Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 19 novembre 2014 à 14h30
Débat sur l'action de la france pour la relance économique de la zone euro

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chefs d’État et de Gouvernement du G20, réunis à Brisbane les 15 et 16 novembre, ont mis au cœur de leurs travaux, avec notamment l’impératif de la transparence fiscale et le climat, les mesures destinées à stimuler la croissance.

En effet, les indicateurs économiques mondiaux sont préoccupants, et ceux de la zone euro le sont encore plus. Au troisième trimestre, malgré le léger rebond de la croissance française, qui s’établit à 0, 3 %, l’investissement des entreprises a chuté de 0, 1 %, après connu un recul de 0, 5 % au trimestre précédent. Dans le même temps, l’Allemagne, qui caracolait en tête, fait face à un ralentissement incontestable de son économie, après avoir évité de peu la récession.

Notre continent est sous la menace d’un risque déflationniste, combinant une croissance atone et une faible inflation, ce malgré la politique très souple de la BCE, qui a récemment abaissé son principal taux directeur à 0, 05 %.

C’est dans ce climat morose que la Commission présidée par Jean-Claude Juncker a pris ses fonctions, au début du mois de novembre. Dès le 15 juillet, alors que sa nomination était confirmée par le Parlement européen, l’ancien Premier ministre luxembourgeois avait pour ambition de mobiliser 300 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans l’économie réelle au cours des trois prochaines années.

Le 12 octobre dernier, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, M. Macron, invoquait, au sujet de ce plan européen de relance par l’investissement, une formule presque magique en déclarant : « L’Europe a besoin d’un New Deal. »

Les détails de ce plan ne sont pas encore précisément connus. C’est ce que nous avons retenu de votre réponse, monsieur le ministre, lorsque vous fûtes interrogé, le 30 octobre dernier, dans le cadre de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, par Jacques Mézard.

Cependant, vous avez alors relevé l’un des freins au retour de la croissance en Europe, à savoir le manque d’investissements publics et privés, indiquant que leur montant avait diminué de 20 % environ depuis la crise de 2008.

Une inquiétude existe au plan européen, mais elle est présente aussi à l’échelon local. C’est ainsi que nous appréhendons le plan d’économies que le Gouvernement entend imposer aux collectivités locales qui, nous le savons tous, sont une force d’investissement dans nos territoires. Nous aurons l’occasion d’en reparler demain, lors de l’examen du projet de loi de finances.

Revenons maintenant à l’Europe.

Comme l’a déclaré M. Juncker à l’occasion de sa prise de fonction, la Commission est celle « de la dernière chance ». L’euroscepticisme n’a jamais été aussi fort, notamment parce que l’Europe a très peu montré jusqu’à présent qu’elle pouvait être une puissance et que, reconnaissons-le, elle ne fait pas grand-chose pour emballer les foules.

Le plan en cause n’est pas le premier du genre. En 1993, peu avant de quitter la présidence de la Commission, Jacques Delors avait mis sur pied un grand plan d’investissement pour la croissance, resté lettre morte.

Plus récemment, en 2012, les pays européens se sont accordés autour d’un pacte pour la croissance et l’emploi, qui n’a pas eu les effets escomptés.

Aujourd’hui, la zone euro a un besoin urgent – je dirais presque vital – d’investissements, et la relance de la croissance doit se faire prioritairement à l’échelon européen. Ce plan suscite donc de l’espoir, mais également des interrogations, que vous contribuerez, nous l’espérons, monsieur le ministre, à dissiper.

S’agissant de son montant tout d’abord, si 300 milliards d’euros représentent une somme importante, est-ce pour autant suffisant ? Pour certains observateurs, ce montant ne permettrait pas, à lui seul, de relancer la croissance du continent.

Pour ce qui est du financement, ensuite, M. Juncker a annoncé que ce plan ne contribuerait pas à alourdir la dette des États. Nous souscrivons à cette déclaration. De ce fait, c’est la Banque européenne d’investissement qui devrait se trouver au cœur du dispositif. Quel sera son rôle ? Comment s’articulera la relation entre la BEI et la Commission ? Quels investissements seront concernés ?

Le Président de la Commission européenne a défini quatre orientations prioritaires : les chantiers d’infrastructures dans les domaines de l’énergie, des transports, les réseaux numériques, ainsi qu’un volet social aux contours encore flous.

Monsieur le ministre, pouvez-nous nous éclairer ou, à défaut, nous informer sur la méthode que le Gouvernement entend privilégier au cours de la préparation du prochain Conseil européen des 18 et 19 décembre, à propos du pilotage au plan tant communautaire que national et du choix des projets ?

Par ailleurs, comment ces projets s’articuleront-ils avec le déploiement des fonds européens, dont la programmation a été lancée récemment pour les années 2014 à 2020, et qui seront majoritairement pilotés par les régions ? Ces fonds devraient correspondre en France à des subventions à hauteur de 7, 7 milliards d’euros en faveur de l’innovation, du soutien aux PME et aux infrastructures de très haut débit dont nous avons tous besoin, et à près de 10 milliards d’euros en faveur de l’économie verte et de la transition énergétique.

Comment ce plan s’articulera-t-il également avec les project bonds, ces obligations de projets que M. Yung a évoqués tout à l’heure et dont l’émission est garantie par la Banque européenne d’investissement ? Le premier project bond à l’échelle française a vu le jour au mois de juillet dernier et porte sur les infrastructures numériques et le très haut débit.

Enfin, monsieur le ministre, comment ce programme d’investissements sera-t-il complété, à l’échelon national, avec la BPI, ou dans le cadre de propositions communes, avec l’Allemagne notamment ? Ce plan d’investissements doit – ce ne sera pas la moindre de ses ambitions – permettre de restaurer la confiance.

L’Union européenne représente la première économie du monde en termes de PIB. C’est aussi la première région exportatrice mondiale et la première destination des flux d’investissements, ne l’oublions pas.

Face à la concurrence internationale, afin de conserver cette place de tête, l’Union européenne, plus précisément la zone euro, doit se doter d’une politique économique commune et avancer vers plus d’harmonisation sociale et fiscale, notamment au titre de l’impôt sur les sociétés. Nous savons que ce dossier est particulièrement épineux, mais les révélations récentes relatives au « Luxleaks », lesquelles éclaboussent au passage M. Juncker, rendent son traitement incontournable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion