambassadeurs.