Voilà ce qui a conduit à l’apparition de ces déserts !
Ce phénomène s’est doublé d’un changement de politique en matière de présence des services publics, fondé non pas sur la volonté de répondre aux besoins, mais sur le souci de mesurer l’efficacité selon des critères de rentabilité économique. À ce jeu, les territoires ruraux ne seront jamais rentables ! Alain Bertrand évoquait une politique du chiffre : nous y sommes !
Par exemple, la réforme de La Poste a conduit à supprimer un grand nombre de bureaux de poste. La privatisation de France Télécom a engendré des zones blanches, dans lesquelles, faute de rentabilité, les investissements du secteur privé sont inexistants. Pourtant, si France Télécom n’avait pas été privatisé, la rente du cuivre aurait sans doute permis de financer le développement de la fibre sur l’ensemble du territoire national.
Ainsi, investir dans les réseaux de transport ou le numérique, garantir la maîtrise publique des secteurs clefs de l’économie, ce n’est pas une question de rentabilité ! Il s’agit plutôt d’assurer un maillage du territoire par des infrastructures nécessaires au développement économique. Mes chers collègues, les territoires ruraux veulent simplement être sur la toile, et non dans ses creux !
Parallèlement, ce désengagement a également pris la forme d’une baisse des dotations aux collectivités et des moyens accordés aux services déconcentrés de l’État, notamment au travers de la révision générale des politiques publiques – la RGPP –, devenue aujourd'hui la modernisation de l’action publique, la MAP. Or, en privant les collectivités à la fois de ressources et d’assistance, on les a privées de la capacité même de conduire les politiques nécessaires à la satisfaction des besoins de leur population.
Vous l’aurez compris, pour nous, il ne saurait y avoir d’avenir pour les territoires ruraux sans remise en cause des politiques d’austérité imposant la réduction de la dépense publique et, par conséquent, des politiques de libéralisation. Mutualiser, inventer, encourager la sobriété, bien sûr ; priver de moyens, non !
Enfin, permettez-moi une remarque sur le vocabulaire utilisé. Aujourd'hui, il est question non plus de « services publics », mais de « services au public » ou de « services essentiels », non plus d’« intérêt général », mais d’un « intérêt national » qu’il reste encore à définir… Ces glissements sémantiques sont l’illustration d’autres glissements, bien plus politiques !
En ce qui concerne le logement, il est évidemment indispensable de mener une politique offensive de réhabilitation des centres-bourgs. Ayant autrefois conduit de tels projets dans ma commune, je ne vous dirai pas le contraire, madame la ministre ! Mais les communes ne pourront assumer seules cet effort. On nous annonce le déblocage de 40 millions d’euros dès cette année, mais nous avons cru comprendre, à la lecture des « bleus » budgétaires, que les crédits de paiement prévus pour 2015 atteignent seulement 6, 5 millions d’euros. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce propos ?
Nous partageons bien évidemment l’exigence, affirmée dans le rapport, de péréquation entre les collectivités. Nous avons d’ailleurs présenté, voilà maintenant une année, une proposition de loi visant à rétablir l’équilibre dans les dotations de fonctionnement aux collectivités. M. Eckert a lui-même reconnu que personne ne comprend plus rien à la manière dont ces dotations sont attribuées, et je veux bien le croire ! Malheureusement, nous n’avons pas été suivis…
Quant au problème du manque d’ingénierie territoriale, également soulevé dans le rapport, l’importance du rôle des départements n’est plus à démontrer. Ils savent faire : pourquoi donc ne pas leur permettre de continuer ?
L’adoption de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a conduit à limiter l’ATESAT. De plus, nous savons qu’il est prévu de mettre fin purement et simplement à ce service dans les années à venir. Devant cette situation, le rapport préconise la mise en place de guichets « ruralité ». Cette solution nous semble moins intéressante que la poursuite du travail des départements. Pour nous, les guichets de la ruralité, ce sont les sous-préfectures et les préfectures.
Par ailleurs, nous ne jugeons pas pertinente la proposition tendant à constituer un corps spécifique de la fonction publique pour la ruralité. En effet, rompre avec l’unicité de la fonction publique territoriale reviendrait à rompre avec l’égalité républicaine !
Mes chers collègues, en entendant certaines personnes s’exprimer sur la ruralité – je préfère pour ma part le terme « province », bien plus joli – sans vraiment la connaître, j’ai la sensation que l’on nous traite presque comme des animaux de zoo, observés à distance. Il convient d’être extrêmement attentif au vocabulaire que l’on emploie pour parler des territoires ruraux.
Quant à la fixation d’un seuil de population de 20 000 habitants pour les intercommunalités, comment croire que les regroupements d’une centaine de communes que cette mesure induira pourront satisfaire les besoins de nos concitoyens ? S’il faut effectivement favoriser la constitution de collectivités plus importantes en secteur rural, il ne faut pas, parallèlement, supprimer les services.
En conclusion, pour penser l’avenir des territoires ruraux, il est d’abord nécessaire d’entendre ce que leurs élus et leur population ont à dire et de connaître leurs besoins. Voilà par quoi il nous faut commencer pour rétablir la confiance. Les assises des ruralités ont engagé ce travail. La critique systématique des élus locaux, considérés comme trop dépensiers, manquant de savoir-faire ou que sais-je encore, traduit une volonté de les remplacer par des experts « efficients », au détriment de la démocratie et du vivre ensemble. Nous avons besoin d’accompagnement, pas de dénigrement ! §