Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai de la chance : mon discours ne fera l’objet d’aucune contradiction aujourd’hui ! (Sourires.)
Les Français ont-ils eu raison, il y a quatorze ans, d’abandonner le septennat pour adopter le quinquennat ? L’institution de la République a toujours posé la question de la durée du mandat présidentiel, quelle que soit la conception de la fonction.
À l’origine, quand la fonction fut instituée en 1848, à l’avènement de la IIe République, le mandat du Président n’était ni de cinq ans ni de sept ans : le Président était en fonction pour une durée de quatre ans.
Le mandat d’une durée de sept ans fut le fruit d’un compromis boiteux trouvé ensuite par le maréchal de Mac Mahon, premier Président de la IIIe République, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur. Permettez-moi, mes chers collègues, ce bref rappel historique : les royalistes, qui siégeaient à l’Assemblée nationale, étaient alors plutôt partisans d’un mandat de dix ans, alors que les républicains penchaient majoritairement pour une durée deux fois moindre. Les premiers, par la longue durée du décennat, y voyaient un mandat de monarque, qui pouvait préparer une nouvelle Restauration. Les autres, par la durée limitée du quinquennat, souhaitaient introduire une sorte de dépersonnalisation du mandat, afin d’asseoir définitivement la toute jeune République.
Invité à se prononcer entre le décennat et le quinquennat, Mac Mahon coupa la poire en deux afin de contenter tout le monde, ce qui fut d’ailleurs le cas. Le septennat a donc été imposé davantage par les circonstances que par une véritable réflexion institutionnelle.
Néanmoins, ce choix s’est pérennisé et a été conforté, notamment par la pratique initiale d’une présidence plutôt effacée, ce que soulignait en son temps Raymond Poincaré, qui aimait en effet à dire au lendemain de son élection : « Une seule pensée m’occupait, la terrible responsabilité qui va peser désormais sur moi tandis que le principe de l’irresponsabilité constitutionnelle […] me condamnera pour sept ans au mutisme et à l’inaction. »
Sous la Ve République, cette pratique s’est renforcée, comme chacun le sait, par la volonté du général de Gaulle, qui a voulu conforter de la sorte le rôle et l’action du Président. En effet, pour le général, un mandat de sept ans permettait au Président d’aborder les grands choix de la nation dès le début de son mandat, dont le cours serait ainsi préservé par la sérénité des dernières années, réservées à l’œuvre à accomplir et non à la querelle partisane du renouvellement électoral.
Jacques Chirac a jugé ce système trop anachronique et dégagé des évolutions politiques. Souhaitant mettre en place un renouvellement plus fréquent du mandat présidentiel et diminuer les risques de cohabitation en alignant sa durée sur celle du mandat des députés, il a donc fait adopter le quinquennat par le référendum du 24 septembre 2000.
Comme l’a rappelé Jacques Mézard, seulement 18, 5 % des électeurs inscrits, soit 7, 5 millions de Français, ont donc ratifié, dans une quasi-indifférence, l’un des changements les plus radicaux de la Ve République, qui a profondément modifié la nature même de notre République.
En effet, les douze dernières années, qui ont vu se succéder trois quinquennats, ont montré que son adoption n’a pas, par elle-même, amélioré la démocratie et encore moins la capacité de contre-pouvoir au sein ou en dehors de la majorité.
Après le quinquennat chiraquien, entre 2002 et 2007, celui de l’hyperprésidence de Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012, puis celui de François Hollande, actuellement en cours, la question du retour au septennat est revenue à l’ordre du jour.
D’une manière générale, nous pouvons constater l’affaiblissement constant de l’autorité du Président, qui, après les deux premières années de son mandat, mobilisées pour mettre en place les réformes nécessaires, se voit aussitôt confronté à l’obsession de son renouvellement.
On assiste aujourd’hui à une véritable dérive de la place et du rôle des institutions de notre République, confrontée à une présidentialisation excessive du pouvoir et des institutions, accompagnée de l’influence grandissante des médias et des nouvelles technologies de la communication dans la vie politique.
En effet, la complexité et les urgences de la vie publique imposent au Président d’avoir le recul nécessaire et de disposer de temps pour mettre en chantier les réformes structurelles de l’avenir, en dissociant la préoccupation de l’intérêt national à long terme et les querelles partisanes des brèves échéances électorales.
Face à cela, le retour au septennat apparaît comme la meilleure solution, à condition qu’il soit procédé à certains ajustements, notamment le fait de rendre le mandat présidentiel non renouvelable.
C’est le sens même de la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons aujourd’hui, sur l’initiative de plusieurs collègues radicaux de gauche, visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable, proposition que je soutiens, ainsi qu’une partie importante du groupe UDI-UC. Je précise qu’une initiative identique a été prise par le député UMP Jean-Pierre Decool à l’Assemblée nationale.
L’objectif de ce texte est de représidentialiser la fonction du chef de l’État, au profit du Gouvernement et du Parlement. Au Président de la République la fonction d’arbitrage afin d’assurer le bon fonctionnement des institutions et la continuité de l’État ; il se tiendrait ainsi en permanence au-dessus de la mêlée politicienne. Au Premier ministre et à ses ministres la fonction de gouvernement, assurant la mise en œuvre du programme politique pour lequel le chef de l’État a été élu, en liaison avec le Parlement.
Le retour au septennat est également une invitation à revenir à l’idée d’un équilibre entre les principaux pouvoirs publics constitutionnels politiques que sont le Gouvernement et le Parlement, équilibre dont, dans ce schéma, le Président de la République, sorte de pouvoir neutre placé au-dessus des contingences politiques, serait justement l’une des garanties.
À un moment où notre pays a besoin d’une forme de stabilité, revenir au mandat présidentiel de sept ans non renouvelable est une proposition de sagesse.
Débarrassé des préoccupations liées à une éventuelle réélection, le Président de la République pourra ainsi faire le nécessaire travail de réforme en profondeur dont la France a tant besoin. §