Le projet de loi de finances réduit de 3,67 milliards d'euros les concours de l'État aux collectivités territoriales. J'ai exprimé ma position sur ce point lors des débats sur l'objectif national d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) : si les collectivités territoriales ne peuvent s'exonérer de l'effort de redressement des finances publiques, les spécificités de la dépense locale par rapport à celles de l'État doivent être prises en compte. Comme le souligne le rapport présenté par Charles Guené, Philippe Dallier et Jacques Mézard au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, cette baisse de dotations risque d'avoir un important effet récessif sur l'investissement local. Elle entraînera également une augmentation de la pression fiscale locale, qui s'accroîtra nécessairement d'environ cinq milliards d'euros. On commence d'ailleurs à faire preuve de beaucoup d'imagination pour donner aux collectivités locales la possibilité de lever des impôts nouveaux.
Je vous propose donc de minorer la baisse des dotations prévue par le Gouvernement du coût net des dépenses imposées aux collectivités - du fait de nouvelles normes, de la mise en oeuvre des rythmes scolaires, de la revalorisation de la catégorie C de la fonction publique... - en nous fondant sur les chiffres de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). En 2013, dernière année pour laquelle nous disposons des chiffres en année pleine, ces dépenses représentaient environ 1,2 milliard d'euros.
La poursuite d'une hausse importante de la péréquation est d'autant plus sensible dans ce contexte de forte baisse des dotations. Il est regrettable que nous n'en ayons jamais d'évaluation préalable. L'Assemblée nationale a voté la création d'un faux fonds de « soutien à l'investissement local », pris sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ainsi qu'une augmentation de la péréquation verticale. Ni l'un ni l'autre n'ont fait l'objet d'une évaluation. Une solution de prudence s'impose : ne pas porter la péréquation au-delà de son niveau de 2014.
Quant à l'article 9 ter créant le fonds de « soutien à l'investissement local », je vous propose de le supprimer : il n'apporte pas un euro supplémentaire aux collectivités territoriales et fragilisera les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) bénéficiant actuellement des FDPTP. Il n'aura probablement aucun effet sur l'investissement des collectivités, car celles qui bénéficient aujourd'hui des FDPTP diminueront leurs investissements en conséquence, et celles qui bénéficieront de la majoration de la dotation de développement urbain (DDU) et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) n'en verront le fruit que dans un an ou deux, le temps de venir à bout des procédures complexes qui ouvrent droit à ces dotations.
L'amendement n° 10 à l'article 9 augmente donc la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 1,2 milliard d'euros, somme correspondant aux dépenses induites par les 219 textes nouveaux imposés en 2013 par l'État aux collectivités, selon le rapport de la CCEN. La responsabilité doit s'exercer de part et d'autre. Cet amendement revient également sur la hausse de la péréquation verticale prévue par le texte qui nous a été transmis, en minorant la DGF de 163,5 millions d'euros et en majorant du même montant les variables d'ajustement. L'augmentation nette de la DGF, par rapport au texte voté par l'Assemblée nationale, serait donc de 1,04 milliard d'euros, à laquelle s'ajoute la hausse de 163,5 millions d'euros des variables d'ajustement.
L'amendement n° 11 à l'article 9 revient sur l'introduction, par l'Assemblée nationale, d'un régime dérogatoire en matière de compensation d'exonération, favorable aux communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU), mais pesant sur les autres collectivités. L'amendement n° 12 à l'article 9 ter revient sur la suppression des FDPTP ; l'amendement n° 15 à l'article 14, enfin, tire les conséquences des amendements précédents.
L'adoption de ces différents amendements conduirait à ce que les concours de l'État aux collectivités augmentent de 1,2 milliard d'euros par rapport au texte transmis par l'Assemblée nationale. En tenant compte de la sortie du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) de l'enveloppe normée votée par les députés, la baisse des concours de l'État serait donc ramenée de 3,67 milliards d'euros à 2,26 milliards d'euros, soit une réduction de plus de 38 % de la baisse initialement prévue par le Gouvernement. C'est le moins que nous puissions faire.