Intervention de Michel Forissier

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « travail et emploi » - suite de l'examen du rapport pour avis

Photo de Michel ForissierMichel Forissier, rapporteur pour avis :

Au préalable, je voudrais indiquer à Mme Schillinger que je suis également issu de la formation professionnelle, et que l'un de mes petits-fils est actuellement en contrat d'apprentissage. Il n'y a donc pas lieu d'opposer les sénateurs entre eux et de pointer du doigt certains sénateurs « hors-sol », qui seraient éloignés des problématiques liées à l'apprentissage. En tant qu'ancien chef d'entreprise dans la marbrerie, la sculpture et la rénovation de bâtiments anciens, je puis vous assurer que 80 % de la formation des salariés passent par des contrats d'apprentissage et le compagnonnage.

S'agissant de l'inspection du travail, on comptait, fin 2013, 438 inspecteurs du travail hors section et 781 en section, 1670 contrôleurs du travail hors section et 1320 en section. Tous les contrôleurs du travail en section ont vocation à devenir inspecteur en passant un examen professionnel. Je rappelle que la première promotion de 130 inspecteurs stagiaires est arrivée sur des fonctions de contrôle en juin 2014 (205 sont attendus en 2015, comme en 2016). Quant à la réorganisation des services, sur un total de 27 directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et de directions ultra-marines, 15 ont déjà basculé et sont en train d'instaurer les nouvelles unités de contrôle (UC) territoriales, l'unité de contrôle régionale et le réseau régional de risques particuliers. Au 1er janvier prochain, 232 UC territoriales et 27 UC régionales de lutte contre le travail illégal seront en place.

J'en viens aux maisons de l'emploi. On en compte aujourd'hui 176, contre 187 début 2014. Elles emploient 1 416 équivalents temps plein (ETP) en 2014, contre 1 491 ETP en 2013 : 86 % d'entre eux sont rémunérés par les maisons de l'emploi, 14 % sont mis à disposition par d'autres structures. Le PLF pour 2015 prévoit une enveloppe de 26 millions d'euros en AE et CP pour le fonctionnement des maisons de l'emploi. Ces crédits sont en forte baisse par rapport à 2014 : 36 millions d'euros en AE et 50 millions d'euros en CP. Les parlementaires avaient en effet souhaité compléter les crédits des maisons de l'emploi par une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros, destinée à des projets relatifs à la gestion prévisionnelle des compétences (GPEC) territoriale, portés par celles-ci dans chaque région. L'arrêté du 18 décembre 2013 précité a limité le financement par l'Etat des maisons de l'emploi par l'Etat à deux cas de figure. Le débat parlementaire ne doit pas se focaliser sur les maisons de l'emploi, il faudra trouver des critères pour favoriser celles qui ont une réelle plus-value dans leur bassin d'emploi. Dans le Rhône, par exemple, nous avons privilégié les maisons de l'emploi virtuelles, sans nouveaux locaux pour éviter les coûts de structure, afin de mettre en réseau les différents acteurs des politiques de l'emploi.

Je voudrais rapidement rappeler les ressources des régions en matière d'apprentissage. Le système est fort complexe. Les régions recevront en 2015 plus de 1,6 milliard d'euros de l'Etat pour l'apprentissage, contre 1,57 milliard d'euros en 2014. 1,5 milliard proviendra de la nouvelle taxe d'apprentissage et 146 millions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). La somme ainsi collectée est alors séparée en deux parts : une part fixe de 1,544 milliard, et une part dynamique (93 millions d'euros cette année) en cas de surplus à se distribuer équitablement entre régions. La clef de répartition de ce surplus est la suivante : 60 % est fonction du nombre d'apprentis en région par rapport au total national ; 26 % est fonction du nombre d'apprentis de niveau inférieur au bac professionnel ; 14 % dépend du nombre d'apprentis préparant d'autres diplômes. Il faut ajouter à cette somme 340 millions d'euros au titre des anciennes indemnités compensatrices forfaitaires (ICF) pour les primes à l'apprentissage. Au total, les régions disposeront donc de 2 milliards d'euros en 2015.

Mais le problème de fond n'est pas tant le montant des ressources des régions, même si cela est très important, que l'absence de pilotage de la politique d'apprentissage au niveau national. L'Etat reste responsable politiquement de cette politique aux yeux de nos concitoyens. Il décide lui-même de la réforme des indemnités compensatrices de formation l'an dernier dans le PLF pour 2014, il créé cette année une nouvelle prime pour le recrutement des apprentis, mais il ne dispose plus de leviers d'action, car toutes les compétences « apprentissage » ont été transférées aux régions. Il faudrait trouver un équilibre entre l'Etat et les régions, comme le souhaite M. Martinot, ancien directeur de la DGEFP, que nous avons auditionné. Je souhaite, pour ma part, que le Sénat participe activement à cette réflexion.

Je voudrais indiquer à M. Cadic qu'il existe, dans l'action 2 du programme 103, une enveloppe de 850 000 euros pour l'aide à la mobilité des jeunes, mais qui ne concerne que l'Allemagne, et non le Royaume-Uni.

Vous avez raison, Madame Bricq, le dispositif de la Garantie jeunes est bien soutenu par l'Europe. Il était au coeur des réflexions des grandes conférences européennes sur l'emploi des jeunes, dont l'une s'est tenue à Paris le 12 novembre 2013. L'objectif des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, et des représentants des institutions européennes, était alors de consacrer 45 milliards d'euros sur deux ans pour l'emploi des jeunes. Le bleu budgétaire de 2014 évoquait un co-financement de l'Europe, mais sans le chiffrer. Le bleu budgétaire du PLF pour 2015 est plus précis car il évoque une enveloppe européenne de 30 millions d'euros, mais il est muet sur la répartition des aides entre Etats membres, et sur la somme totale qui sera reçue par la France. Je vous invite à interroger le ministre sur cette question en séance publique lors de l'examen de la mission.

Je constate avec satisfaction que de nombreux collègues au sein de la commission souhaitent avancer sur les dossiers que nous venons d'évoquer ce matin, mais les logiques partisanes freinent parfois malheureusement ces initiatives...

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