Intervention de Dominique Bailly

Réunion du 19 novembre 2014 à 14h30
Débat sur l'action de la france pour la relance économique de la zone euro

Photo de Dominique BaillyDominique Bailly :

Tout à fait, mon cher collègue !

Elle travaille donc à réorienter les politiques européennes, comme en attestent les batailles gagnées dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, l’union bancaire, les travailleurs détachés, ou encore la « garantie jeunes », un sujet sur lequel je reviendrai.

Je me félicite de la prise de conscience qui semble s’opérer – lentement peut-être ! – en la matière, comme le prouvent les positions récentes du gouvernement allemand et de la nouvelle Commission européenne.

Ces déclarations sont d’importance à l’heure où, selon une récente publication d’Eurostat, plus de 120 millions de personnes, soit près de 25 % de la population européenne, étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2013. Mettons donc – enfin ! – en œuvre la « clause sociale horizontale », à savoir l’article 9 du traité de Lisbonne.

Force est de le constater, l’Union européenne est loin d’avoir respecté ses engagements sociaux. Or le traité de Lisbonne offre pourtant des possibilités politiques, qui ne sont malheureusement pas encore exploitées.

Il est primordial de dépasser le stade de la coordination – coordonner, toujours coordonner ! – et de mettre en place une aide aux États membres en matière de politique sociale. Voilà ce qui est essentiel !

Par ailleurs, il est nécessaire de donner une force contraignante aux objectifs sociaux.

Enfin, la dimension sociale doit s’entendre de manière transversale : elle doit être intégrée à toutes les initiatives européennes.

Oui, l’Europe a la responsabilité de définir un socle commun de droits sociaux. Minima sociaux pour tous, sécurisation de la mobilité professionnelle, portabilité des droits sociaux, poursuite de la lutte contre le dumping social, pérennisation de la « garantie jeunes », assurance chômage européenne : tels sont les chantiers à poursuivre, monsieur le ministre, et je sais que telle est votre intention. L’Europe sociale doit être le ciment du projet européen !

Permettez-moi de m’attarder plus particulièrement un instant sur deux points : la garantie pour la jeunesse et la nécessité de développer une assurance chômage européenne.

En 2013, tous les dirigeants européens ont fait de la lutte contre le chômage des jeunes une priorité et ont adopté le mécanisme de la garantie pour la jeunesse. Je me félicite de la position défendue par la France et par l’Italie lors du dernier sommet pour l’emploi, prônant la pérennisation du dispositif et sa montée en puissance jusqu’en 2020, pour atteindre in fine des investissements dédiés à la lutte contre le chômage des jeunes à hauteur de 20 milliards d’euros.

Les initiatives lancées en 2013 doivent en effet constituer le début de l’engagement de l’Union européenne dans ce domaine et non une fin en soi.

Mais – il y a toujours un « mais » ! –, les objectifs ne pourront être atteints que si la mise en œuvre de ce dispositif est rapide – très rapide même ! – et efficace.

Aujourd’hui, seuls trois programmes, dont celui de la France, ont commencé. Bien que l’enveloppe dédiée à la garantie pour la jeunesse atteigne 6 milliards d’euros pour la période 2014-2020, elle peine à être distribuée.

En effet, le système de préfinancement est fixé à 1 %, selon le modèle appliqué aux fonds structurels, ce qui oblige les États membres à avancer les fonds. Or, en période de déficit, cette mesure limite l’efficacité immédiate du programme.

La garantie pour la jeunesse doit être une priorité de la Commission européenne. Il faut mettre fin à la lourdeur administrative, alléger les procédures et créer – pourquoi pas ? – des fonds de proximité ad hoc pour en faciliter le financement.

J’en viens maintenant à l’assurance chômage.

Dans un rapport d’information du mois de décembre 2013, j’ai défendu la nécessité de développer la dimension sociale de l’Union européenne via la mise en œuvre d’un budget spécifique pour la zone euro et d’un dispositif d’assurance chômage européenne.

En effet, une assurance chômage européenne concourrait à remplir l’objectif de stabilisation macro-économique dévolu à la capacité budgétaire de la zone euro, les dépenses liées au chômage étant, on le sait, particulièrement cycliques. Elle contribuerait également à réduire la tendance à faire des politiques sociales les variables d’ajustement des efforts macro-économiques en cas de choc asymétrique. Enfin, elle offrirait – politiquement, c’est important ! – une visibilité forte aux citoyens européens, qui percevraient immédiatement les avantages sociaux de la zone euro. Un tel mécanisme permettrait d’assouplir, j’en suis convaincu, les contraintes budgétaires européennes des États membres.

D’ailleurs, cette proposition trouve en ce moment même un écho auprès du Parlement européen.

Mes chers collègues, le résultat des élections européennes le prouve, la construction européenne doit regagner en légitimité et en crédibilité. Or cela ne sera possible qu’en menant des actions concrètes susceptibles d’apporter des réponses là aussi concrètes aux difficultés rencontrées quotidiennement par les citoyens européens. §

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