Pourquoi en est-on arrivé là ? Alors que la IIIe République avait amené les services publics, notamment l’école, dans toutes les communes, avait donné à chacun sa chance, quel que soit son département de résidence, la Ve République s’est illustrée par une politique de déménagement du territoire, faute de planification.
Déterminer les causes de cette fracture territoriale avant de proposer les remèdes, telle est la démarche rationnelle.
Sortons tout d’abord du débat simpliste opposant l’urbain et le rural : il est des territoires ruraux riches et des territoires urbains en crise ! Il s’agit non pas de se lamenter, mais de prendre rapidement des décisions.
Les territoires concernés par le présent débat sont essentiellement ceux dans lesquels le poids de l’agriculture fut fondamental, un exode de la population découlant de la diminution considérable du nombre d’exploitations et de travailleurs agricoles.
Ce sont aussi, le plus souvent, des territoires plus enclavés que les autres, par rapport à Paris et aux métropoles régionales.
Ce sont des territoires dont les pôles urbains fragiles le sont devenus davantage encore du fait de la décentralisation et de la régionalisation.
Soyons clairs, les métropoles régionales – et ce sera encore pire avec le projet de réforme territoriale, qui provoquera une deuxième onde de choc – ont aspiré une grande partie du sang administratif, économique et humain des villes et agglomérations moyennes et des zones rurales, celles qui maintenaient jusqu’alors un certain équilibre territorial. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas construire des métropoles fortes – notre groupe a voté en faveur de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles –, mais il faut instaurer un véritable équilibre.
Dans nombre de ces territoires, on constate une forte diminution de la population des villes-centres, même en Corrèze, madame la ministre, département pourtant largement désenclavé par deux Présidents de la République… §En Auvergne, toutes les villes moyennes ont perdu de la population, sauf Vichy, qui se situe de fait dans l’agglomération clermontoise.
Cette captation de la substance vitale de ces départements apparaît de manière évidente au travers du renforcement du personnel des préfectures de région, au détriment des autres préfectures, ou de la concentration des sièges régionaux de banques, d’assurances, de structures administratives variées – SNCF, EDF, agences et associations parapubliques diverses – au sein de la ville métropole régionale. Nous assisterons, dans les quelques années à venir, à une nouvelle migration vers les supermétropoles régionales.
C’est grave, parce que c’est souvent de la matière grise qui quitte nos territoires : fonctionnaires, enseignants, cadres du privé, professions libérales… Cela entraîne des conséquences en chaîne, et il faudra d'ailleurs faire attention aux incidences que pourrait avoir, dans les zones rurales les plus fragiles, la réforme des professions réglementées envisagée par le ministre Macron.
Les décentralisateurs pourfendaient le jacobinisme ; ils l’ont en réalité décliné et aggravé à l’échelon de chaque métropole régionale, créant des hiérarques dont la soif de pouvoir les amène aujourd'hui à revendiquer le transfert par l’État d’un pouvoir réglementaire. Ce jour, s’il arrive par malheur, sera celui de la fin de la République une et indivisible. Quand on voit, mes chers collègues, les usines à gaz que sont devenus les contrats et actions menés par les régions, la complexité de leurs mécanismes dispendieux, on peut être inquiet.