Intervention de François Marc

Réunion du 19 novembre 2014 à 14h30
Débat sur l'action de la france pour la relance économique de la zone euro

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne l’ignore, l’Europe traverse aujourd’hui une grave crise économique : la croissance y est faible et la déflation menace. D’ailleurs, le week-end dernier, elle a été pointée du doigt durant la réunion du G20 en raison de sa croissance anémiée. L’Allemagne elle-même a vu sa croissance ralentir ces derniers mois.

Si nous voulons éviter d’entrer dans une spirale déflationniste, de laquelle il serait long et difficile de sortir, ainsi que nous l’enseigne l’expérience japonaise, et qui pourrait avoir des conséquences économiques, sociales et politiques désastreuses, il est urgent d’agir, et d’agir vite !

Une politique de lutte contre la déflation par une relance de l’investissement public et privé en Europe relève donc de l’intérêt général.

Ce constat, très tôt dressé par le Président de la République, François Hollande, est à présent partagé par des personnalités aussi éminentes que Paul Krugman, Mario Draghi, ou encore par des experts du FMI. M. Juncker, nouveau président de la Commission européenne, s’y est également rallié, qui préconise la mise en place d’un plan d’investissement de 300 milliards d’euros sur trois ans.

Dans ce contexte, maintenant plus favorable à cette idée, certains s’interrogent sur l’importance des sommes devant être engagées et sur la nature publique ou privée des investissements. Le débat porte également sur les outils financiers qui permettront de faire vivre ce plan, ainsi que Richard Yung l’a évoqué tout à l'heure.

Dans le temps qui m’est imparti, je focaliserai mon propos sur le choix des secteurs à privilégier.

Le plan d’investissement de 300 milliards d’euros devra, à mon sens, être concentré sur un petit nombre de secteurs clés. Bien entendu, les projets d’infrastructures routières et ferroviaires en constituent un segment important. On peut s’attendre, d’ailleurs, à ce que certains de nos partenaires européens fassent pression pour orienter les moyens dans cette direction.

Pour autant, on ne peut concevoir que tous les moyens de ce plan soient consacrés à de tels programmes. Si l’on souhaite préparer l’Europe au monde et à l’économie de demain, il est essentiel de viser d’autres secteurs clés.

J’évoquerai en premier lieu celui de l’énergie. Les investissements dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d’énergie constituent un enjeu fondamental puisqu’ils sont la principale réponse au défi du réchauffement climatique. Les États européens ont récemment pris l’engagement de limiter davantage leur production de gaz à effet de serre, et ce plan d’investissement doit permettre de le concrétiser.

Les énergies renouvelables répondent également à l’enjeu de l’autonomie énergétique de l’Union européenne, d’autant plus important que plane la menace d’une nouvelle guerre froide avec la Russie, principal fournisseur en gaz de l’Europe.

Sur cette question, l’argument économique peut, à lui seul, se révéler déterminant. Le rapport Stern a démontré que le coût du réchauffement climatique sera plus important que celui des investissements nécessaires aujourd’hui pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que l’a récemment rappelé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Autrement dit, non seulement il est de notre devoir de laisser aux générations futures une planète non dégradée, mais encore, si nous voulons préserver au maximum leur avenir économique et financier, nous devons affecter, aujourd’hui, les investissements dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie.

Le deuxième secteur devant être privilégié est celui des télécommunications et de l’économie numérique. Celle-ci, on le sait, est une source de croissance indéniable. Pour autant, à l’heure actuelle, elle contribue à la croissance bien plus aux États-Unis qu’en Europe. Cette dernière doit donc engager des investissements massifs structurants pour remédier à cette situation et maximiser son potentiel de croissance.

Un troisième secteur clé pour demain est celui des biotechnologies. Il ouvre des possibilités quasiment infinies, qui nous permettront d’améliorer la santé, l’environnement, l’agriculture, ainsi que la production industrielle. Les potentialités de croissance qu’il offre pour l’avenir sont plus que prometteuses et l’Europe se doit de saisir cette opportunité.

D’une manière générale, le secteur de la recherche et du développement a besoin d’investissements en Europe, ne serait-ce que pour rattraper le retard pris depuis une quinzaine d’années sur d’autres pays, tels les États-Unis.

Pour dire simplement un mot des outils de financement de ce plan d’investissement, je voudrais préciser que l’Europe dispose de puissants investisseurs institutionnels et de long terme, dont la Caisse des dépôts et consignations en France. Cette instance s’est d’ailleurs déjà engagée aux côtés de la BEI pour développer les investissements structurants en faveur de la croissance. Elle sera, à n’en pas douter, un relais majeur, dans notre pays, du plan d’investissement européen.

En conclusion, à l’attention de ceux qui s’inquiéteraient d’un plan qui augmenterait la dette pour nos enfants, il est utile de rappeler que les effets positifs de ces investissements doivent justement servir les intérêts des générations futures. Ce plan de 300 milliards d’euros présente en outre l’avantage d’emporter aussi bien un effet à moyen terme, sur l’offre, qu’un effet à court terme, sur la demande. Il permettra donc d’agir efficacement en faveur du retour à la croissance. §

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