Une monnaie commune crée des interdépendances et des intérêts communs. C’est vrai en matière budgétaire, certes, mais c’est tout aussi vrai des autres politiques économiques.
Je souhaite donc qu’il y ait plus de discussions et de coordination sur les orientations politiques des réformes, sur leur mise en œuvre effective et sur l’évaluation de leur impact, et ce pour chaque pays ainsi que pour la zone euro dans son ensemble. Pour prendre un exemple, le mois dernier, l’OCDE a estimé que les réformes déjà engagées ou annoncées en France pourraient permettre, sur dix ans, une augmentation de la croissance potentielle – c’est-à-dire, la croissance de demain – de l’ordre de 0, 4 point de PIB par an.
Les réformes que nous menons sont aussi essentielles que les améliorations budgétaires. Il faut d’ailleurs que la Commission, lorsqu’elle quantifie les efforts budgétaires recommandés à chaque pays, prenne non seulement en compte les effets de l’inflation et de la croissance, mais aussi, pour évaluer le potentiel de croissance, l’impact réel des réformes de structure.
Quatrième axe, le plan européen d’investissement dit « plan Juncker ». On constate aujourd’hui un manque cruel d’investissements en Europe. Que chacun garde bien ce chiffre en tête : aujourd'hui, dans la zone euro, l’investissement public et privé est inférieur de 16 % à ce qu’il était en 2007, avant la crise. Dans de nombreux pays – bien entendu en France, mais aussi en Allemagne –, la faiblesse de l’investissement est l’un des principaux éléments expliquant la faiblesse de la croissance et de la demande. C’est une menace non seulement immédiate, pour la croissance d’aujourd’hui, mais aussi différée, pour les perspectives de croissance de demain.
L’investissement, c’est en quelque sorte ce qui réconcilie offre et demande, ce qui réconcilie court terme et long terme. Le plan Juncker doit comporter un volet à court terme comprenant des projets qui puissent démarrer tout de suite, dès 2015. Mais, pour l’essentiel, les effets de ce plan ne se feront sentir que sur le moyen terme. Nous souhaitons que soient prioritairement concernés des secteurs aussi cruciaux et porteurs de croissance que, par exemple, l'économie numérique, les infrastructures énergétiques, les infrastructures de transport – là où elles peuvent encore manquer –, la transition énergétique, le tout en portant une attention toute particulière au tissu des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.
Concernant le volet financier de ce plan d’investissement, une articulation doit être trouvée entre financements publics et financements privés. Il ne faut pas les opposer, bien au contraire : l’intervention publique doit débloquer des projets, attirer des capitaux privés en prenant une part du risque et donner une perspective de temps plus long, quand les investisseurs privés sont parfois affectés d’une certaine myopie.
Pour cela, il ne faudra pas oublier de recourir à des actions de nature réglementaire.
Mais il est aussi besoin de ressources publiques, et, pour une initiative réellement ambitieuse, il sera nécessaire d’en mobiliser de nouvelles. Il faudra mieux utiliser le budget européen, les fonds structurels, mais je suis favorable à une réflexion sur l’utilisation d’autres outils de l’Union européenne dotés d’une capacité d’emprunt.
J’en arrive, enfin, au cinquième axe : nous devons nous placer dans des perspectives d’intégration pour donner cet avenir, ce devenir politique nécessaire à l'Europe que nous voulons.
Notre projet, certes, c'est l'Europe. Ce n’est pas seulement une question de projet politique, c'est aussi un enjeu économique de court terme : tracer une perspective pour le projet européen, c'est contribuer à redonner confiance dans ce projet, et donc à soutenir la reprise.
À cet égard, je souhaiterais insister sur l’existence de deux chantiers immédiats pour la nouvelle Commission européenne.
Le premier chantier concerne l’harmonisation fiscale.