Intervention de Michel Sapin

Réunion du 19 novembre 2014 à 14h30
Débat sur l'action de la france pour la relance économique de la zone euro

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

L’Europe devra-t-elle subir le même sort ? Faut-il seulement accepter qu’elle en coure le risque ? Évidemment, la réponse est non ! Car la première leçon de l’expérience japonaise, c’est que, au moment où l’on se rend compte de cette situation, il est déjà trop tard. Il nous faut donc agir immédiatement – il y a urgence ! – pour éviter de tomber dans cette spirale, en utilisant tous les leviers dont nous-mêmes et l'Europe disposons.

C’est une réponse en cinq axes que la France appelle de ses vœux, une réponse cohérente pour permettre à l’Europe de sortir par le haut de la crise actuelle : la politique monétaire doit être accommodante ; la politique budgétaire doit assurer la poursuite du redressement budgétaire sans étouffer la croissance ; les réformes de structure doivent nous permettre d’augmenter nos perspectives de croissance à moyen terme ; le plan d’investissement européen est appelé à constituer une réponse à court terme mais aussi à moyen terme ; enfin, comme cela vient d'être souligné, il nous revient de tracer un cadre européen rénové au vu des enseignements du passé.

Premier axe, la politique monétaire : avec un taux de 0, 4 % en octobre, l’inflation en zone euro s’inscrit durablement dans une dynamique très inférieure à la cible de 2 % fixée par la Banque centrale européenne, et elle ne devrait pas approcher cet objectif avant 2017.

Beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, la Banque centrale européenne, prenant la mesure de la situation, a annoncé en juin et en septembre des mesures sans précédent, avec de nouveaux achats d’actifs et une nouvelle séquence de prêts ciblés aux banques. Si ces annonces ont largement contribué à la détente du cours de l’euro depuis l’été, leur mise en œuvre n’agira que graduellement sur l’inflation et l’offre de crédits.

Deuxième axe, la politique budgétaire : la défiance des investisseurs au cœur de la crise des dettes souveraines a conduit les États à se lancer à partir de 2010 dans une consolidation massive et prolongée de leurs finances publiques. Si nécessaire qu’elle ait été pour restaurer la confiance et éviter la dislocation de la zone euro, cette opération – en particulier son caractère simultané dans la plupart des pays – a lourdement pesé sur la croissance. La Commission européenne l’a elle-même reconnu en évaluant la perte d’activité résultant de trois années de consolidation simultanée des comptes publics, de 2010 à 2013, entre 3 % et 8 % du PIB selon les États, avec 5 % pour la France.

Nous devons bien sûr poursuivre l’assainissement de nos finances publiques. Mais nous devons aussi éviter que le spectre d’une « troisième crise », conjonction d’une période prolongée de faible croissance et d’une inflation anormalement basse, ne se matérialise. À Brisbane, le week-end dernier, nos partenaires du G20 nous ont appelés à réagir, et Jack Lew, le ministre des finances américain, s’est publiquement inquiété du risque d’une « décennie perdue » en Europe.

La réponse réside dans une application intelligente de nos règles, en usant de leur flexibilité, qui assure justement leur adéquation à des situations variées et contribue donc à leur crédibilité.

Au-delà de ces enjeux de très court terme, il nous faut donc adapter le cadre de gouvernance budgétaire, notre logiciel commun, qui ne doit plus être le logiciel de prévention du risque d’éclatement de la zone euro, mais un logiciel garant d’une croissance durablement équilibrée.

J’en viens au troisième axe, ce levier absolument indispensable que constituent les réformes de structure. Sous ce vocable, je ne désigne pas je ne sais quelles injonctions néolibérales : j’entends parler ici de réformes en profondeur des mécanismes de l’économie afin d’augmenter les possibilités de croissance pour l’avenir.

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