Intervention de Jean-Paul Huchon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 novembre 2014 : 1ère réunion
Nouvelle organisation territoriale de la république — Audition de l'association des régions de france : M. Alain Rousset président président de la région aquitaine et M. Jean-Paul Huchon président de la région île-de-france

Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France :

Les positions de l'ARF sont unanimes. Toutes les régions, quelle que soit leur situation, portent le même message. Notre espoir est que la réforme simplifie et clarifie les responsabilités et la question du service public. Tel est l'objectif, qui n'a rien à voir avec un enjeu de puissance : comment améliorer le service public ? Les régions vont jouer un rôle majeur, nécessaire et essentiel. Le Premier ministre l'a rappelé devant le congrès de l'ARF : elles doivent prendre en main le développement économique, l'innovation, les crédits aux entreprises, les problèmes de trésorerie, l'appui aux PME pour aller vers plus d'ETI... Dans tous ces domaines, nous sommes très loin de nos voisins allemands. Ils ont une organisation différente. Les présidents des Länder participent aux débats dans la salle du conseil des ministres. Ce modèle n'est pas le nôtre. Qu'il ne nous empêche pas de donner plus de compétences aux régions.

La clause de compétence générale a fait l'objet d'un long débat à l'ARF, car elle comporte beaucoup d'ambiguïtés et de contradictions. Nous souhaitons qu'elle soit supprimée. Le texte est clair sur certains points : le développement économique, les transports, l'éducation, avec le rattachement des collèges aux régions. L'exception faite pour les collèges parisiens reste incompréhensible. Pourquoi traiter différemment un collège de Coulommiers et un collège du Vème arrondissement de Paris ?

Quant aux routes, il est logique de les rattacher aux régions qui ont une compétence générale en matière de transport. Seule, la région parisienne bénéficie d'une aide pour financer le syndicat des transports d'Île-de-France à hauteur de 40 %, pour un budget de 9 milliards d'euros par an. Le STIF est l'exemple d'un transfert de compétences réussi : aucun administrateur d'État sur les 29 qui y siègent. Les investissements en matière de transports ont doublé voire triplé et la Société du Grand Paris devrait être en mesure de financer 32 milliards d'euros d'investissements jusqu'en 2025.

Reste le sujet de la compétence partagée, pour la culture et le sport notamment. Les régions financent l'essentiel du budget des associations culturelles. L'Île-de-France investit plus d'argent dans la culture que le ministère de la Culture. La Philharmonie ne dépend pas d'elle, mais elle y participe. C'est la même chose pour le sport. La région a accompagné certaines initiatives qui relèvent des compétences sociales du département - crèches, maisons d'accueil pour les femmes en difficulté ou victimes de violences, structures pour lutter contre l'exclusion... Où s'arrête la compétence du département, où commence celle de la région ? Rien n'est clair. La région n'a évidemment aucune volonté hégémonique.

La sécurité est également un domaine mal partagé. Certaines régions, dont l'Île-de-France, se sont beaucoup engagées dans la construction de commissariats et l'accompagnement de la politique de sécurité. Je me rappelle avoir signé des conventions avec les ministres de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement puis Nicolas Sarkozy. Nous avions démontré que la région investissait plus pour financer les commissariats que l'État dans la France entière. Il serait souhaitable que la sécurité redevienne une vraie compétence de l'État, car les régions risquent de ne plus avoir suffisamment de moyens.

Comme président de la région Île-de-France, j'ai dit dès le début que nous ne souhaitions pas la suppression du département. Les départements et les régions ont passé un certain nombre de contrats sur des actions conjointes, dont le fonctionnement s'est révélé harmonieux. Il n'y a pas de guerre entre les départements et les régions. En revanche, une vraie difficulté existe avec les métropoles, notamment sur la question des transports. Comment envisager que la région s'arrête de les gérer aux abords du périphérique ? La politique des transports est un tout cohérent. Idem pour le développement économique. Les régions sont garantes de la solidarité nationale. La périphérie des agglomérations est un vrai sujet. Les chercheurs y voient un nouvel espace de difficulté pour la République. Il sera difficile d'imposer un schéma directeur de l'industrie et de l'économie aux métropoles, qui disposeront de leurs propres moyens.

On ne peut pas demander aux régions de prendre en charge des compétences nouvelles - emploi, développement économique, éducation, formation professionnelle, etc. - tout en réduisant leurs ressources, alors qu'elles ne peuvent agir ni sur les assiettes ni sur les taux. Il est impossible de nous transférer le développement économique sans nous donner plus de CVAE, d'autant plus que celle-ci fait déjà l'objet d'une forte péréquation. Il faut donc trouver de nouvelles ressources fiscales, et les trouver vite, puisque de nouvelles compétences seront transférées aux régions dès 2017.

Je me félicite enfin de la présence dans ce projet de loi de schémas prescriptifs. Les régions le souhaitent. Cela suppose, comme le réclame l'ARF, de nous conférer un pouvoir réglementaire pour l'aménagement du territoire. Ayant été directeur de cabinet d'un ministre de l'agriculture et directeur général du Crédit agricole, je suis bien placé pour savoir que l'agriculture de montagne n'est pas celle de la Beauce ! Nous devons pouvoir adapter les procédures publiques aux différents territoires.

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