Le Premier ministre s'est exprimé, cette année, à quatre reprises sur la réforme territoriale : le 8 avril à l'Assemblée nationale, les 16 septembre et 29 octobre devant la Haute Assemblée, enfin le 6 novembre dernier devant le congrès de l'ADF à Pau. Que de chemin parcouru ! Entre l'annonce faite le 8 avril de la disparition des conseils départementaux à l'horizon 2021 et l'affirmation de leur rôle au congrès de Pau, bien des discussions ont eu lieu, et nous parvenons à une situation beaucoup plus claire.
Nous ne sommes pas en présence d'une loi de décentralisation, mais d'une réforme des collectivités territoriales visant à clarifier leurs compétences, sans que l'État leur transfère aucune des siennes. Son but déclaré est de réduire le soi-disant millefeuille et l'enchevêtrement des collectivités, de leurs compétences et de leur fiscalité afin de réaliser des économies. Si certains de ces objectifs sont louables, nous attendions une grande loi de décentralisation comparable à celles de 1982 ou 2004, qui avait transféré plus de 13 milliards d'euros du budget de l'État aux collectivités territoriales, dont 8 milliards pour les départements.
En filigrane du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république » (NOTRe) se trouvent la réforme de la carte régionale, la suppression des conseils départementaux et le renforcement des intercommunalités, censées se substituer aux départements et assumer leurs compétences essentielles de solidarité sociale, qui représentent 38 milliards d'euros sur les 71 milliards de l'ensemble des budgets départementaux.
Nous avons dit au Premier ministre, à la veille de notre congrès, qu'il n'était point nécessaire d'évoquer l'après 2020. Quelle sera alors la majorité ? Toutes les parties sont désormais convaincues que, si une collectivité de plein exercice devait être supprimée, il faudrait passer par une révision de la Constitution, laquelle est devenue mon livre de chevet depuis l'annonce de ces textes. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel sur la Corse et à la question du niveau substantiel de compétence que doit garder tout niveau de collectivité de plein exercice.
Tout doit s'organiser autour de la commune, du conseil départemental et du conseil régional. Les intercommunalités, qui ne sont pas des collectivités de plein exercice, n'existent que par transfert de compétences des communes. Le projet de loi NOTRe prévoit que les conseils départementaux assument les compétences de solidarités sociale et territoriale, dont le gouvernement souhaite fixer la définition dans le droit. Je rencontre ces jours-ci les responsables de tous les groupes politiques du Sénat afin d'en débattre.
Le gouvernement nous assure désormais que les départements auront la compétence d'ingénierie et de conseil et, avec le préfet, celle du schéma départemental d'accessibilité des services au public. Les conseils régionaux se verraient transférer les transports scolaires et interurbains, les collèges, les routes, les ports départementaux s'ils les acceptent, le schéma d'élimination des déchets industriels banals et ménagers, ainsi que la responsabilité des espaces naturels sensibles.
Notre approche consiste à nous demander à quels territoires il est pertinent de conférer ces compétences. L'Association des Régions de France (ARF) avait souhaité recevoir des compétences de l'État, afin d'avoir une double autorité sur les services publics de l'emploi et sur la banque publique d'investissement. Elle avait raison : les régions doivent viser les grands enjeux stratégiques.
Faute de leur avoir donné gain de cause, on leur propose à présent, en guise de compensation, des compétences de niveau infrarégional peu compatibles avec les nouvelles dimensions qu'on entend leur attribuer. Les collèges relèvent d'une gestion de proximité, d'autant que le Conseil supérieur de l'éducation a souligné l'intérêt pédagogique de maintenir un lien entre eux et les écoles. Les deux tiers des 5 500 collèges de France sont d'ailleurs situés dans des territoires ruraux. Les transports scolaires relèvent évidemment, eux aussi, de l'échelon de proximité.
Cette loi de clarification est censée conduire à des économies... mais nous serons bien obligés d'en faire : 12,5 milliards d'euros en moins en quatre ans, sur les 225 milliards auxquels se monte la totalité des budgets des collectivités territoriales et des établissements publics - excusez du peu ! Les seuls départements ont été contraints, depuis 2002, de trouver 48 milliards d'euros, sur les 850 milliards que représentent douze ans de leurs budgets, afin de financer les allocations individuelles de solidarité. Les départements savent ce que c'est que d'économiser, et continuent à assumer correctement les services publics malgré une situation budgétaire délicate.