Voilà quelques semaines, nous avons eu l’occasion de débattre du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Ce dispositif s’est révélé non seulement mal ciblé, mais aussi moins intéressant économiquement qu’une véritable TVA compétitivité.
Aussi, on devine bien le sujet implicite de ce débat.
Sauf erreur de ma part, les élus socialistes comme les membres du Gouvernement misent sur le financement, par l’Europe, d’un plan de relance de grande échelle sur l’ensemble de la zone euro. À défaut d’avoir su trouver des sources de croissance sur les marchés émergents extérieurs, qui souffrent eux aussi du retournement progressif de la politique monétaire américaine, vous attendez désormais que l’Union Européenne prenne sur elle, sur son budget, sur sa capacité éventuelle à s’endetter auprès des marchés financiers, la responsabilité de financer une politique qui a laissé nos finances publiques exsangues.
Cette situation n’a rien de nouveau. En arrivant au pouvoir, le Président de la République s’était engagé à renégocier le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ratifié au nom de la France par Nicolas Sarkozy, autour d’un pacte de croissance.
François Hollande avait promis d’arracher à la rigueur budgétaire allemande un plan de financement de la croissance économique pour la zone euro : ce sont les 120 milliards d’euros de 2012, qui n’étaient en réalité que la reconfiguration comptable de fonds déjà existants.
À toutes fins utiles, je rappelle que le plan de relance français de 2009 comptait 30 milliards d’euros de dépenses budgétaires ou fiscales, le jeu de nos stabilisateurs automatiques n’étant pas pris en compte. Les 120 milliards d’euros annoncés n’équivalaient donc qu’à quatre plans français, échelonnés sur plusieurs années et, qui plus est, englobant l’ensemble de l’Union européenne, donc de la zone euro.
Monsieur le ministre, convenez que c’était un peu court ! D’ailleurs, cette stratégie n’a pas fonctionné, puisque la situation économique de notre pays n’a cessé de se dégrader depuis sa mise en œuvre.
Le plan de 300 milliards d’euros d’investissements annoncé par Jean-Claude Juncker n’est pas censé nous dispenser des efforts de restructuration économique que nous n’avons pas accomplis, à la différence d’un grand nombre de nos voisins.
Emmanuel Macron a beau jeu de déclarer qu’il attend 30 milliards d’euros d’investissements en France par l’effet de ce plan : le président de la Commission européenne ne sait pas lui-même comment il pourra financer ce programme à cadre normatif et budgétaire constant !
J’ajoute que cette politique se résumerait à arroser du sable. Injecter des deniers publics dans une économie dont les gains de compétitivité s’effritent sous le poids de son secteur public, c’est la dédouaner de ses responsabilités budgétaires et lui faire miroiter une reprise facile et sans effort.
Shakespeare a écrit dans sa pièce Jules César que nous ne devions pas reprocher aux astres notre condition, qu’elle n’était imputable qu’à nous-mêmes. J’invite le Gouvernement à ériger cette formule en maxime personnelle.
Une seule voie raisonnable permettrait à la France de participer à la relance économique de notre zone monétaire.
En premier lieu, nous devons éviter de sombrer à notre tour dans la crise de la dette souveraine. Notre dette avoisine dangereusement les 100 % du PIB, soit près de 2 000 milliards d’euros. Notre exposition au retournement des taux d’intérêt est trop systémique pour que nous puissions attendre de bénéficier des subsides européens pour financer les efforts que vous ne voulez pas réaliser au titre de la dépense publique.
En second lieu, pour assurer une véritable politique française de relance économique, il faudrait saisir à bras-le-corps, une bonne fois pour toutes, le chantier de la compétitivité. La philosophie sous-jacente de l’euro est de permettre à nos économies de se tourner vers l’extérieur, vers le commerce international. Elle exige dès lors une attention constante à notre compétitivité-prix ou produit. Il faut innover à défaut de baisser nos prix, c’est la contrepartie de la stabilité monétaire offerte par l’euro.
J’entends d’ici les remarques : notre inflation étant très faible et le risque de déflation devenant de plus en plus menaçant, il faudrait creuser davantage encore nos déficits pour soutenir le niveau de nos prix et donc l’activité. Mais c’est ce que le Japon fait depuis plus de dix ans ! Or la dette publique de ce pays dépasse les 200 % du PIB, du fait de l’aversion au risque financier de son secteur privé. Parallèlement, cette mécanique infernale n’a pas permis de dégager des gains de croissance substantiels.