Intervention de Stéphane Le Foll

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Audition de M. Stéphane Le foll ministre de l'agriculture de l'agro-alimentaire et de la forêt

Stéphane Le Foll, ministre :

Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage mobilise 200 millions d'euros au titre du second pilier de la politique agricole commune (PAC) et 56 millions d'euros complémentaires en provenance du budget de l'État. Comme vous le savez, ce sont les régions qui, en tant qu'autorité de gestion, sont désormais chargées de prioriser au niveau local les objectifs poursuivis par le plan en matière de bien-être animal, d'efficacité énergétique des bâtiments ou encore d'amélioration du niveau global des résultats de l'exploitation. Aussi chaque région structure-t-elle différemment son plan après concertation avec la profession agricole et en fonction des spécificités de l'agriculture régionale. Les premiers retours nous remontent du terrain et nous allons désormais pouvoir faire le point.

La ferme dite des « mille vaches », ou plutôt des cinq cent vaches est un projet certes symbolique mais qui n'a jamais été celui du Gouvernement. Je tiens à souligner que dans la réforme de la PAC, pour la première dans l'histoire de la distribution des aides, le principe de transparence des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) est reconnu. La volonté du Gouvernement est de donner une dimension économique collective qui permette d'assurer la compétitivité du groupement mais avec des chefs d'exploitation qui restent des agriculteurs. Je veux garder des agriculteurs et, s'agissant de la ferme dite des « mille vaches », il faut par ailleurs être attentif aux impacts sanitaires et environnementaux de ce type de projets.

De même, et pour revenir brièvement sur la question du barrage de Sivens, il n'est aujourd'hui plus question de réaliser des retenues d'eau pour cultiver du maïs irrigué. La stratégie du ministère de l'agriculture en la matière consiste désormais à autoriser des retenues pour assurer une production fourragère minimale et, partant, le maintien de l'élevage là où les risques de sécheresses de printemps sont les plus importants.

Les chambres d'agriculture sont des établissements publics et doivent participer à l'effort de réduction des dépenses publiques. Nous avons fait le constat que la plupart d'entre elles disposaient d'un fonds de roulement d'un montant supérieur à ce qu'il devait être en application de la règle prudentielle des trois mois. Même si c'est un signe de bonne gestion, ces établissements publics n'ont pas vocation à accumuler des fonds de roulement excessifs et dans cette période de restriction budgétaire, le Gouvernement a donc décidé d'en prélever une partie tout en garantissant le respect de la règle prudentielle.

Dans ce cadre, j'ai veillé à ce que les investissements décidés par les chambres d'agriculture avant le 1er juillet 2014 ne soient pas remis en cause. J'entends les objections de certains d'entre vous mais soyons honnêtes : si nous n'avions pas fixé de date limite, les chambres auraient pu décider de lancer des investissements jusqu'à maintenant pour éviter le prélèvement sur leur fonds de roulement. J'ajoute que les chambres d'agriculture ont été préservées jusqu'ici alors même que d'autres - je pense aux chambres des métiers et aux chambres de commerce et d'industrie - ont été touchées. En outre, le prélèvement qui m'avait été proposé était de 135 millions d'euros et j'ai choisi de le limiter à 90 millions d'euros sur trois ans.

J'ai souhaité que l'effort demandé aux chambres ne contribue pas uniquement au budget général mais qu'il demeure, pour partie, dans le domaine agricole. Ainsi, une part du prélèvement contribuera ainsi à réduire la taxe additionnelle sur le foncier non bâti tandis qu'une autre financera un fonds de péréquation doté de 25 millions d'euros et destiné à assurer la solidarité avec des chambres dont la situation financière est moins favorable. Ce fonds permettra également de renforcer le rôle de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), sa capacité de pilotage et d'organisation de la solidarité entre les chambres. L'effort demandé s'élève à 45 millions d'euros, soit 15 millions d'euros et 5 % par an, ce qui est certes beaucoup mais l'État fait bien plus ! Enfin, la dépense budgétaire n'a pas vocation à alimenter des fonds de roulement d'un montant excessif et tout le monde est d'accord pour faire des économies - à commencer par la majorité sénatoriale qui entend proposer un budget alternatif qui irait au-delà des économies proposées par le Gouvernement.

Le contrat vendanges est une exception liée à cette activité saisonnière et au fait que l'on recourt à une main d'oeuvre majoritairement composée d'étudiants, de chômeurs ou de retraités. Ce contrat n'est pas remis en cause et permet toujours de cumuler certains revenus, dont les retraites. Seule la prise en charge par l'État des exonérations de charges salariales est supprimée alors que, dans le même temps, la viticulture va bénéficier, au titre du CICE, de 60 millions d'euros d'allègements de charges supplémentaire pour atteindre une somme totale de 344 millions d'euros pour 2015. Les charges salariales représentent à peine 8 % de la totalité du coût du travail et le contrat vendanges dans son périmètre antérieur n'empêchait pas le recours aux travailleurs détachés.

Cette suppression est aussi la conséquence du recours déposé devant le Conseil constitutionnel par des députés du groupe UMP, dont certains élus de régions viticoles, qui contestait les exonérations de charges salariales jusqu'à 1,3 SMIC. Le conseil ayant donné raison aux requérants en considérant que ce dispositif créait « une rupture d'égalité entre les assurés d'un même régime qui ne repose pas sur une différence de situation en lien avec l'objet de la contribution sociale », sa décision s'applique également au contrat vendanges qui était fondé sur le même principe. Il reste que les salariés recrutés dans le cadre d'un contrat vendanges bénéficieront, comme les autres salariés, de la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu qui se substitue à ce dispositif d'exonération. On peut d'ailleurs noter que, sur les 17 millions d'euros que représente aujourd'hui l'exonération de cotisations salariales au titre du contrat vendange, certains départements viticoles en bénéficient plus que d'autres : 24 à 28 % par exemple pour la Marne ou 12 % pour la Gironde.

Sur le volet sanitaire du projet de loi de finances, notre priorité est de créer soixante postes pour renforcer le contrôle dans les abattoirs. La Cour des Comptes, mais aussi les autorités européennes réclament ce renforcement. C'est aussi la condition pour pouvoir continuer à exporter de la viande dans l'Union européenne et au-delà.

Concernant l'assurance-récolte, nous sommes passés d'une enveloppe globale de 85 millions d'euros à 100 millions d'euros. Mais il faut aussi progresser sur les dispositifs mutualisés, en mobilisant tous les assureurs potentiels. Nous reportons l'application du nouveau dispositif d'assurance en agriculture au début de l'été 2015, car il faut d'abord mettre d'accord les assureurs, dont certains sont aujourd'hui en situation difficile, les réassureurs et les autres acteurs concernés. À l'été 2015, des établissements financiers seront prêts à répondre au besoin. Dans le secteur laitier, les deux principaux opérateurs du marché de l'assurance agricole que sont Groupama et le Crédit agricole sont prêts. Un pacte sera signé avec la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) avant la fin de l'année 2014. En viticulture, nous savons que d'autres opérateurs financiers sont également prêts à s'engager. Une fois que le plan de modernisation de l'agriculture doté de 200 millions d'euros sera exécuté, il faudra trancher la question du montant qui devra être prélevé sur le premier pilier de la PAC pour soutenir l'assurance en agriculture. Cette question se posera d'ici trois à quatre ans. Le nouveau dispositif d'assurance en agriculture, reposant sur le contrat-socle, sera proposé à l'été 2015 : chaque agriculteur pourra disposer d'un contrat de base lui permettant de se prémunir contre les aléas. Les cotisations des agriculteurs financeront cette assurance. Nous devrons peut-être aussi prélever sur le premier pilier, qui représente tout de même de l'ordre de 7 milliards d'euros.

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