Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 18 novembre 2014 à 14h30
Durée du mandat du président de la république — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter de cet affaiblissement de la fonction présidentielle.

Le débat est justifié à nos yeux par l’ampleur des dégâts causés par le quinquennat dans le régime de la Ve République. Cet argument fallacieux ne peut nous être opposé, car les douze années de quinquennat nous confèrent désormais le recul nécessaire pour dresser un bilan de cette réforme. Celui-ci ne saurait être positif, il faut savoir reconnaître ses erreurs et celles de ses prédécesseurs ! Devrions-nous nous contenter d’un système qui ne fonctionne pas bien ? Ce n’est pas là une façon satisfaisante de faire évoluer les institutions et nous ne ferons pas nôtres ces considérations défaitistes et immobilistes.

Notre République n’a-t-elle pas sans cesse besoin d’être adaptée, modernisée, améliorée ? C’est pourtant bien ce que l’on nous rabâche à longueur de semaines et de mois. S’il est un domaine dans lequel il faut savoir évoluer, c’est bien celui-là ! Sans être de ceux qui souhaitent établir une VIe République, nous affirmons que notre système mérite une évolution.

La Ve République a déjà connu des modifications considérables. Avant le quinquennat, elle a vécu une réforme considérable en 1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Le groupe dont je suis membre ne soutenait pas, à l’époque, cette révision. Il m’arrive régulièrement de relire les discours du président Monnerville à ce sujet. On y trouve des propos très clairs, annonciateurs de bien des vicissitudes de la Ve République. Voici ce qu’il écrivait en 1962 : « Réunir en une seule main, sur une seule tête, tous les pouvoirs sans nul contrepoids, c’est proprement abolir la démocratie. » Il faut dire que ce texte adressé aux Français, avait pour titre : La Constitution est violée, le peuple est abusé ! Nous avons vu la suite.

Mes chers collègues, je vous conseille de relire certains de ces discours, en particulier ceux de 1962 et de 1969, qui sont tout à fait prémonitoires de ce qu’est devenue la Ve République.

Dans l’histoire de la durée du mandat présidentiel, le quinquennat apparaît comme une question récurrente de la vie politique et institutionnelle de la Ve République. De Georges Pompidou à François Mitterrand, en passant par Jacques Chirac et son Premier ministre Lionel Jospin, qui a réactivé la question en 2000, la durée du mandat présidentiel a constamment suscité des débats.

Près de trois quinquennats plus tard, nous pouvons aujourd’hui affirmer que son instauration a considérablement modifié la pratique des institutions issues de la Constitution du 4 octobre 1958, sans que les conséquences majeures de cette modification, a priori minime et présentée alors ainsi, aient été perçues et prises en compte.

Adopté dans la quasi-indifférence de nos concitoyens, le remplacement du septennat par le quinquennat a constitué, en réalité, un bouleversement constitutionnel, dont nous mesurons les uns et les autres depuis quelques années les conséquences souvent dommageables.

Quelles sont-elles ?

Le quinquennat, aussi appelé « présidence de législature » en raison de la concomitance entre l’élection du Président de la République et celle des députés qui la suit immédiatement, a mis fin au statut particulier d’arbitre institutionnel du Président de la République, qui répondait pourtant à la volonté expresse des rédacteurs de la Constitution de la Ve République.

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