Notre commission s'est saisie pour avis du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » qui regroupe les crédits consacrés à l'énergie.
Même si ce budget n'est pas exempt de reproches - j'y reviendrai -, j'indiquerai tout d'abord que la baisse des crédits du programme - 8,8 % en crédits de paiement, pour une enveloppe totale de 545 millions d'euros, n'est largement qu'apparente : le programme étant consacré, en très grande partie, à la gestion de l'après-mines, cette contraction s'explique avant tout par la diminution naturelle des ayants droit. Pour le reste, le programme concourt, dans un contexte budgétaire une fois encore contraint, à la maîtrise des dépenses publiques tout en préservant l'essentiel - amélioration de la qualité de l'air et mise en oeuvre de la politique de l'énergie.
Dans le détail, le programme agrège trois actions d'importance budgétaire inégale et aux finalités différentes :
- La garantie des droits et l'accompagnement des anciens mineurs après l'arrêt de l'exploitation minière, qui représente à elle seule près de 93 % des crédits du programme ;
- La lutte contre le changement climatique, dotée de 31 millions d'euros ;
- La mise en oeuvre de la politique énergétique, enfin, pour un peu plus de 5 millions d'euros.
S'agissant du budget de l'après-mines, celui-ci est mis en oeuvre, à titre principal, par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) qui verse plus d'une centaine de prestations dont, pour l'essentiel, les avantages en nature (chauffage et logement) prévus par le statut du mineur (346 millions d'euros pour 2015) et les prestations de pré-retraite et prestations assimilées (86 millions d'euros).
Si les dépenses d'intervention et, consécutivement, la contribution de l'État au budget de l'agence (456 millions d'euros pour 2015) décroissent logiquement à mesure de la baisse du nombre de bénéficiaires - environ 135 000 personnes fin 2013 contre 145 000 un an plus tôt -, les deux évolutions ne sont pas strictement parallèles en raison, notamment, des revalorisations de prestations et de l'impact de la hausse régulière des contentieux sociaux propres à l'agence ou gérés pour le compte du liquidateur de Charbonnages de France (CdF) et liés, en particulier, à la reconnaissance d'un « préjudice d'anxiété » dû à une exposition à l'amiante et aux produits chimiques.
L'action concourt également au financement des dépenses de retraites anticipées négociées dans le cadre des plans sociaux (18 millions d'euros pour 2015, gérés par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM)) et des pensions des anciens agents français des établissements d'Afrique du Nord (11 millions d'euros, versés par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG)). Enfin, 18,5 millions d'euros seront encore consacrés, en 2015, aux opérations de liquidation et de réhabilitation des Mines de potasse d'Alsace (MDPA) dont le point dur reste le traitement du site de stockage de déchets ultimes exploité par la société Stocamine.
Au total, le demi-milliard d'euros alloué à cette action permet d'assurer l'indispensable continuité de l'action de l'État à l'égard du monde minier.
L'action « Lutte contre le changement climatique » vise, comme son nom l'indique, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Si les crédits dédiés baissent de 9,8 % par rapport à 2014, le ministère nous explique que cette contraction est due principalement à deux facteurs conjoncturels : d'une part, la non reconduction, en 2015, d'une contribution (1,5 million d'euros) à la préparation de la Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris à la fin de l'année 2015 - et dont le financement est désormais regroupé au sein d'un programme provisoire de la mission « Action extérieure de l'État » (179 millions d'euros au total) - et, d'autre part, la fin de l'effort budgétaire particulier consenti, depuis 2013, pour stimuler la politique de la qualité de l'air et accélérer, notamment, l'adoption des plans de protection de l'atmosphère (PPA) et la révision du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) exigée par les autorités européennes.
Il reste qu'au moment où l'Union européenne s'apprête à adopter sa nouvelle stratégie thématique dite « Paquet air » et où la France doit accueillir la prochaine conférence des Nations Unies sur le climat, cette baisse constitue, à tout le moins, un mauvais signal adressé à nos partenaires.
Concrètement, cette action finance, pour l'essentiel, le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (5,9 millions d'euros) et le réseau des 26 associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (19,4 millions d'euros). En termes de résultats, on peut noter une baisse significative des émissions sur la période 2008-2012 (- 35,6 % par exemple sur le dioxyde de soufre ou encore - 16 % sur les oxydes d'azote) même si le nombre annuel de dépassement des valeurs limites - lié à de nombreux facteurs, à commencer par la météo - ne diminue pas jusqu'à présent.
Je dirai un mot, enfin, de l'action « Politique de l'énergie » qui recouvre principalement une subvention versée à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs à hauteur de 3,8 millions d'euros (sur un budget total de l'agence de 335 millions d'euros) pour l'exercice de ses deux missions d'intérêt général : la réalisation de l'inventaire triennal des déchets radioactifs et la reprise des déchets « orphelins ».
Au-delà des crédits budgétaires, près d'une quinzaine de dépenses fiscales, d'importance variable, sont rattachées au programme à titre principal pour un coût total estimé, pour 2015, à plus d'1,3 milliard d'euros. Je précise que ce montant n'inclut pas le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation énergétique des logements (1,7 milliard d'euros) qui est associé, dans le découpage du budget, à la mission « Égalité des territoires et logement ».
Bien que son coût ait fortement diminué, depuis 2010, sous l'effet des coups de « rabot » successifs et des nouvelles conditions d'attribution imposées par les lois de finances pour 2011 et pour 2012, le crédit d'impôt développement durable (CIDD) demeure la principale dépenses fiscale énergétique, à 620 millions d'euros pour 2014 et 890 millions d'euros pour 2015.
Si la dernière loi de finances avait déjà simplifié la grille des taux du CIDD, le présent projet de budget le réforme à nouveau, avec pour objectif de le rendre plus attractif. Désormais rebaptisé crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), celui-ci voit ses deux taux actuels - respectivement 15 % et 25 % selon que l'on réalisait une ou au moins deux actions parmi un « bouquet de travaux » - portés à un taux unique de 30 % et la condition de « bouquet de travaux » supprimée ; en outre, de nouvelles dépenses sont rendues éligibles : compteurs individuels pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les copropriétés et bornes de recharge pour les véhicules électriques. Le coût de la mesure est estimé à 230 millions d'euros pour 2015 puis à 700 millions d'euros en année pleine.
Au total, même si l'on peut regretter, comme l'avait fait mon prédécesseur Roland Courteau avant moi, l'instabilité d'un dispositif retouché presque chaque année depuis sa création en 2000, la simplification et le renforcement proposés sont les bienvenus.
S'agissant du compte d'affectation spéciale dédié à l'électrification rurale, qui a remplacé en 2011 l'ancien fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ), sa dotation est maintenue pour 2015, ce qui permettra de financer les indispensables travaux de sécurisation et de renforcement du réseau dans nos territoires.
Je rappellerai à ce stade que les crédits budgétaires et la dépense fiscale ne recouvrent qu'une partie des moyens consacrés à la politique de l'énergie, dont le financement repose très majoritairement sur les consommateurs finals - entreprises et particuliers - qui acquittent sur leurs factures d'électricité la contribution au service public de l'électricité (CSPE) : destiné à couvrir, pour l'essentiel, les mesures de soutien au développement des énergies renouvelables, la péréquation tarifaire nationale et le tarif social de l'électricité, le produit de la CSPE s'élève, en 2014, à 6,2 milliards d'euros, soit plus de onze fois les crédits du programme.
Au-delà du périmètre du programme, le projet de loi de finances tire également les conséquences, dans son volet recettes, des suspensions successives de l'écotaxe puis du péage de transit poids lourds en alourdissant la fiscalité sur le gazole au 1er janvier 2015 pour les particuliers (+ 2 centimes par litre) comme pour les transporteurs routiers (+ 4 centimes). Cette réponse ne saurait, à mon sens, se substituer à des mesures de financement pérennes des infrastructures de transport.
Enfin, je saisis l'occasion du présent rapport pour évoquer, très brièvement, quelques-unes des principales mesures du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte qui devrait profondément modifier la conduite de notre politique énergétique au travers, notamment :
- des nouveaux objectifs qualitatifs et quantitatifs qu'il lui assigne - dont la réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 et celle de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % à l'horizon 2025 ;
- des nouveaux outils de gouvernance : budgets carbone et stratégie bas-carbone, programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et plafonnement de la capacité de production nucléaire à son niveau actuel ;
- des mesures nouvelles de soutien aux énergies renouvelables, à commencer par la mise en place d'un « complément de rémunération » qui permettra aux producteurs de vendre leur électricité directement sur le marché en complétant le prix de marché par le versement d'une prime ;
- la lutte contre la précarité énergétique au travers du futur chèque énergie qui vise à corriger les défauts des tarifs sociaux (non discrimination des formes d'énergie, simplification des critères d'attribution et financement de travaux de rénovation).
Si notre commission, éclairée en cela par son rapporteur Ladislas Poniatowski, prendra position, en temps utile, sur l'ensemble de ces dispositifs, je me contenterai, à ce stade, de souligner qu'à l'exception de la réforme du CIDD devenu CITE, l'ambition portée par le texte ne se traduit pas, dans ce projet de loi de finances, par de nouvelles mesures fiscales ou budgétaires, ce qui laisse largement ouverte la question des moyens alloués à la transition énergétique.
Et c'est là le principal écueil de ce budget : la transition énergétique y brille largement par son absence ! En réponse à ces critiques, la ministre de l'écologie a précisé, lors du débat à l'Assemblée nationale, qu'au-delà du budget et de la dépense fiscale, plusieurs « éléments d'ingénierie financière » contribueraient au financement de la transition : prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) destinés aux collectivités territoriales pour l'isolation des bâtiments (5 milliards d'euros), fonds national de la transition énergétique, logé à la CDC (1,5 milliard d'euros sur trois ans), part du programme des investissements d'avenir et du fonds européen consacrés à la transition énergétique. Je laisserai chacun d'entre vous apprécier cet inventaire à la Prévert...
Au total, malgré l'incertitude globale pesant sur le financement de la transition énergétique et au vu du périmètre d'un programme qui reste très majoritairement consacré à l'après-mines, je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».