Ne pas les opposer sous-entend qu'il n'existe pas de problème, alors qu'il y a un vrai problème, plus grave qu'on ne pense.
Vous connaissez mieux les villes mais je connais mieux la campagne. Les personnes que nous entendons aujourd'hui mettent le doigt sur des problèmes fondamentaux, mais il est très difficile de trouver une solution : ni le Gouvernement, ni personne n'a de solution équilibrée et satisfaisante. La proximité me paraît être un élément d'équité. Dès qu'on crée de grosses collectivités, les habitants se sentent abandonnés. Vous pouvez estimer que c'est un sentiment subjectif mais il est profond. Avec un seuil de 20 000 habitants qui correspondra à 40 ou 50 communes de 200 habitants, vous créerez de la distance. Avoir en tête que la proximité est un facteur d'équité est essentiel : la ruralité souffre, à tort peut-être, d'un sentiment profond d'injustice.
La diversité, c'est la liberté : l'uniformité n'est ni comprise ni acceptée. Pourquoi ce seuil de 20 000 habitants ? Qui le propose ?
Avec M. Germinal Peiro, un député socialiste très investi dans le monde rural, nous avons étudié pendant une année, dans le cadre de la commission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, la politique d'aménagement du territoire en milieu rural. Il en ressort qu'il n'existe aucun modèle uniforme de la ruralité. Des études très sophistiquées ont été menées et il en ressort que ce n'est pas la taille des collectivités qui compte, mais les talents des personnes, les projets de territoires, la qualité des hommes et des femmes qui mènent ces projets. Un seuil de 20 000 habitants ne veut rien dire : ce n'est ni une bonne, ni d'ailleurs une mauvaise idée, mais je n'ai vu nulle part une telle proposition. Je me rappelle avoir participé à plusieurs réformes statutaires de collectivités d'outre-mer avec MM. Pierre Mazeaud et Jean-Jacques Hyest, quand il était député. À une époque, tous les statuts d'outre-mer étaient identiques. Leurs élus nous ont sollicités en nous demandant qu'on élabore des statuts qui répondent à leurs besoins. L'idée était de donner un outil permettant de valoriser les territoires, pour des gens de qualité inégale, car il n'y a pas que de bons élus. Il faut garder en tête ces idées.
Aujourd'hui, l'unité de la France n'est plus menacée et il n'est pas nécessaire d'avoir une pensée uniforme. Les seuils pourraient donc varier fortement sur tout le territoire. Dans le cas de la Somme, qui compte 500 communes de moins de 500 habitants, 15 communes de plus de 3 500 habitants à 600 000 habitants, je voudrais rappeler qu'il existe un très grand nombre de petites communes extrêmement dispersées et que, dans chacune de ces communes, il existe une église, une mairie, un local communal qui sert de salle des fêtes, une voirie, etc. Or une communauté de communes ne va jamais exercer toutes les compétences communales. La communauté de communes de la région d'Oisemont va-t-elle par exemple prendre en charge les 32 églises des XVe et XVIe siècles de ses communes-membres, alors que le département ne sera plus là pour aider ?