Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour remercier le groupe du RDSE d’avoir saisi le Sénat de la question de la ruralité, envisagée dans sa dimension la plus large. Ce sujet préoccupe nos nombreux concitoyens qui vivent la ruralité au quotidien, sur une part importante de notre territoire.
La France traverse une crise qui n’épargne pas les territoires ruraux. Cette crise, économique, sociale et sociétale, a affecté et affecte encore aujourd’hui la capacité des politiques publiques à répondre aux problèmes que rencontre le monde rural.
Je veux rappeler que, pour garantir la cohésion territoriale, on ne peut permettre ni accepter que des citoyens soient déconnectés du reste de la société. Il y va de l’unité de notre République, une unité qui doit aussi respecter la diversité.
Cette cohésion implique la connexion des territoires entre eux. Ces deux notions sont essentielles, car elles sont les ferments de la solidarité qui doit justifier nos choix collectifs. La connexion passe, notamment, par l’accès aux différents réseaux d’information.
Prendre en considération ces territoires ruraux dépourvus totalement ou partiellement de certains services, c’est aussi prendre en considération ceux qui y vivent, c’est-à-dire les citoyens ruraux français. Si l’accès aux services publics est indispensable à la qualité de vie de ces derniers, il est tout aussi déterminant pour garantir l’attractivité économique des territoires ruraux.
Certes, on ne peut nier que le monde rural ait évolué, et l’on doit être conscient de la diversité des problématiques, en particulier de celles qui concernent les zones soumises à des contraintes géographiques et environnementales fortes. Il est ainsi impossible de faire de la ruralité une lecture unique et uniformisée, qui mènerait à des réponses standardisées.
Mais, au-delà de ces spécificités, il est indéniable, madame la ministre, que l’on assiste depuis plusieurs années, au sein des territoires ruraux, à un retrait progressif de l’État et des services. Je pense, en particulier, au phénomène de la désertification médicale, à la disparition des bureaux de poste ou à la réduction des services de transport, pour ne parler que de ce qui apparaît le plus criant.
Le retrait de l’État, de l’action publique peut aussi s’illustrer par la suppression d’un nombre important de centres d’information et d’orientation, ou CIO. Prenons l’exemple de l’académie de Rouen, que je connais bien : dix des dix-sept CIO y ont été fermés, ce qui porte un préjudice grave à des centaines de jeunes à la recherche de conseils en matière d’orientation et crée une véritable discrimination entre les urbains et les ruraux.
Au travers de cet exemple se pose la question de l’augmentation des inégalités à l’échelle des territoires. Celles-ci s’accentuent gravement, provoquant une accumulation de handicaps de plus en plus difficile à surmonter. C’est pourquoi il faut agir rapidement, en mettant en place des actions efficaces.
La première de ces actions consiste à renforcer l’intercommunalité, notamment en donnant aux territoires ruraux les moyens de leur développement. Mais, s’il faut renforcer l’intercommunalité, il faut le faire en engageant des démarches d’aide et d’accompagnement à la mutualisation de proximité, par exemple en favorisant des initiatives en matière de création de crèches, de centres de loisirs ou encore de garderies périscolaires mutualisés.
Je voudrais insister sur le fait que l’intercommunalité doit être choisie, et non subie : aucun seuil arbitrairement défini ne doit être imposé ; au contraire, il doit être tenu compte des spécificités des territoires, en particulier du critère géographique. Il faut permettre à tous les membres de l’intercommunalité d’être des acteurs de celle-ci, et non de simples spectateurs, organiser la représentation des communes rurales et traiter les problématiques qui leur sont propres.
Une deuxième action doit viser à la redynamisation de ces communes. Leur revitalisation passe par un renouveau de l’activité économique de proximité. Ainsi, la réintroduction de commerces et de services peut être repensée dans son organisation et dans sa forme. Il peut paraître intéressant de travailler en lien avec le secteur de l’économie sociale et solidaire, de favoriser les productions locales et les circuits courts, dans des démarches de développement durable.
Enfin, il faut encourager les initiatives locales, qui peuvent trouver des réponses adaptées à des situations spécifiques et élaborées avec les acteurs de terrain, notamment le milieu associatif. Je pense, par exemple, à l’aide et aux services à la personne.
Cet ensemble d’initiatives, s’il participe au développement économique du monde rural, ne dispense pas d’évoquer la cruelle carence dont souffre ce dernier : l’absence d’une couverture numérique digne de ce nom. Rendre accessibles les services numériques, notamment l’internet haut débit et la téléphonie mobile, c’est permettre, par exemple, le développement du télétravail et rendre possible, pour ceux qui voudraient en faire le choix, de venir s’installer dans des communes rurales pour y travailler, ce qui n’est pas envisageable aujourd’hui.
Il faut aussi aider à la valorisation du patrimoine construit et naturel et soutenir les projets d’accueil et d’hébergement touristiques. Cette activité non délocalisable est créatrice d’emplois de proximité. Or, là encore, l’absence d’une couverture numérique satisfaisante constitue un handicap.
La troisième action porte sur l’amélioration de l’accès aux services. Cela suppose de redéployer ces derniers sous des formes nouvelles. Je pense notamment aux stations-service, évoquées dans quelques rapports, ou aux points poste. De la même manière, il est primordial de permettre l’accès aux administrations, par des services de transport à la demande, par exemple. En effet, un certain nombre de démarches ne peuvent évidemment se concevoir en dehors des relations avec les centres urbains, et il est fondamental que les territoires, comme leurs habitants, ne soient pas déconnectés les uns des autres au sein de la République.
Madame la ministre, mes chers collègues, en intervenant dans ce débat, je souhaite interpeller le Sénat, ainsi que le Gouvernement, sur les problèmes auxquels sont confrontées les ruralités au sein de notre territoire. La République étant une et indivisible, il ne peut y avoir de territoires laissés pour compte !
Ainsi, garantir l’accès aux services à l’ensemble de nos concitoyens sur tout le territoire national doit être un enjeu prioritaire pour le Gouvernement, au nom du principe républicain d’égalité. L’État doit impérativement donner les mêmes chances à tous les Français, quels que soient leurs lieux de naissance, de résidence ou de travail. Il doit également pratiquer une politique d’équilibre entre les territoires et veiller à une efficace complémentarité entre eux.
Je pense, madame la ministre, que vous partagez cette analyse, et je sais que vous mettrez en place des actions concrètes pour atteindre les objectifs que j’ai énoncés.