Intervention de André Gattolin

Réunion du 19 novembre 2014 à 14h30
Débat sur l'action de la france pour la relance économique de la zone euro

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

D’un point de vue économique, l’Union européenne, enfermée souvent dans des politiques presque exclusives de réduction des déficits et de la dette publique, va mal, tant en termes d’emploi, d’activité industrielle que de croissance globale.

La compétition à l’échelle mondiale n’a jamais été aussi vive, il faut le reconnaître, et dans bien des domaines, notre retard à l’endroit des États-Unis ne se résorbe pas, voire il s’accentue.

Nous devons faire face aussi à la concurrence chaque jour plus forte des pays émergents, à tel point que ce qualificatif « émergent » est en train de devenir totalement inapproprié pour certains d’entre eux.

C’est d’ailleurs tout le sens du plan de 300 milliards d’euros annoncé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à propos duquel la presse indique qu’il devrait être au moins partiellement détaillé dès la semaine prochaine. Toujours selon la presse, la France aurait établi une liste comprenant une trentaine d’initiatives qui pourraient en bénéficier. Nous serions heureux, monsieur le ministre, d’en savoir davantage sur ces propositions faites par le Gouvernement français.

Car si la France veut peser dans la relance de l’activité économique en Europe, elle doit faire en sorte que les investissements portés par le plan Juncker correspondent au moins à deux types de critères.

Tout d’abord, ces investissements doivent être véritablement stratégiques au regard des enjeux auxquels nous faisons face. Ils doivent, selon moi, se concentrer sur les filières d’avenir plutôt que de chercher à perpétuer un modèle finissant.

Ensuite, ces mesures ne doivent plus se contenter de viser indifféremment l’ensemble des secteurs et des acteurs. On ne peut plus s’en tenir à l’approche purement horizontale qui a été jusqu’à ce jour dominante dans les politiques économiques de l’Union européenne.

À force de vouloir établir un prétendu écosystème réglementaire et légal identique pour tous et dans tous les domaines d’activité, la Commission européenne finit par s’enfermer dans un dogmatisme stérile et dans l’instauration de dispositions qui deviennent souvent inefficaces en matière de développement durable de l’activité en Europe.

La liste des exemples que je pourrais citer en la matière est longue, mais je me focaliserai sur ceux qui me paraissent les plus édifiants.

Ainsi, depuis plusieurs années, l’Union favorise les politiques de la recherche et de l’innovation.

Nous sommes tous d’accord : sans recherche forte, il n’y a pas d’innovation, condition pourtant nécessaire à une relance durable de l’activité dans un monde ultra-concurrentiel et en mutation permanente. Sur le fond, cette politique de l’Union est donc une bonne chose, notamment au moment où l’on annonce que la Chine devrait, dès cette année, dépasser l’Europe en matière de dépenses dans le domaine de la recherche et du développement.

De nombreux moyens sont donc engagés dans ce domaine dans le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 de l’Union européenne, et la Commission se montre particulièrement favorable aux politiques nationales des États membres qui instaurent d’importants crédits d’impôt recherche.

Le problème est que cette condition indispensable à la relance économique n’est pas en elle-même suffisante ; en effet, sans un soutien stratégique aux filières d’avenir, c’est-à-dire aux filières industrielles européennes qui vont utiliser les apports de la recherche européenne, nous assisterons à une migration des compétences, des savoirs, des personnes et des entreprises vers des régions du monde qui soutiennent ces filières d’avenir avec un grand volontarisme. Or, faisant preuve d’un dogmatisme incroyable, la toute puissante direction générale de la concurrence de la Commission sanctionne systématiquement tout appui un peu prononcé des États à ces filières bien identifiées et innovantes, pendant que nos concurrents nord-américains et asiatiques usent et abusent des crédits d’impôt sectoriels – qui ne sont pas condamnés par les règles de l’Organisation mondiale du commerce – pour attirer chez eux nos entreprises et nos talents les plus novateurs.

Cela ne peut pas durer ! Il ne saurait y avoir de relance durable de l’activité sans de véritables politiques industrielles européennes en aval des politiques de recherche ou des politiques horizontales de renforcement de notre compétitivité.

Autre difficulté, déjà évoquée par Richard Yung : la fiscalité.

C’est une question à laquelle il va bien falloir s’attaquer sérieusement, car trop d’États membres ont encore recours à leurs politiques fiscales au détriment de leurs partenaires.

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