Intervention de Claudy Lebreton

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 novembre 2014 : 1ère réunion
Nouvelle organisation territoriale de la république — Audition de l'assemblée des départements de france : M. Claudy Lebreton président président du conseil général des côtes d'armor et M. Bruno Sido sénateur et président du conseil général de la haute-marne secrétaire général

Claudy Lebreton, président de l'ADF :

Votre département est exceptionnel ! Les compétences partagées - culture, sport, tourisme et économie -, quant à elles, représentent 7 milliards d'euros. Les compétences scolaires sont pourtant clairement définies. Je ne désespère pas de voir un jour une grande loi de décentralisation transférant des compétences mal exercées par l'État, comme l'enseignement supérieur. Pour l'enseignement scolaire, nous en gérons déjà le patrimoine, la restauration, l'environnement, tandis que l'État fixe les programmes et paie les enseignants.

La France n'est que le 18ème pays le plus décentralisé en Europe, derrière des pays aussi peuplés que la Pologne ou l'Allemagne. Chez nos voisins, la compétence santé est largement partagée entre État et collectivités, comme l'éducation - les professeurs sont souvent payés par le niveau décentralisé - et même une partie de la sécurité. Nous ne représentons que 225 milliards d'euros sur les 1 200 milliards d'euros de dépense publique, alors que les finances locales constituent 67 % des finances publiques au Danemark, entre 30 et 40 % dans la plupart des pays européens.

Le département des Côtes-d'Armor n'aurait jamais eu 15 000 étudiants sans la clause de compétence générale. La capacité à stimuler l'innovation économique ne dépend pas de la taille des collectivités, mais de la qualité des individus qui les dirigent : des maires de villages de 600 habitants peuvent être plus innovants que des maires de grandes villes. La réponse ne peut pas être qu'institutionnelle.

Je n'ai pas encore de religion sur l'insertion sociale et le financement du RSA. Tout en comprenant l'avantage de le financer par la solidarité nationale, je m'interroge sur les effets d'une séparation du financeur et de la collectivité qui impose à l'allocataire un parcours d'insertion. L'APA et la PCH ne sont pas dans la même problématique : le retour sur investissement de ces dépenses sur une économie territorialisée non délocalisable est évident.

Nous pouvons trouver une vraie clarification de la compétence d'aménagement du territoire. Si le contrat de projet État-région est l'instrument qui met en cohérence les grands projets stratégiques (TGV, autoroute, ports, aéroports), l'aménagement de proximité peut rester aux mains des communes, des intercommunalités et des départements.

Les communautés sont 1 700, dont 1 507 ont moins de 20 000 habitants ; seules deux cents environ d'entre elles sont au-dessus de ce seuil, et comptent souvent plus de 50 000 habitants. Les intercommunalités ont été créées pour trouver une solution aux 36 500 communes. Tous les pays d'Europe les ont fusionnées, telle l'Allemagne, passée brutalement de 30 000 à 9 000 communes, et qui s'en mordrait les doigts. L'intercommunalité était destinée à devenir la commune du XXIe siècle ; suivre un autre cap serait contraire à l'esprit originel, comme imaginer des intercommunalités à 100 000 ou 200 000 habitants en milieu rural. L'exemple de Paris, à la fois ville et département, aurait pu être étendu aux grandes métropoles, à commencer par Lyon et Marseille. L'ADF a des propositions à faire sur ce sujet.

L'ingénierie mérite toute notre attention. L'intercommunalité a réglé le problème des services techniques de maîtrise d'ouvrage ; le projet maintient les départements dans l'ingénierie et le conseil. L'État se retirant, soixante départements ont créé des agences d'ingénierie et de conseil pour introduire de la régulation publique dans un marché très ouvert où le privé s'était développé. Dans les Côtes-d'Armor, nous avons choisi la forme d'un établissement public départemental cogéré par le département, l'association des maires et les intercommunalités ; les grandes agglomérations, elles, ont gardé un service technique de maîtrise d'ouvrage.

L'image du millefeuille territorial révèle une totale méconnaissance des citoyens et du milieu journalistique sur le sujet. Les 17 000 syndicats intercommunaux étaient nécessaires lors de leur création ; mais aujourd'hui, il faut faire le ménage dans ces structures et rapatrier leurs compétences aux seules collectivités de plein exercice. Cela représente 18 milliards d'euros de dépenses, qui seraient ainsi mieux employés.

Le Premier ministre l'a dit à Pau, nous n'échapperons pas à une grande loi de décentralisation. Il faudra procéder à une clarification des compétences entre l'État et les collectivités, car nous avons besoin d'un État plus efficace sur ses compétences régaliennes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion