Je suis à votre entière disposition pour évoquer l'aménagement numérique de nos territoires, mais ce sujet, que j'ai évoqué lors de la précédente audition devant vos collègues de la commission du développement durable, ne me semblait effectivement pas devoir être abordée avec vous ...
Quoiqu'il en soit, le plan France très haut débit est aujourd'hui inégalé en Europe. Il mobilise 20 milliards d'euros de financement, dont 3,4 à la charge de l'État - 1,5 milliard étant sanctuarisés dans le présent projet de loi de finances, le reste provenant du produit de la redevance des opérateurs télécoms -, autant à celle des collectivités, le reste provenant des opérateurs privés. Dans la plupart des autres pays, les pouvoirs publics n'interviennent pas et laissent la concurrence jouer dans les zones urbaines.
La mise en oeuvre de ce plan va demander du temps, car il faut former les techniciens nécessaires, développer les sites de production de fibre optique, sécuriser le cadre juridique pour les différents acteurs ... Je me réjouis de ce que les projets locaux, soumis par les collectivités, avancent plutôt bien.
Je me tiens à votre disposition pour organiser éventuellement une audition commune avec la commission du développement durable, sur ce thème qui occupe une majeure partie de mon temps. J'ajoute qu'il y aura des inflexions dans le plan France très haut débit pour inciter les opérateurs à investir davantage dans les zones d'initiative publique, voire ouvrir une partie de celles-ci à des investisseurs étrangers, et pour peut-être étendre ce plan à la couverture mobile du territoire, pour favoriser les complémentarités entre les deux types de réseaux.
On ne peut parler d'« effet d'annonce » à propos de la French tech : des décaissements étaient annoncés pour 2014, mais il était prévu que les crédits soient mis en exécution à partir du 1er janvier 2015, et nous sommes dans les délais. La BPI co-investira dans des accélérateurs avec des fonds privés pour aider les start-up.
Le PIA, ce sont 350 millions d'euros, également sous forme de décaissements, planifiés pour 2015. L'année 2014 a servi à finaliser les très nombreuses conventions qui permettent de déployer les actions en ce domaine.
L'Agence du numérique, liée au ministère de l'économie, n'a rien à voir avec le CNN, instance totalement indépendante qui rend des avis sur tous types de sujets. On part en la matière de l'existant. Mais en vue d'une plus grande cohérence administrative et stratégique, nous allons regrouper la mission French tech, la mission très haut débit et la délégation aux usages de l'Internet, qui deviendra la mission aux services et aux usages du numérique. Nous serons ainsi plus réactifs, en lien avec les élus, les collectivités et les entreprises, sans concurrencer les instances déjà existantes.
Le câble permet d'apporter du très haut débit. Mais Numericable, c'est 10 millions de lignes câblées au mieux. L'entreprise a annoncé qu'elle déploierait, en outre, de la fibre, qui constitue bien l'horizon technologique vers lequel il faut tendre. La complémentarité avec les autres technologies est toutefois nécessaire ; ainsi, le plan « écoles connectées », qui permettra de desservir 16 000 établissements, aura recours au satellite.
Les enjeux de transformation de l'économie et de compétitivité sont en effet liés à l'industrie. Les allemands sont très conscients de la nécessité d'une modernisation de leur tissus industriel par le numérique, ce qu'ils appellent « l'industrie 4.0 ». En France, nous avons mis en place à cet effet le PIA et le plan industriel « usines du futur », qui accompagnent les entreprises dans cette transition. Les entreprises et les services publics doivent être raccordés en priorité dans les zones dites AMII (appel à manifestation d'intention d'investissement), et nous veillons à ce que ce soit le cas. Le cahier des charges du plan France très haut débit sera infléchi davantage en ce sens d'ici quelques semaines.
Martial Bourquin, vous avez raison de souligner le paradoxe de Français gros consommateurs de services en ligne, peut-être grâce à l'expérience du Minitel, et d'entreprises qui sont insuffisamment présentes sur Internet. De retour récemment des États-Unis, je me suis toutefois réjouie de l'achat par Netflix de la série française Les revenants, comme quoi cette plateforme peut être source d'opportunités pour nos entreprises, y compris sur le marché américain.
Daniel Dubois, vous avez parlé des opérateurs de téléphonie mobile. Ceux-ci ont déjà réalisé trois milliards d'euros d'investissements et se sont engagés à couvrir 60 % de la population en très haut débit. Ceci dit, je souhaiterais impliquer encore davantage les opérateurs en matière de couverture mobile de nos territoires car c'est un enjeu essentiel pour notre pays. À ce titre, il serait utile de définir une stratégie nationale de la couverture mobile.
En matière de fiscalité, je rappellerai simplement que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) constitue un effort historique qui doit permettre à nos entreprises de retrouver des marges. D'ores et déjà, le coût du travail en France s'est rapproché du coût du travail en Allemagne et nous devrions même présenter un coût du travail inférieur l'an prochain.
Mais la compétitivité n'est pas seulement une question de coût, c'est aussi, voire surtout, la capacité à apporter une plus-value qualitative. Je suis convaincue que si nos entreprises ne proposent pas des technologies innovantes, elles ne gagneront pas de marchés par le dumping social. Or, l'on a tendance à sous-estimer l'effort fait par le Gouvernement pour améliorer la compétitivité des entreprises dans toutes ses composantes : à Londres par exemple, certaines start-up se plaignent de ne pouvoir accéder au très haut débit, ce qui serait impensable à Paris.
Jean-Pierre Bosino, vous avez justement souligné l'importance du rôle des banques. Les entreprises sont aujourd'hui confrontées au double enjeu de l'accès aux financements et aux marchés. En ce qui concerne les sources de financement, la BPI est devenue un acteur incontournable pour les entreprises, au point que l'on peut se demander si les acteurs privés sont assez présents. Alors que le décret sur le financement participatif ou « crowdfunding » est récemment paru, ce mode de financement rencontre un vif succès. Nous travaillons aussi avec le secteur des assurances pour réorienter l'épargne des Français vers le financement de l'économie réelle.
En matière d'accès aux marchés, nous avons déjà largement facilité l'accès à la commande publique en favorisant les achats publics innovants par l'État. Dans le cadre de la seconde phase de la French Tech, notre objectif sera de convaincre les grands groupes d'ouvrir l'accès à la commande privée aux PME. Il s'agit là d'un travail de longue haleine qui ne peut se limiter à une seule action et qui doit permettre l'éclosion de nouveaux acteurs, voire des champions du numérique de demain.